Paris, Théâtre des Champs-Elysées, lundi 17
juin 2013
Youri Temirkanov. Photo : DR
Depuis
l’ère Ievgueni Mravinski, l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg (ex-Orchestre
Philharmonique de Leningrad) est considéré comme l’une des formations
symphoniques les plus prestigieuses au monde. Cela à juste titre. Le concert donné
hier au Théâtre des Champs-Elysées, dont il est tous les ans l’invité, l’a confirmé
une fois de plus. Tant et si bien qu’il est toujours indéniable que, malgré les
progrès impressionnants de l’Orchestre du Théâtre Mariinsky sous l’impulsion de
son énergique patron Valery Gergiev, il demeure, sous l’influence de son directeur
musical depuis 1988 Youri Temirkanov, l’orchestre russe référent.
L'Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg dans sa célèbre salle de la Philharmonie
C’est
pourquoi l'on ne peut que regretter ici que le programme ait été par trop convenu,
malgré son unité fondée sur l’idée de musique russe inspirée par l’Orient autour
de la personnalité de Nikolaï Rimski-Korsakov, dont une œuvre concluait le programme
précédée de pages de l’un de ses compagnons du Groupe des Cinq ainsi que de son
élève le plus célèbre. Pourquoi cet orchestre magnifique n’a-t-il pas donné en
première partie l’intégrale du ballet d’Igor Stravinski l’Oiseau de feu de 1910,
qui fut créé à l’Opéra de Paris, plutôt que la suite d’orchestre de 1919 à
laquelle il a associé le bruyant marronnier que constituent les Danses polovtsiennes d’Alexandre Borodine ?... Surtout lorsque l’on
entend les beautés qui émanent de l’orchestre entier et des pépites sonores qu’exaltent
tous les solistes, sans exception. Certes, dans ces interprétations
foudroyantes, la fusion s’avère aussi un modèle de perfection et d’homogénéité,
quel que soit le nuancier, et le spectateur reste scotché sur son siège par la
magie des timbres et des résonances qui naît de l’ensemble. Tant et si bien que
l’on reste plus encore sur sa faim, tant l’on regrette que ces remarquables
musiciens aient préféré impressionner le public plutôt que de lui offrir une
véritable narration…
Lev Klychkov, premier violon de l'Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg. Photo : DR
L’œuvre
discursive était proposée en seconde partie de concert. Il s’est agi de Shéhérazade, suite symphonique op. 35 de
Nikolaï Rimski-Korsakov. Une partition elle aussi archi-rabâchée, mais qui met en
évidence le premier violon solo, remarquable Lev Klychkov, à la carrure impressionnante, d'une tenue magistrale dans le rôle capital qu'est le
sien dans ce grand poème symphonique avec violon obligé. Comme à l’époque
soviétique, l’orchestre pétersbourgeois est clairement une entité humaine à
part entière dont les musiciens ne sont que les membres et l’âme, et doivent de
ce fait rester dans l’anonymat, malgré la place conséquente accordée aux
pupitres solistes dans la partition de l’excellent orchestrateur qu’est Rimski-Korsakov.
Il est vrai que tous lesdits solistes seraient à citer, tant ils ont brillé
tout en se fondant à la masse de l’orchestre dont ils ne font en fait que
souligner les sortilèges.
Devant
l’enthousiasme du public, dont une partie hurlait comme s’il s’agissait d’une « claque »,
l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg a donné deux courts bis, un
extrait de Roméo et Juliette de Serge
Prokofiev et un second tiré de l’Histoire du
soldat de Stravinski - dommage que le contrebassiste solo reste dans l'anonymat…
Merci pour cet article. Je voudrais en savoir plus sur la formation des musiciens à l'époque soviétique, dont vous évoquez une caractéristique, celle d'être un collectif quasi organique. Pouvez-vous en dire plus? Merci
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