vendredi 25 mars 2016

Béatrice et Bénédict de Berlioz de La Monnaie adoucit un peu les meurtrissures de Bruxelles

Bruxelles. Palais de La Monnaie, Tour et Taxis. Jeudi 24 mars 2016

Hector Berlioz (1803-1869), Béatrice et Bénédict. Photo : ©B.Uhlig / La Monnaie

Soirée de grande émotion jeudi 25 mars à Bruxelles. Le Théâtre de La Monnaie, sous le chapiteau provisoire qu’il a acquis pour la durée des travaux de sa salle, a donné une engageante production de Béatrice et Bénédict de Berlioz précédée d’une minute de silence et de l’hymne national belge, la Brabançonne

Hector Berlioz (1803-1869), Béatrice et Bénédict. Stéphanie d'Oustrac (Béatrice), Anne-Catherine Gillet (Héro). Photo : ©B.Uhlig / La Monnaie

Production engageante parce que les répétitions ont été interrompues avant la pré-générale en raison du deuil national qui a suivi les attentats de mardi 22 mars. Si bien que la première de Béatrice et Bénédict de Berlioz s’est présentée comme une générale. Mais, il faut se féliciter de la décision prise par Peter de Caluwe, directeur de La Monnaie, qui a opportunément rappelé que seule la Culture aura raison de la barbarie. Un poignant hommage a suivi sa déclaration avant la représentation : une minute de silence avant une Brabançonne jouée avec foi par l’Orchestre de La Monnaie. Sous le choc du traumatisme des terrifiants événements du 22 mars et avec une tangible émotion, le Théâtre de La Monnaie, en travaux jusqu’en novembre, a inauguré la salle provisoire du Palais de La Monnaie, chapiteau établi sur le site industriel Tour & Taxis. 

Hector Berlioz (1803-1869), Béatrice et Bénédict. Photo : ©B.Uhlig / La Monnaie

Un poignant hommage a précédé la première de Béatrice et Bénédict de Berlioz, à Bruxelles, une minute de silence en hommage aux victimes des attentats de mardi suivie d’une exécution de la Brabançonne, l’hymne national belge, jouée avec cœur par l’Orchestre du Théâtre de la Monnaie. C’est en effet sous le choc des attentats de mardi 22 mars et d’une palpable émotion que le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles a inauguré la salle provisoire du Palais de la Monnaie, chapiteau planté sur l’ancien site industriel Tour & Taxis où vient de s’installer l’Opéra de Bruxelles, fermé pour travaux jusqu’en novembre prochain. « Malgré le coût de la structure, convenait Peter de Caluwe, cette solution épisodique est amplement préférable à la fermeture pure et simple de l’Opéra de Bruxelles, qui aurait engendré la déprogrammation de productions déjà engagées, et la mise à pied du personnel. » Et peut-être bien plus, considérant les difficultés des institutions culturelles fédérales belges dues pour l’essentiel aux baisses drastiques des subventions.

Hector Berlioz (1803-1869), Béatrice et Bénédict. Stéphanie d'Oustrac (Béatrice), Julien Dran (Bénédict). Photo : ©B.Uhlig / La Monnaie

L’œuvre choisie pour cette ouverture, Béatrice et Bénédict d’Hector Berlioz originellement prévue pour le Théâtre de la Monnaie intra-muros, s’est présentée jeudi comme un véritable antidote à la barbarie, grâce à ses atouts à mêle de susciter le sourire et faire oublier l’espace d’une heure quarante aux Bruxellois la terreur dont la capitale belge a été victime deux jours plus tôt. Cet opéra comique en deux actes est en effet une œuvre de divertissement à l’optimisme conquérant entreprise après la tragédie des Troyens dont la genèse avait épuisé Berlioz, qui, cette fois, a conçu un ouvrage empli d’avenantes mélodies et de numéros musicaux d’une extrême beauté.

Hector Berlioz (1803-1869), Béatrice et Bénédict. Anne-Catherine Gillet (Héro), Etienne Dupuis (Claudio). Photo : ©B.Uhlig / La Monnaie

C’est un exercice de haute voltige auquel n’a pas hésité à se livrer la production bruxelloise en donnant au public un travail qu’elle n’a pu peaufiner en raison des tragiques événements qui ont empêché la réalisation des pré-générale et générale. L’Opéra de Bruxelles n’a pas voulu reporter le rendez-vous de la première. C’est donc une véritable prouesse qui a été réalisée, puisque rien n’a transparu, la soirée étant un quasi sans faute, malgré tandis les hélicoptères qui ont survolé le chapiteau du Palais de la Monnaie, couvrant parfois les voix des chanteurs et comédiens, et quelques raccords s’avérant peut-être nécessaires pour les représentations qui vont suivre.

Hector Berlioz (1803-1869), Béatrice et Bénédict. Stéphanie d'Oustrac (Béatrice), Anne-Catherine Gillet (Héro), Eve-Maud Hubeaux (Ursule). Photo : ©B.Uhlig / La Monnaie

Œuvre rare à la scène, ne serait-ce que pour d’évidentes difficultés de représentation, Berlioz ayant façonné dans cette ultime partition opératique non pas une œuvre théâtrale mais une synthèse de son art et de ses exigences de musicien épris de Shakespeare, au risque-même de l’impossible réalisation à la scène. Cela malgré une intrigue plutôt limpide, la pièce de Shakespeare adaptée par Berlioz, Beaucoup de bruit pour rien, dont l’action se déroule au XVIe siècle dans la ville sicilienne de Syracuse, contant deux histoires d’amour parallèles, l’une finissant mieux que l’autre. Richard Brunel, directeur de la Comédie de Valence qui a enthousiasmé le public lyonnais la semaine dernière avec la reprise de sa production du Kaiser von Atlantis de Viktor Ullmann (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2016/03/retour-lyon-de-lexcellente-production.html), a réactualisé avec tact - abstraction faite d’injures un brin triviales et de crachats dignes du 9-3 ou de Villeurbanne -, les textes parlés écrits par Berlioz en retournant aux sources de Shakespeare dans une nouvelle traduction française. Le directeur de la Comédie de Valence signe de nouveau une mise en scène mobile et fraîche, cette fois dans un décor un peu fatras mais plastiquement réussi d’Anouk Dell’Aiera dominé par une chaire d’église imposante et au plafond éclaté où pendent des rameaux tandis que le printemps jaillit de l’arrière-scène. Dans la fosse peu profonde du Palais de La Monnaie, Jérémie Rohrer dirige avec onirisme et beaucoup de sensibilité un Orchestre de la Monnaie fluide et aux textures le plus souvent cristallines. 

Hector Berlioz (1803-1869), Béatrice et Bénédict. Photo : ©B.Uhlig / La Monnaie

La distribution est dominée par les femmes, Stéphanie d’Oustrac campant une éblouissante Béatrice, qui s’impose dans sa belle aria « Dieu que viens-je d'entendre ? », Anne-Catherine Gillet est une radieuse Héro, et Eve-Maud Hubeaux une généreuse Ursule. Toutes trois offrent des moments enchanteurs, comme le sublime duo Ursule/Héro qui conclut le premier acte et le trio du second acte. L'ensemble de la distribution est des plus méritantes, avec Julien Dran, Bénédict ébaubi à la voix claire, Etienne Dupuis (Claudio), Frédéric Caton (Don Pedro), et Lionel Lhote, qui incarne un maître de chapelle plutôt sobre, tandis que le chœur de de La Monnaie est excellent. Il convient bien sûr d'associer les comédiens, Pierre Barrat (Lonato) et Sébastien Dutrieux (Don Juan).

Bruno Serrou

mercredi 23 mars 2016

Quatuor Diotima, un concert anniversaire de grande qualité annonciateur d'une éternelle jeunesse

Paris. Théâtre des Bouffes du Nord. Lundi 21 mars 2016

Le Quatuor Diotima à l'issue du concert de son vingtième anniversaire. De gauche à droite : Yun-Peng Zhao (premier violon), Franck Chevalier (alto), Constance Ronzatti (second violon) et Pierre Morlet (violoncelle). Photo : (c) Bruno Serrou

Célébrer ses vingt ans le jour de l’avènement du printemps… Serait-ce le symbole d’une éternelle jeunesse pour le Quatuor Diotima, dont le crédo est la quête de l’excellence par la constance du renouveau ? En tout cas, le concert que les Diotima ont offert lundi à un parterre où se sont bousculés un grand nombre de compositeurs, d’instrumentistes au sein d’un public d’amis et de fidèles partager ce moment, en est assurément la promesse…

Premier quatuor à cordes français à avoir pour activité autant dans le répertoire classique que dans la création contemporaine dans la lignée des Quatuors Caplet et Parrenin, le Quatuor Diotima célèbre cette année ses vingt ans d’existence. D’abord voué à la seule création, d’où son nom en hommage au compositeur italien Luigi Nono (1924-1990) lui-même inspiré par le poète allemand Friedrich Hölderlin (1770-1843), ce quatuor d’archets est devenu polyvalent, se plaisant à mettre en regard les œuvres de notre temps dont il est souvent le commanditaire et celles du passé. Les compositeurs le sollicitent, il porte très haut la réputation de la France musicale à l’étranger, et il est désormais à la tête d’une collection de disques consacrée aux compositeurs contemporains. « La naissance d’un quatuor est due au désir de copains de faire de la musique ensemble, sourit Franck Chevalier, l’altiste du Diotima. Le nôtre s’est formé autour de l’amitié de Pierre Morlet, notre violoncelliste, avec des professeurs de composition du Conservatoire, Alain Bancquart et Emanuel Nunes, qui souhaitaient que leurs quatuors soient joués. »

La première prestation du quatuor a eu lieu au Festival Darmstadt en 1994. « Aucun de nous n’avait l’intention de faire du quatuor, dit Pierre Morlet. Mais peu à peu l’envie s’est imposée, et nous avons choisi un nom. » L’idée fondatrice étant la passion, le Diotima a épuisé plusieurs violonistes. « Nous étions tous membres d’orchestres ou enseignants, rappelle Franck Chevalier. Indépendamment des buts artistiques, un répertoire a été défini. Entendant nous consacrer au passé autant qu’au présent, il était clair que nous devions faire du quatuor à plein temps. Cette vocation nous enrichit et nous permet la réalisation de chacun de nous. » Les derniers membres arrivés sont les deux violonistes. Le Chinois Yun-Peng Zhao est premier violon depuis 11 ans. « Diotima est mon premier poste, dit-il. Ce qui m’a attiré vers ce quatuor est sa quête de l’excellence par la constante du renouveau. Nous voyageons constamment entre les répertoires, ce qui nous conduit à porter chaque fois de nouvelles perspectives entre notre temps, le classicisme, le romantisme et le XXe siècle. »

Trois nouvelles parutions du Quatuor Diotima : Intégrale des Quatuors à cordes de la Seconde Ecole de Vienne : Arnold Schönberg, Alban Berg, Anton Webern (5 CD Naïve Y 5380) ; la Musique de chambre de Miroslav Srnka (1 CD Naïve Y 5433) ; le Livre pour quatuor "révisé" de Pierre Boulez (1 CD Megadisc 9 780201 379679)

Aujourd’hui, le Quatuor Diotima transmet sa passion aux jeunes musiciens en animant une Académie abbaye de Noirlac, dans le département du Cher. « Il ne s’agit pas de cours traditionnels, insiste Zhao, mais de coaching de quatuors et de compositeurs que nous rapprochons, chacun s’ignorant trop systématiquement. » Pour un quatuor, le concert n’est que la partie émergée d’un iceberg. « Nous nous voyons tous les jours, mais nous préservons une vie privée pour respirer un peu, convient Constance Ronzatti, second violon des Diotima. Nous travaillons tous les jours, séparément et en quatuor. » Tous les quatre sont les « patrons » du quatuor, en fonction du sujet, du répertoire. « Chacun s’impose dans un domaine ou dans un autre, l’un pour l’harmonie, un autre pour le rythme, un autre pour la pertinence stylistique, sourit Chevalier. Il y a toujours un leader, qui s’impose naturellement. »

Le concert anniversaire

Quatre pupitres et autant de chaises vides plantés dans la pénombre au centre du plateau nu du Théâtre des Bouffes du Nord tandis que des sonorités planes de violons enveloppaient le théâtre entier… Le public s’est laissé volontiers emporter dans le rêve par le flux d’une musique planante venant de nulle part… Jusqu’à ce que deux silhouettes descendues des hauteurs du théâtre sont apparues tour à tour sur le plateau. Silhouettes que l’on identifiera un peu plus tard comme deux des violonistes du Quatuor Diotima originel, qui se plaçait clairement dès le début dans l’univers de la création le plus exigeant, en choisissant son patronyme. Sans en connaître le titre, on a rapidement situé l’œuvre jouée par deux violons à l’esprit rêveur. D’abord l’auteur du quatuor à cordes « Fragmente-Stille an Diotima », ensuite la pièce, l’une des dernières écrites par Nono, le duo pour violons « Hay que caminar », soñando (1989), dernier volet d’un triptyque dont le titre a été inspiré au compositeur italien par une inscription murale qu’il a vue à Tolède « Vaminantes, no hay caminos, hay que caminar » (Vous qui marchez, il n’y a pas de chemins, il n’y a qu’à marcher). Une invitation, en l’absence de pistes avérées et sûres, au refus des dogmes et des parcours préétablis pour une ouverture à l’utopie, à la quête incessante, au rêve. Alors qu’au-dessus de l’espace scénique apparaissait sur un écran l’inscription « Vous qui marchez, n’y a pas de chemin, il n’y a qu’à marcher », Frank Chevalier a commencé à lire la profession de foi du groupe, bientôt relayée par Pierre Morlet, puis par Yun-Peng Zhao, enfin par Constance Ronzatti.

Oscar Strasnoy (né en 1970). Photo : DR

Puis les quatre musiciens se sont assis devant leurs pupitres respectifs pour s’élancer dans la création mondiale d’un quatuor à cordes que les Diotima ont commandé pour leurs vingt ans au compositeur franco-argentin installé à Berlin Oscar Strasnoy (né en 1970). Cette œuvre, Ghost Stories (Histoires de fantôme), renvoie elle aussi aux spectres de la littérature, à l’instar de l’œuvre-manifeste de Nono qui a donné son nom au Quatuor Diotima. Cette fois, il ne s’agit pas d’un poète maudit allemand dont la voix ne perdure que par le biais de ses vers, mais de six écrivains du XXe siècle, Isaac Bashevis Singer (1902-1991), Prix Nobel de Littérature en 1978, Witold Gombrowicz (1904-1969), Vladimir Nabokov (1899-1977), Jorge Luis Borges (1899-1986), Italo Calvino (1923-1985) et Georges Perec (1936-1982), dont on entend à travers des haut-parleurs la musicalité vocale ponctuer la musique de Strasnoy, qui signe ici l’une de ses partitions les plus personnelles et originales, à la fois onirique, ardente, jouant avec bonheur des particularités des instruments du quatuor d’archets dont il articule autant les qualités intrinsèques en donnant à chacune des voix son indépendance, et leurs aptitudes à la complémentarité et à la fusion, leur faisant faire parfois le contraire de ce qu’ils sont, passant les graves aux violons et les aigus à l’alto comme au violoncelle.  

Quatuor Diotima. Photo : (c) Quatuor Diotima

Avant l’entracte, une longue intervention de Gérard Courchelle égrène l’histoire du Quatuor Diotima illustrée de quelques gags filmés de bon aloi tirés de YouTube, et déjà vus sur les réseaux sociaux d’Internet qui suscitent des bribes de sourires dans la salle, avant que le public s’égaille finalement quelques minutes dans les coursives du vieux théâtre du XIXe arrondissement.

La seconde partie du concert a permis de saisir pleinement les qualités du Quatuor Diotima, aussi à l’aise désormais dans le grand répertoire classique que dans la création, ce qui lui permet de mettre en valeur autant l’inventivité des œuvres du passé que le classicisme et l’expressivité des partitions les plus téméraires des temps présents. Le seizième et dernier quatuor de Beethoven, composé durant l’été 1826, est aussi le plus lapidaire et énigmatique du compositeur, sinon le plus déroutant. Des derniers quatuors de Beethoven, cet ultime partition du genre est pourtant le plus court, le plus classique et le plus lumineux. Le mouvement lent a été écrit le dernier, en septembre 1826. Ce Lento assai, cantante tranquillo est, selon les esquisses, un « Süsser Ruhegesang, Friedensgesang » (doux chant de repos, de paix) d’une sereine mélancolie. Mais, comme son titre initial « Der schwergefasste Entschluss »  (La résolution difficilement prise) le laisse entendre, le Quatuor à cordes en fa majeur op. 135, qui se déploie sur moins de vingt-cinq minutes, est porteur de mystère, conforté par les deux phrases fameuses  que le compositeur a mises en exergue « Muss es sein? Es muss sein! » (Le faut-il ? Il le faut !). Cette interrogation suivie d’une résolution ne serait qu’une question posée par un bourgeois viennois désireux d’acquérir le manuscrit du canon que Beethoven a repris dans le finale du quatuor sans bourse délier et à qui le compositeur demanda en retour cinquante florins : « Le faut-il ? », demanda en retour ledit bourgeois, et Beethoven de lui répondre : « Il le faut ! » Cette vague histoire d’ego allait devenir l’une des énigmes les plus éventées de l’histoire de la musique… L’on peut aussi y trouver des connotations métaphysiques, le verbe müssen sous-tendant la notion de nécessité inéluctable et pouvant de ce fait laisser entrevoir la notion de destin : « Cela doit-il être ? Cela doit être ! », question et réponse étant musicalement représentées par deux fragments de trois notes, le second étant le renversement du premier. Quoiqu’il en soit, Muss es sein! suscite un motif que Beethoven emprunte au Clavier bien tempéré et à la Passion selon saint Mattieu de Jean-Sébastien Bach. Les Diotima, qui ont mis les quatre derniers quatuors de Beethoven en regard des quatre Quatuors à cordes d’Arnold Schönberg et des quatre « feuillets » du Livre pour quatuor de Pierre Boulez en novembre et décembre 2012 dans ce même Théâtre des Bouffes du Nord (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2012/11/le-premier-des-quatre-concerts.html, http://brunoserrou.blogspot.fr/2012/12/le-3e-concert-du-quatuor-diotima-aux.html), ont proposé une lecture rutilante et sensible de cette œuvre. Ainsi, le mouvement initial s’est présenté comme une délicate conversation, le scherzo s’est fait virevoltant et impétueux, le mouvement lent a touché par sa tendre délicatesse se concluant dans une douce nostalgie, tandis que le finale, lancé avec gravité, s’est épanoui pour devenir limpide et radieux, le violon et l’alto magnifiant de leurs ardentes sonorités le beau passage murmuré en imitations.

Voilà une soirée qui laisse augurer d’un avenir étincelant pour la Quatuor Diotima, qui, en outre vient de se voir confier par la maison de disques Naïve une collection consacrée à la musique de chambre contemporaine, simplement intitulée « Diotima Collection ». Le premier volet est consacré au Tchèque Miroslav Srnka et sera bientôt suivi d’un disque monographique Alfredo Posadas, tandis que le Quatuor Diotima prépare hors collection l’enregistrement des six Quatuors à cordes de Béla Bartók…

Bruno Serrou


1) La première partie de ce texte a été pour l’essentiel publié dans le quotidien La Croix daté lundi 21 mars 2016

dimanche 20 mars 2016

Retour à Lyon de l’excellente production du "Kaiser von Atlantis" de Viktor Ullmann de Richard Brunel

Villeurbanne. Festival pour l’humanité de l’Opéra de Lyon. TNP. Jeudi 17 mars 2016

Viktor Ulmann (1898-1944), Der Kaiser von Atlantis. Photo : (c) Opéra national de Lyon

A l’instar de son auteur, Viktor Ullmann (1898-1944), l’opéra en un acte et quatre tableaux Der Kaiser von Atlantis (l’Empereur d’Atlantide), extraordinaire témoignage de l’esprit et de l’humanité face à la barbarie, a connu un singulier destin, puisqu’il a été créé en 1975 à Amsterdam, plus de trente ans après avoir été achevé et répété jusqu’à sa générale dans l’enceinte du camp de concentration de Theresienstadt, tandis que la version originale n’a resurgi qu’en 1989, à Berlin. Dans l’intervalle, le compositeur tchèque avait été oublié, exterminé à Auschwitz avec nombre de ses compagnons de captivité à Terezin. C’est dans ce camp de concentration dont les nazis avaient fait leur propagande aux yeux de la Croix Rouge internationale, qu’Ullmann a composé ce troisième opéra en vue de représentations devant un public constitué de ses compagnons de misère. De la cinquantaine d’œuvres qu’il a écrites avant sa déportation et de la trentaine née en deux ans de captivité, seules dix-huit ont subsisté. Celle de l’Empereur d’Atlantide nous est parvenue grâce à l’un des amis du compositeur qui survécut à la Shoah.

Viktor Ulmann (1898-1944), Der Kaiser von Atlantis. Photo : (c) Opéra national de Lyon

Compositeur chef d’orchestre, Ullmann est aux côtés d’Alban Berg et d’Anton Webern l’un des meilleurs élèves d’Arnold Schönberg, avec qui il a étudié en 1918-1919, avant de devenir l’année suivante l’assistant d’Alexandre Zemlinsky à l’Opéra allemand de Prague, et d’étudier le micro-intervalle avec son compatriote Alois Haba. Dispensé à Terezin de travail obligatoire, Ullmann a pu se vouer entièrement à la musique, organisant les concerts dont il faisait aussi les compte-rendu dans le journal du camp, animant un studio de création et composant comme il ne l’avait jamais fait auparavant.

Viktor Ulmann (1898-1944), Der Kaiser von Atlantis. Photo : (c) Opéra national de Lyon

Ullmann écrit L’Empereur d’Atlantide, ouvrage sous-titré le Refus de la mort, à la fin de l’année 1943 sur un livret de Peter Kien, qui, à l’âge de vingt-cinq ans, allait lui aussi disparaître à Auschwitz. L’intrigue de cet opéra en un acte est une fable saisissante, considérant le contexte de sa genèse : l’Empereur lui ayant ordonné de conduire ses armées dans une guerre à sa propre gloire, la Mort, offensée, brise son épée et décide que nul ne pourra plus mourir. Le chaos s’ensuit, les condamnés à mort politiques restent en vie, tout comme les soldats et la population qui endurent mille maux. Tandis que la Vie, sous la figure d’Arlequin, se plaint de ne plus faire rire personne, la Mort, défiée par le Tambour, porte-parole de l’Empereur, promet de délivrer le peuple de ses souffrances si ce dernier accepte de mourir le premier, ce à quoi l’Empereur finira par accéder. La partition est un florilège de styles et d’atmosphères condensé en cinquante minutes, usant de tous les modes d’expressions vocales, du parler au chant, la forme variant du mélodrame au bel canto, tandis que l’on trouve des réminiscences de jazz et de musique légère des années vingt (avec dominantes de piano, mandoline, guitare, saxophone), mais aussi Mahler, Schönberg et, surtout, Kurt Weill, entre autres compositeurs interdits, tandis que l’on entend le Deutschlandlied exposé dans le mode ecclésiastique et le choral Ein feste Burg ist unser Gott, que les nazis avaient repris à leur compte.

Viktor Ulmann (1898-1944), Der Kaiser von Atlantis. Photo : (c) Opéra national de Lyon

Der Kaiser von Atlantis était présenté pour la première fois en France en 1995, à Paris Centre Pompidou, par l’Ensemble 2e2m dirigé par Paul Mefano dans une mise en scène de Serge Noyelle. Dix ans plus tard, l’Opéra de Nancy présentait à son tour une production remarquable du chef-d’œuvre d’Ullmann mise en scène par Vincent Tordjmann Théâtre de la Manufacture. En janvier 2014, Louise Moaty proposait pour l’ARCAL en région Ile-de-France une touchante réalisation. Le spectacle vu à Villeurbanne par l’Opéra de Lyon dans le cadre de son « Festival de l’Humanité » en coréalisation avec la Comédie de Valence, est donc la quatrième approche de ce pur chef-d’œuvre que j’ai la chance de voir et d’écouter. L’Opéra de Lyon reprend au TNP une production que je n’avais pas vue, trois ans après sa première mouture présentée Théâtre de la Croix-Rousse, celle de Richard Brunel, directeur de la Comédie de Valence qui met prochainement en scène Béatrice et Bénédict de Berlioz Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles dont la première représentation est jeudi 24 mars. 

Viktor Ulmann (1898-1944), Der Kaiser von Atlantis. Mikkel Skorpen (Arlequin). Photo : (c) Opéra national de Lyon

La scénographie de Marc Lainé, d’une grande efficacité sur laquelle l’orchestre s’élève sur les hauteurs du plateau, commençant sur les planches avec un arrangement pour quatuor à cordes de Siegfried Idyll de Richard Wagner, « clin d’œil à la récupération par les nazis de Richard Wagner » me dira la dramaturge du spectacle Catherine Ailloud-Nicolas, qui sonne étonnement comme de la musique bourgeoise sitôt les premières mesures de la musique expressionniste d’Ullmann exposées, pour monter à l’arrière-plan au fur et à mesure du développement de l’action sur un praticable toujours plus élevé, tandis que les protagonistes s’expriment pour l’essentiel à hauteur de plancher. L’action se déroule pour l’essentiel autour d’une grande table ovale de conseil d’administration sur lequel circule un autorail à l’échelle HO. Ce hiatus entre Wagner et Ullmann n’est opportunément pas soulignée par la mise en scène qui, au contraire projette à regard distancié qui évite avec délicatesse de surligner le caractère volontairement caricatural de l’œuvre. 

Viktor Ulmann (1898-1944), Der Kaiser von Atlantis. Photo : (c) Opéra national de Lyon

La conception de Brunel et sombre et épurée, ne chargeant jamais le trait. Le Haut-parleur est incarné par une guirlande de téléphones, le Tambour devient policière, Arlequin un adorable clown, la Mort vêtue d’un long manteau noir est plus obligeante qu’inquiétante. La distribution réunie pour cette reprise est entièrement constituée de Solistes du Studio de l’Opéra de Lyon, tous excellents, de l’Empereur Overall campé par un Samuel Hasselhorn névrosé, à La Mort incarnée avec humanité par Piotr Micinski, en passant par le Haut-parleur d’Alexander Kiechle, le Tambour de Judith Beifuss, l’Arlequin/Soldat de Mikked Skorpen et la Fille coiffée à la garçonne/Soldat d’Andromahi Raptis. Les quinze musiciens membres de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon jouant tous en solistes rivalisent de brio, sous la direction précise et fluide de Vincent Renaud.

Bruno Serrou 

"La Juive" d’Halévy anobli par Olivier Py animant une brillante distribution

Lyon. Festival de l'Humanité. Opéra national de Lyon. Mercredi 16 mars 2016

Jacques Fromental Halévy (1799-1862), La Juive. Rachel Harnisch (Rachel). Photo : (c) Opéra national de Lyon

Neuf ans après que Gérard Mortier en eut confié la mise en scène à Pierre Audi à l’Opéra-Bastille, Serge Dorny programme à l’Opéra de Lyon La Juive de Jacques Fromental Halévy (1799-1862), ouvrage pour lequel il fait appel à Olivier Py.

Jacques Fromental Halévy (1799-1862), La Juive. Nikolaï Schukoff (Eléazar), Sabina Puértolas (Princesse Eudoxie). Photo : (c) Opéra national de Lyon

Créé le 23 février 1835, Salle Le Peletier, La Juive disparaissait de l’affiche de l’Opéra de Paris un siècle plus tard, un soir d’avril 1934, avant sa six centième représentation. Le succès de l’ouvrage est conforté par le fait qu’il a été choisi pour l’inauguration du Palais Garnier en 1875. Sa disparition soudaine concorde avec la montée en puissance du nazisme et de son antisémitisme. Le livret d’Eugène Scribe est l’archétype du grand opéra à la française en vogue à l’époque, avec ses vers de mirliton aux ressorts dramatiques emplis d’actions spectaculaires aptes à inspirer une musique aux élans passionnés et au lyrisme rutilant permettant l’introduction de grands chœurs et de ballets dans des décors enrichis d’effets spéciaux et de figurants en abondance. Bref, tous les ingrédients du futur mélo hollywoodien soutenu par une musique de cirque. Si bien qu’aujourd’hui l’on ne peut que féliciter les théâtres de donner l’ouvrage tronqué de près d’une heure et demie, plus particulièrement de ses ballets.

Jacques Fromental Halévy (1799-1862), La Juive. Rachel Harnisch (Rachel), Enea Scala (Leopold). Photo : (c) Opéra national de Lyon

Resté dans les mémoires essentiellement par le fameux air « Rachel, quand du Seigneur » spécialement écrit pour le ténor Adolphe Nourrit, qui interprétait à la création le rôle d’Eléazar, ce mélodrame d’Halévy est peu donné aujourd’hui en raison sans doute des difficultés inhérentes à son écriture vocale qui nécessite une distribution de premier plan (et deux ténors de haute pointure, alors qu’il est déjà difficile d’en trouver un), sachant associer vaillance et élégance. L’ouvrage n’est pas exempt de longueurs, même réduit à trois heures au lieu de quatre heures trente, qui font perdre le fil, particulièrement dans la première heure. Il s’y trouve de bons moments, dramatiquement forts, humainement intenses, tandis que le sujet est d’une pérenne actualité, le tout étant agrémenté d’une prosodie claire mais dont le corollaire est la perception patente de la faiblesse des vers. 

Jacques Fromental Halévy (1799-1862), La Juive. Rachel Harnisch (Rachel), Sabina Puértolas (Princesse Eudoxie). Photo : (c) Opéra national de Lyon

C’est en tout cas ce que j’ai ressenti le soir de la première lyonnaise, sous la direction un trop fervente de Daniele Rustini, qui succédera dans deux ans à Kazushi Ono au poste de directeur musical de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon. Certes, le chef italien souligne le lyrisme de la partition mais en aplanit les raffinements, mettant au contraire en évidence le tour pompeux, malgré un orchestre lyonnais en grande forme, notamment les pupitres de violoncelle, où l’on se surprend à relever quelque trait annonciateur de Don Carlos de Verdi, mais aussi les bois et les cuivres.

Jacques Fromental Halévy (1799-1862), La Juive. Sabina Puértolas (Princesse Eudoxie), Enea Scala (Leopold). Photo : (c) Opéra national de Lyon

La mise en scène d’Olivier Py est en revanche spectaculaire. Py met en évidence l’actualité de La Juive, l’intolérance religieuse, le fanatisme obscurantiste, la misogynie. Le décor de son fidèle scénographe Pierre-André Weitz, est impressionnant. Au sommet d’un escalier monumental, un cadre de bibliothèque tournant lentement sur lui-même de cour à jardin derrière lequel s’étend une forêt d’arbres dénudés, souligne le manichéisme du livret d’autant plus qu’il est éclairé en noir et blanc. L’action se déploie au sein de cette imposante bibliothèque qui renvoie à celle vue la veille dans Benjamin, dernière nuit. Celle de Weitz est en constante transformation, sa verticalité formant un mur renvoi les voix, ce qui permet aux chanteurs de passer sans dommage la rampe sonore excessivement exaltée de l’orchestre de Rustini.

Jacques Fromental Halévy (1799-1862), La Juive. Roberto Scandiuzzi (Cardinal Brogni), Sabina Puértolas (Princesse Eudoxie), Enea Scala (Leopold). Photo : (c) Opéra national de Lyon

La distribution réunie à Lyon est de belle tenue. Digne successeur de Neil Shicoff dans ce même rôle, Nikolaï Schukoff fait sien le rôle d’Eléazar, personnage mû si violemment par la rancœur qu’il en sacrifie par le feu sa fille adoptive qu’il avait pourtant sauvée des flammes enfant. Sa voix est solide et malléable (les murmures du début de l’air le plus fameux de l’œuvre), et il vit littéralement ce rôles. Tout aussi fragile en cardinal de Brogni (que Py transforme étonnement en pape), Roberto Scandiuzzi a les graves et la densité requis par ce personnage en constante évolution. Le falot Léopold est bien campé par Enea Scala, voix ferme et puissante. Vincent Le Texier anoblit de son altière stature le personnage de Ruggiero, et Charles Rice est un élégant Albert. 

Jacques Fromental Halévy (1799-1862), La Juive. Roberto Scandiuzzi (Cardinal Brogni), Rachel Harnisch (Rachel). Photo : (c) Opéra nationalo de Lyon

Côté femmes Sabina Piértolas est une princesse Eudoxie aux aigus rayonnants, séduisante et sensuelle, vêtue d’une robe noire dont les dentelles laissent percer les attraits sa voix solide et brûlante. Rachel Harnisch est une Rachel ardente et tragique, son timbre de braise, sa voix d’airain, sa diction parfaite portent la plus petite inflexion de cet ouvrage où elle est omniprésente.

Bruno Serrou


samedi 19 mars 2016

"Benjamin, dernière nuit" de Michel Tabachnik et Régis Debray a été créé avec succès à l’Opéra de Lyon

Lyon. Festival de l'Humanité. Opéra national de Lyon. Mardi 15 mars 2016.

Michel Tabachnik (né en 1942), Benjamin, dernière nuit. Photo : (c) Opéra national de Lyon

Comme chaque année à pareille époque, l’Opéra de Lyon propose un cycle thématique de trois opéras. Après le Festival Benjamin Britten l’an dernier et avant « Mémoires » qui réunira la saison prochaine trois mémorables productions de metteurs en scène allemands conçues dans les années 1986-2000, la thématique du festival 2016, « Festival pour l’humanité », plonge dans les tourments endurés par les Juifs d’Europe et à l’humanité de ce peuple hors du commun. Une création, une œuvre du XIXe siècle, une troisième du XXe sont mises en regard pour l’occasion.

Michel Tabachnik (né en 1942), Benjamin, dernière nuit. Photo : (c) Opéra national de Lyon

C’est sur la création que s’est ouvert le Festival 2016, dans le cadre de la biennale Musique en scène du Grame de Lyon devant un public fourni constitué de nombreux lycéens et étudiants. L’Opéra de Lyon en a passé la commande en 2011, constituant pour l’occasion une équipe inédite de créateurs lyriques, confiant la genèse au compositeur chef d’orchestre Michel Tabachnik (né en 1942) et à l’écrivain universitaire Régis Debray (né en 1940). Leur choix s’est porté sur les dernières heures du grand philosophe allemand Walter Benjamin (1891-1940). D’où le titre Benjamin, dernière nuit. Avec un tel sujet, l’Opéra de Lyon est de plain-pied dans l’actualité. L’action se déroule en effet au moment où Walter Benjamin fuit l’Europe, pour les Etats-Unis où il espère s’exiler après être passé par l’Espagne. Mais au moment de passer la frontière catalane, à Port-Bou, un blocage psychologique le retient, accablé par vingt ans d’échecs et de rebuffades, épuisé par l’errance, la solitude et l’absurdité des hommes, ce qui le conduit à renoncer à son projet et à opter finalement pour le suicide… A travers les dernières heures de ce réfugié arrivé en France de 1933, c’est l’histoire de l’émigration, de l’exil politique et racial, de l’isolement de l’étranger et de son rejet qui est contée. Par le biais de cette grande figure d’intellectuel marginal c’est la culture entière qui est concentrée, une culture au bord de l’implosion… Sujet très contemporain, la culture qui élève et qui permet la réflexion, la critique et le recul étant toujours plus muselée, ne serait-ce que sur le plan musical, la musique savante étant considérée élitiste, ce qui conduit certains à viser à son éradication…

Michel Tabachnik (né en 1942), Benjamin, dernière nuit. Photo : (c) Opéra national de Lyon

Amis de longue date, Michel Tabachnik et Régis Debray savent d’expérience ce que leur héros a traversé d’épreuves, pour avoir connu tout deux la tourmente : procès longs et épuisants pour le premier, détention et torture loin des siens pour le second. Leur opéra commun conte en quatorze scènes d’une durée totale de deux heures l’ultime nuit de Walter Benjamin, celle du 25 au 26 septembre 1940, entre le moment où le philosophe juif allemand absorbe la morphine fatale seul dans sa chambre d’hôtel et celui où l’aubergiste qui l’avait accueilli à contrecœur découvre son corps inanimé. Une agonie durant laquelle Benjamin revit le désastre de son existence à l’instar de celui du monde qui l’entoure à travers les êtres qui l’ont marqué, à partir du petit tableau que Paul Klee (1879-1940) lui a offert, l’Angelus Novus, qu’il sort de sa valise sitôt entré dans sa chambre d’hôtel de Port-Bou, suivent Arthur Koestler (1905-1983), qui revoit à Marseille sous l’uniforme de légionnaire, Asja Lacis (1891-1979), son grand amour, Joseph Gurland (1923-2003) et sa mère photographe Henny Gurland (1900-1952) ses compagnons de voyage, le kabbaliste Gershom Scholem (1897-1982), le dramaturge Bertolt Brecht (1898-1956), l’écrivain André Gide (1869-1951), enfin deux philosophes, Max Horkheimer (1875-1973), membre de l’Ecole de Francfort, puis Hannah Arendt (1906-1975)… Dans l’ultime scène, tous les protagonistes se retrouvent pour une ultime et amicale complainte.

Michel Tabachnik (né en 1942), Benjamin, dernière nuit. Photo : (c) Opéra national de Lyon

En cinq années de genèse, ce thème magnifique des dernières heures de Walter Benjamin s’est avéré au fil du temps toujours plus actuel. Le savoir et l’expérience du librettiste conduisent en contrepartie à un excès de références intellectuelles et historiques. Il faut dire que le livret est tiré d’un projet théâtral que Régis Debray envisageait avec accompagnement musical, dans l’esprit de l’Opéra de quat’ sous de Bertolt Brecht et Kurt Weill. Benjamin, dernière nuit est une sorte de plaidoirie compassionnelle pour un homme abandonné. Tant et si bien que la narration, partiellement versifiée, atteint une dimension et une densité qui écrasent la tentation de mise en musique, à moins d’en déduire un opéra de plus cinq heures. Ayant rapidement pris conscience de ce risque, les deux auteurs ont opté pour le dédoublement du personnage central, dont la pensée est confiée alternativement à un chanteur et à un comédien, les deux étant constamment pré)sents sur le plateau, se renvoyant parfois les répliques. Mais, du coup, l’opéra tend à se montrer bavard, la parole prenant le pas sur le chant. Un verbe non pas du type sprechgesang (parler-chanter) mais déclamé comme au théâtre, tandis que les lignes de chant ne craignent pas les sauts de registres, ce qui empêche la mélodie véritable, et ramène à l’opéra des années 1970-1990, loin de la vocalité d’un Péter Eötvös ou d’un Wolfgang Mitterer dont le splendide opéra Marta m’a enthousiasmé la semaine dernière lors de sa création à l’Opéra de Lille (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2016/03/marta-de-wolfgang-mitterer-naissance.html). 

Michel Tabachnik (né en 1942), Benjamin, dernière nuit. Photo : (c) Opéra national de Lyon

Contrairement à son cadet autrichien, le compositeur français Michel Tabachnik utilise de la citation, côté sonorisation (gare frontalière de Port-Bou, va et vient de locomotives), musique préenregistrée (disque, piano) autant qu’à l’orchestre et dans les chœurs, la citation ouvrant même la partition par le biais du 78T égrenant Charles Trenet (Le soleil a rendez-vous…), plus loin un enregistrement de Prélude de Chopin, ainsi que des fragments live, notamment de Weill, de musique populaire et de chant nazi. L’orchestre de Tabachnik est plus expressif et créatif que la voix, et c’est lui qui porte le drame et en donne les divers aspects humains, psychologiques et historiques. De cet ensemble émanent deux scènes d’une grande force, celle avec Bertold Brecht qui se déroule dans un cabaret berlinois où des strates musicales disparates s’agglomèrent, d’une radio crissant à l’orchestre populaire, tandis que se superposent les voix toujours plus intrusives de solistes, de chanteuses du chœur, de chants nazis, jusqu’au hurlement, le tout créant un vertige sonore étourdissant, et la scène qui suit, qui conduit à Paris dans l’appartement qu’occupe rue Vanneau André Gide, personnage d’un égoïsme abjecte et monstrueux, ressenti d’autant plus saisissant qu’il procède d’une rencontre introduite sur un Prélude de Chopin joué au piano par l’hôte français.

Michel Tabachnik (né en 1942), Benjamin, dernière nuit. Photo : (c) Opéra national de Lyon

Comme toujours pour les créations, l’Opéra de Lyon offre à Benjamin, dernière nuit toutes ses chances grâce à une production irréprochable. De la direction musicale à la distribution, en passant par la mise en scène et par la scénographie. Ici, comme de coutume, pas la moindre faille. John Fulljames, qui avait déjà signé à l’Opéra de Lyon de remarquables productions de Gianni Schicchi de Giacomo Puccini et Sancta Susanna de Paul Hindemith en janvier 2012 (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2012/01/lopera-de-lyon-il-trittico-de-puccini.html), réalise une mise en scène extrêmement théâtrale, la direction d’acteur étant particulièrement efficiente et d’une totale lisibilité, éclairant subtilement tous les aspects du drame, notamment psychologiques et humains, le tout étant empreint de vérité et de nostalgie. Le décor de Michael Levine est une sorte de musée d’objets trouvés ou de cabinet des curiosités avec en fond de scène une immense bibliothèque où certains personnages se perdent dans un jeu d’ombres et de lumières, et où l’on devine des silhouettes de choristes et de figurants, tandis que le centre de la scène est occupé par le lit et par la table de nuit de la chambre d’hôtel de Walter Benjamin derrière lesquels sont plantés un bar, sur lequel s’exprimera notamment une chanteuse de cabaret, et un piano, sur lequel Gide jouera Chopin. Sur le cadre de tulle suspendu au-dessus de l’aire de jeu sont projetés sans rien d’artificiel des éléments de l’action, comme le 78T de Trenet, Hitler visitant Paris, des images de déportation, le mur des lamentations, l’Angelus Novus de Klee, les dix doigts courant sur le clavier pour le Prélude de Chopin…

Michel Tabachnik (né en 1942), Benjamin, dernière nuit. Photo : (c) Opéra national de Lyon

Loin d’être illustrative, cette belle scénographie ne distrait à aucun moment l’écoute du drame en train de se dérouler, bien au contraire. En fait, elle concentre l’attention du spectateur, qui peut ainsi se focaliser sur l’écoute de la musique et sur la performance d’acteur des chanteurs et des comédiens. Les deux interprètes de Walter Benjamin touchent et convainquent, le chanteur Jean-Noël Biend, ténor solide et vaillant, et le comédien Sava Lolov. La soprano slovaque Michaela Kustekova est une Asja Lacis séduisante à l’aigu virtuose, la mezzo-soprano Michaela Selinger une Hannah Arendt dont le timbre chaleureux trouve à s’exprimer dans des airs plus mélodieux que ceux que la partition réserve aux autres protagonistes, Gilles Ragon, campe un Gide insupportable, indifférent, narcissique et vindicatif à souhait. Mais tous les chanteurs sont à féliciter (Charles Rice en Koestler, Scott Wilde en Sholem, Jeff Martin en Brecht, Karoly Szermeredy en Horkheimer, Goele De Raedt en chanteuse de cabaret…). Les chœurs, qu’il soit traité en solistes ou en masse polymorphe, sont irréprochables. Chef aguerri à la création contemporaine, Bernard Kontarsky, qui a déjà travaillé déjà à l’Opéra de Lyon avec John Fulljames en dirigeant le spectacle Hindemith/Puccini mentionné plus haut, dirige Benjamin, dernière nuit avec un sens souverain du détail qu’il fond dans une entité organique fluide et expressive, instillant une vivacité et une dynamique qui font de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon un personnage doué de vies multiples.

Bruno Serrou  

mercredi 16 mars 2016

"Marta" de Wolfgang Mitterer, naissance d’une œuvre magistrale à l’Opéra de Lille

Lille. Opéra de Lille. Dimanche 13 mars 2016.

Wolfgang Mitterer (né en 1958), Marta. Elsa Benoît (Marta). Photo : (c) Frédéric Iovino

Sur un livret original de sa jeune compatriote Gerhild Steinbuch (32 ans), très noir mais où l’humour point à chaque instant, Wolfgang Mitterer (né en 1958) signe avec Marta, six ans après Massacre, une œuvre maîtresse. L’Opéra de Lille, la salle française qui fait le plus en faveur de la création lyrique avec l’Opéra de Lyon, a une nouvelle fois eu la main heureuse dans ses choix d’auteurs et d’équipes de production. 

Wolfgang Mitterer (né en 1958), Marta. Georg Nigle (Grot), Ursula Hesse von den Steinen (la reine Ginevra). Photo : (c) Frédéric Iovino

Ecrivons-le sans attendre : Marta est une réussite totale. Réussite du livret d’abord. Un texte qui associe sous l’aspect d’un conte réalité, science-fiction, mystère, onirisme, réminiscences, tragi-comédie, le tout renvoyant autant à l’histoire qu’au secret des âmes, et qui soutient d’un bout à l’autre l’attention. Réussite musicale ensuite, avec une partition qui s’avère à la fois créatrice et respectueuse des canons de l’opéra, le compositeur se plaisant à créer des sons inouïs tout en offrant aux chanteurs de grands airs et à l’orchestre de superbes mélodies. Réussite scénique enfin, avec une mise en scène au cordeau de Ludovic Lagarde, directeur de la Comédie de Reims, dans une scénographie d’Antoine Vasseur, sobre et élégante, dans laquelle une éblouissante distribution s’exprime avec naturel grâce à une direction d’acteur souveraine. Une telle prouesse ne peut être atteindre que grâce au fait que dès l’origine du projet, compositeur, metteur en scène et ensemble instrumental ont été associés par l’Opéra de Lille, les deux premiers ayant choisi la librettiste.

Wolfgang Mitterer (né en 1958), Marta. Ursula Hesse von den Steinen (le reine Ginevra). Photo : (c) Frédéric Iovino

L’action se déroule dans un monde sans espoir d’avenir, puisque les enfants en sont bannis. Dans un pays indéterminé dont un capitaine-dictateur (ténor) entend créer un ordre nouveau sans enfants, Ginevra (mezzo-soprano), épouse du roi falot Arthur (ténor aigu), est parvenue à cacher sa fille Marta (soprano), qu'elle a eu avec Grot dit l’outsider (baryton), pour lui éviter le destin des autres enfants, dont le propre fils du roi. Les adultes n'ont rien d'autre à faire que de brûler leur peau au soleil, s’étant retirés dans la représentation viciée d’un monde meilleur enfoui dans le passé. Enfermée dans une vitrine comme spécimen de ce que pouvait être l'enfance, Marta grandit et finit par se révolter. Si bien que les adultes de son entourage s’entretuent et elle finit elle-même dans la mort. Cette fin d’où seul le peuple réussit à réchapper, ramène de l’aveu-même de Mitterer à l’Hamlet de Shakespeare. D’où peut-être le choix d’une traduction anglaise d’un texte originellement écrit en allemand.

Wolfgang Mitterer (né en 1958), Marta. Elsa Benoît (Marta), Tom Randle (le Capitaine). Photo : (c) Frédéric Iovino

Autre explication plausible de l’usage de la langue de Shakespeare, le fait que cette intrigue noire au développement cinématographique renvoie aux jours obscurs de l’Allemagne réunie à l’Autriche sous l’empire de l’ordre nouveau nazi. Quoi qu’il en soit, ce livret est admirablement mis en musique. Le petit ensemble de douze musiciens avec guitare électrique, électronique et amplification utilisées avec habileté, exalte des couleurs foisonnantes, cuivrées et sombres. L'oreille ne cesse d'être titillée par des sonorités charnelles inlassablement renouvelées. L’inspiration de Mitterer est puissante et foncièrement originale, et l’on reconnaît immédiatement sa pâte, ce qui est la marque des plus grands. Intégrant le jazz et la pop’ music avec raffinement, le compositeur organiste autrichien a une écriture virtuose qui suscite une vélocité inouïe dans la fosse et une magnificence mélodique ahurissante dans l’opéra contemporain. Le chant est omniprésent, et la conduite vocale ne contraint jamais les chanteurs à outrepasser leurs possibilités et à faire des sauts d’intervalles assassins, soutenus en outre par une amplification mesurée. L'écriture chorale à huit voix est tout aussi exceptionnelle. Les voix sont enveloppées dans un halo instrumental empli de vie. Cet opéra d’un peu plus de quatre vingt dix minutes est un véritable joyau.

Wolfgang Mitterer (né en 1958), Marta. Martin Mairinger (le roi Arthur). Photo : (c) Frédéric Iovino

D'autant que la production est sans faille. Mise en scène, scénographie, ensemble instrumental aguerri à la création, chef, distribution, tout est superlatif. L'opéra de Lille offre ainsi à la création lyrique des moyens hors du commun. La soprano française Elsa Benoît, qui vient d’être engagée dans la troupe de l’Opéra Studio de l’Opéra d’Etat de Bavière, est une Marta fraîche et touchante, jusque dans la révolte, la mezzo-soprano allemande Ursula Hesse von den Steinen campe une reine de noble stature, le baryton allemand Georg Nigl donne de sa voix cuivrée une force noble au personnage de Grot, le ténor américain Tom Randle est un capitaine vindicatif et, ténor léger autrichien tendant au falsetto, Martin Mairinger un roi judicieusement veule. Parfaitement préparés par Geoffroy Jourdain, les Cris de Paris excellent dans la diversité de ses rôles autant individuellement que collectivement, à l’instar de l’Ensemble Ictus, magnifique formation belge en résidence à l’Opéra de Lille qui excelle dans ce répertoire, d’une précision et d’une homogénéité exemplaires, dirigé avec nuance par le chef britannique Clément Power.

Wolfgang Mitterer (né en 1958), Marta. Photo : (c) Frédéric Iovino

Il serait regrettable, voire préjudiciable pour l’avenir de la création lyrique, que cette œuvre remarquable et cette production exemplaire ne soient pas reprises par d’autres scène, après la représentation de l’Opéra de Reims le 19 avril 2016.


Bruno Serrou 

lundi 14 mars 2016

Peter Maxwell Davies, compositeur chef d'orchestre britannique, est mort le 14 mars des suites d’une leucémie. Il avait 81 ans

Sir Peter Maxwell Davies (1934-2016). Photo : DR

Auteur de trois cents trente quatre opus, du solo d’alto et de trompette à l’opéra en passant par la musique de chambre (dont dix Quatuors à cordes écrits entre 2001 et 2007), la musique d’orchestre (la Première Symphonie en 1976, la Dixième « Alla ricerca di Borromini » op. 327 pour baryton, chœur et orchestre a été créée l’an dernier par Antonio Pappano et l’Orchestre Symphonique de Londres), des concertos, des œuvres d’inspiration religieuse (dont une Missa super L’homme armé, un Ave Maris Stella, un Psaume 124, Hymn to St Magnus, Missa Parvula, etc.), le ballet et le théâtre musical, et jusqu’au spectacle pour enfants, dont il se préoccupait particulièrement notamment sur le plan pédagogique, Sir Peter Maxwell Davies est l’un des compositeurs britanniques les plus influents de sa génération.

Peter Maxwell Davies était également un chef d’orchestre apprécié. La Reine Elizabeth II d’Angleterre avait élevé ce républicain dans l’âme dans l’Ordre de l’Empire Britannique (CBE) en 1981, avant de lui attribuer le titre de Chevalier en 1987 et de le nommer en 2004 Maître de la Musique de la Reine pour une période de dix ans. Tant et si bien qu’il finit par se convertir au monarchisme… « La musique, disait-il, sait des choses que je ne sais pas »

Peter Maxwell Davies (en haut à droite à demi caché), et ses camarades de l'Université de Manchester dans les années 1950, notamment Alexander Goehr (en bas à gauche), Harrison Birtwistle (en bas à droite), John Ogdon (au centre), Elgar Howarth (en haut à gauche)

Né le 8 septembre 1934 à Salford (Lancashire), Peter Maxwell Davies décida dès l’âge de 4 ans de devenir compositeur. Dix ans plus tard, il soumettait à la BBC de Manchester une première œuvre pour l’émission l’Heure des Enfants (Children’s Hour) à partir de laquelle le producteur jugea : « Il est soit très brillant soit fou. » Il fera ses études à l’Université de Manchester et au Royal Manchester Royal College of Music où il a pour camarades de cours les compositeurs Harrison Birtwistle, Alexander Goehr, le chef d’orchestre Elgar Howarth et le pianiste John Ogdon avec qui il formera le groupe « New Music Manchester ». En 1956, il est à Rome, où il est l’élève du compositeur italien Goffredo Petrassi. En 1962, grâce à une bourse du Commonwealth, il se rend aux Etats-Unis pour étudier à l’Université de Princeton, où il étudie avec les compositeurs Roger Sessions, Milton Babbitt et Earl Kim. En 1965-1966, il est compositeur en résidence à l’Elder Conservatorium of Music de l’Université d’Adélaïde en Australie.

Sir Peter Maxwell Davies accueilli par la Reine Elizabeth II d'Angleterre en 2015. Photo : DR

De retour au Royaume-Uni, Peter Maxwell Davies s’installe dans l’archipel des Orkney (Orcades), au large de l’Ecosse, d’abord à Hoy puis à Sanday. En 1977, il a fondé dans la capitale de cet archipel le Festival Saint-Magnus qu’il animera jusqu’à la fin de sa vie. De 1969 à 1984, il est directeur artistique de la Darlington International Summer School, en 1988 et 1991, il est directeur musical du Ojai Music Festival en Californie. Dans les années 1960, proche de l’avant-garde musicale européenne, il est considéré dans son pays comme un enfant terrible de la musique, sa création choquant autant le public que la critique. L’une de ses œuvres de cette période qui fit le plus scandale est son opéra Eigth Songs for a Mad King (Huit Chants pour un roi fou) composé en 1969 pour chanteur/narrateur/acteur et ensemble dans lequel Peter Maxwell Davies réalise un pastiche de chant canonique en puisant dans le Messie de Haendel. Néanmoins, tel l’arroseur arrosé, en octobre 1983, le Festival d’Automne à Paris confia à Pierre Boulez et l’Ensemble Intercontemporain pour une production présentée Théâtre du Châtelet, des Eigth Songs for a Mad King couplés à Aventures et à Nouvelles Aventures de György Ligeti. La mise en scène de David Freeman a été si trash et scato que le compositeur britannique renonça à assister à la première et que Pierre Boulez exigea et obtint que l’on plaça son ensemble et lui-même côté jardin afin de ne pas avoir à voir l’action pendant l’exécution de l’œuvre. Par la suite Peter Maxwell Davies combinera divers styles d’écriture, qu’il intègrera souvent dans une même œuvre. Au dodécaphonisme et au sérialisme, il associera la symbolique du carré magique, puis son style se fera peu à peu sobre et apaisé. En 1987, sa parabole nihiliste Résurrection qui nécessita vingt ans de gestation, réserve plusieurs passages à un groupe rock. Sa musique devient finalement de plus en plus simple et accessible au plus grand nombre, au point de dérouter ses compagnons de route qui ne le considèrent plus comme l’un des leurs.

Sir Peter Maxwell Davies (1934-2016). Photo : DR

Peter Maxwell Davies était viscéralement attaché à l’engagement du compositeur dans la société, exprimant sa désapprobation à l’égard de la politique menée par les gouvernements Gordon Brown et Tony Blair. Son engagement se retrouvait jusque dans sa musique. Ainsi, son Quatuor à cordes n° 3 écrit en 2003 atteste de son désarroi profond face à la guerre en Irak, et son opéra en deux actes Kommilitonen! (Young Blood) op. 306 de 2010 une dramatisation des mouvements de protestations d’étudiants au cours du XXe siècle et un appel aux armes pour la jeunesse d’aujourd’hui. En 2013, il avait dénoncé la situation de l’enseignement de la musique en Grande-Bretagne. Son activité de chef s’est développée au contact de plusieurs orchestres avec lesquels il a entretenu des relations suivies. Chef compositeur associé des Orchestres Symphonique de la BBC et Royal Philharmonic de 1992 à 2002, il était régulièrement invité par les Orchestres Philharmonia de Londres, de Cleveland, Symphoniques de Boston et de San Francisco et l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Il était en outre compositeur lauréat de Scottish Chamber Orchestra.

Peter Maxwell Davies est mort lundi 14 mars 2016 à son domicile de Sanday dans l'archipel des Orcades des suites d’une leucémie. Son dernier opéra pour enfant, The Hogboon, sera donné en création mondiale à titre posthume en juin prochain, au Barbican Hall par l’Orchestre Symphonique de Londres dirigé par Simon Rattle.

Bruno Serrou

A écouter
Peter Maxwell Davies, A Portrait : His Works, His Life, His Words. Œuvres et artistes divers. 2 CD Naxos 8.558191-92
Peter Maxwell Davies, A Portrait : Works of Peter Maxwell Davies from the 1960s and 1970s. Œuvres d’inspiration religieuse et artistes divers. Decca 475 6166
Peter Maxwell Davies, Knight Errant (music for solo trumpet). Mark O’Keeffe (trompette). Delphian Records DCD 34049
Peter Maxwell Davies, 10 Naxos Quartets. Maggini Quartet. 5 CD Naxos 8.557396/7/8/9/400
Peter Maxwell Davies, Revelation and Fall, Leopardi Fragments, Five Pieces. Melos Ensemble, John Ogdon, Peter Maxwell Davies, etc. EMI/Erato 724358618723
Peter Maxwell Davies, String Quartet / Le Jongleur de Notre Dame. Quatuor Arditti, Opera Sacra Buffalo, Charles Peltz. Mode 59
Peter Maxwell Davies, Symphonies n° 4 et n° 5. Philharmonia Orchestra, Peter Maxwell Davies. Naxos 8.572351