Paris. Théâtre des Bouffes du Nord. Mardi 17 janvier 2017
Orfeo (Je suis mort en Arcadie) d'après Claudio Monteverdi. Photo : (c) Jean-Louis Fernandez
Quatre ans après Crocodile trompeur d’après Henry Purcell,
le trio Achache/Candel/Hubert de la compagnie La vie brève signe un réjouissant
et subtil Orfeo (Je suis mort en Arcadie)
d’après Monteverdi à faire aimer musique et mythologie aux plus récalcitrants.
Orfeo (Je suis mort en Arcadie) d'après Claudio Monteverdi. Photo : (c) Jean-Louis Fernandez
Même si le genre est né en Italie
à la toute fin du XVIe siècle, L’Orfeo
(1607) de Claudio Monteverdi (1567-1643) est généralement considéré comme
fondateur de l’opéra. De cet ouvrage si complexe
qu’il est plus rare à la scène que le
Retour d’Ulysse dans sa patrie et le
Couronnement de Poppée du même Monteverdi pourtant beaucoup plus longs mais
aussi plus théâtraux, les metteurs en scène Samuel Achache et Jeanne Candel,
associés sur le plan musical à Florent Hubert, ont tiré non pas un pastiche pur
et simple mais une véritable adaptation d’une subtilité et d’un goût de gourmets.
Orfeo (Je suis mort en Arcadie) d'après Claudio Monteverdi. Photo : (c) Jean-Louis Fernandez
Les renvois à la mythologie grecque, ses dieux, ses demi-dieux, leurs lignées
et leurs multiples croisements font le délice des humanistes et demandent un
minimum de culture helléniste, à l’instar de la partie musicale, où instruments
anciens, classiques et contemporains s’entremêlent pour jouer avec délectation
la partition de Monteverdi, en mettant en exergue la théâtralité de la musique
de Monteverdi et la musicalité du texte de son librettiste Alessandro Striggio.
Fondant musique écrite et improvisée, théâtre ludique et commedia dell’arte, le spectacle fait appel à quatorze
protagonistes à la fois musiciens, chanteurs et acteurs. Tous s’en donnent à
cœur-joie dans cet archétype de l’opéra avec lequel Monteverdi fixait les
canons du théâtre lyrique moderne sensés retourner aux sources du théâtre
antique.
Orfeo (Je suis mort en Arcadie) d'après Claudio Monteverdi. Photo : (c) Jean-Louis Fernandez
L’action
se situe en Arcadie. Cela sent la mort dès avant les préparatifs des noces
d’Orphée et d’Eurydice. En fait, c’est plutôt la charogne et surtout le bouc, à
cause de ce nauséabond Pan perché sur ses hautes jambes en forme de flûtes.
Avec ses frères Amour et Dionysos, tous vêtus en slip ou short et encravatés, l’ovin
fait le bonheur de leur avenante mamma (une inénarrable Anne-Lise Heimburger).
Seul Orfeo (Jan Peters) se fait longuement attendre, avant d’arriver, blondinet
svelte et élancé impeccablement affublé, pour épouser celle qu’il suivra
bientôt jusqu’aux Enfers… Auteur de la récente adaptation de la Traviata.
Vous méritez un avenir meilleur présenté dans ce même théâtre dans une mise
en scène de Benjamin Lazar, ainsi que de Crocodile
trompeur/Didon et Enée, Florent Hubert réalise des arrangements de la
partition originale d’une délicatesse, d’une sensibilité remarquable, au pont
que toutes les périodes et les styles s’imbriquent naturellement les uns dans
les autres, mettant ainsi en évidence la pérennité de la musique de Monteverdi.
Orfeo (Je suis mort en Arcadie) d'après Claudio Monteverdi. Photo : (c) Jean-Louis Fernandez
Cet éblouissant spectacle réalisé par Samuel Achache et Jeanne Candel est d’un
onirisme singulier, fait d’ombres et de lumières, plein d’allusions mythiques
et historiques lancées l’air de rien et qui renvoient le public à leurs
souvenirs d’écoliers, et l’on ne peut que saluer la présence le soir de la
première de nombreux jeunes. L’on peut évidemment relever des voix plus
fragiles que d’autres, mais il convient de saluer le chant de Marie-Bénédicte
Souquet (La Musica) et de Marion Sicre (Euridyce), qui conclut cet Orfeo sur un lied de Mahler d’une
douloureuse intensité.
Bruno
Serrou
Bouffes
du Nord, jusqu’au 5/02. Rés. : 01.46.07.34.50. www.bouffesdunord.com. Choisy-le-Roi (Théâtre-Cinéma Pau Eluard, 23/02),
Alfortville (Pôle culturel, 25/02), Toulouse (TNT, 2-4/03), Lorient (Théâtre,
8-9/03), Evreux (Le Cadran, 14/03), Cergy-Pontoise (L’Apostrophe, 17-18/03),
Montpellier (Le Domaine d’O, 24/03)