Dijon. Opéra de Dijon. Auditorium. Mercredi 4 janvier 2017
Christoph Willibald Gluck (1714-1787), Orphée et Eurydice. Elodie Fonnard (Eurydice), Anders J. Dahlin (Orphée), Sara Gouzy (Amour). Photo : (c) Gilles Abegg / Opéra de Dijon
C’est en italien que le chevalier
Christoph Willibald Gluck (1714-1787) donna à Vienne en 1762 la création de
l’un des ouvrages les plus célèbres du répertoire lyrique, Orfeo ed Euridice. Après cette première version en trois courts
actes sur un livret de Calzabigi où le rôle principal était confié à un
contralto castrat, Gluck retravailla son opéra pour Paris en 1774 sous le titre
Orphée et Eurydice, dans une
traduction française en quatre actes et enrichi de modifications significatives,
dont le personnage d’Orphée écrit pour un ténor aigu. Cette variante est
proposée par Angers Nantes Opéra dans une nouvelle production confiée à
Emmanuelle Bastet (1).
Christoph Willibald Gluck (1714-1787), Orphée et Eurydice. Photo : (c) Gilles Abegg / Opéra de Dijon
Quatre ans après la touchante
conception d’Emmanuelle Bastet à Nantes, qui faisait du poète musicien descendu
aux Enfers pour sauver sa femme Eurydice morte prématurément une métaphore de
l’impossible deuil, la conception de sa consœur Maëlle Poésy reste obscure, bien
qu’à ses… yeux, la question centrale de l’opéra de Gluck soit celle du… regard.
Voulant assurément se démarquer et s’imposer comme metteur en scène de théâtre,
la comédienne fait entendre l’ouverture à rideau ouvert tandis que se déroulent
sur le plateau les noces d’Orphée et d’Eurydice qui ne sont pas dans l’original
de Gluck, qui limite sa narration à l’orchestre seul aux élans festifs et insouciants.
Lorsque soudain Eurydice s’effondre, apparemment foudroyée par une crise
cardiaque. Le chœur dégage alors le buffet et les fleurs de la longue table du
banquet pour y déposer le corps inanimé d’Eurydice. Rendu à ce point de l’intrigue,
l’opéra peut commencer… Contrairement au décor de l’Orfeo et Monteverdi vu dans ce même Auditorium de Dijon dans une
mise en scène rock & roll d’Yves Lenoir (http://brunoserrou.blogspot.fr/2016/10/lorfeo-de-monteverdi-deux-conceptions.html)
qui occupait l’espace entier, celui de Damien Caille-Perret se perd dans l’immensité
de la scène de l’Auditorium, comme s’il avait été conçu pour un plateau plus
petit ou pour une longue tournée : un décor au plafond évolutif où perce
de plus en plus le dessous de la terre traversé par une énorme racine d’arbre, « arbre
de vie, arbre de la connaissance, arbre de l’immortalité » selon la
metteur en scène, avec à l’avant un praticable ou sont disposés divers éléments
décoratifs ou vide de tout accessoire.
Christoph Willibald Gluck (1714-1787), Orphée et Eurydice. Anders J. Dahlin (Orphée), Elodie Fonnard (Eurydice), choeurs. Photo : (c) Gilles Abegg / Opéra de Dijon
Les dégagements sont trop larges et les
éclairages de Joël Hourbeigt ne parviennent pas à les dissimuler à la vue du
public. Ce qui fait que la scénographie semble étriquée, tandis que les
costumes Camille Vallat sont d’une morose grisaille. Mais le pire réside dans l’absence
de direction d’acteur, et le manque d’efficacité et de réglages dans les
mouvements des chœurs. Quant à la transformation d’Amour en « go-between »
mi-homme mi-femme accoutré d’un tutu et harnaché d’un sac à dos de routier,
elle suscite opportunément l’hilarité du public.
Christoph Willibald Gluck (1714-1787), Orphée et Eurydice. Anders J. Dahlin (Orphée), Elodie Fonnard (Eurydice). Photo : (c) Gilles Abegg / Opéra de Dijon
Reste heureusement la partie
essentielle, la musique. De ce point de vue, l’entreprise est réussie. La
distribution est menée par le ténor suédois Anders J. Dahlin, à la voix haut-perchée
au timbre délicat et rayonnant, s’exprimant dans un français sans tâche, mais à
qui il manque un peu de puissance pour une salle aussi grande que l’Auditorium
de Dijon. Eurydice est tenue par Elodie Fonnard, exercée à ce répertoire sous l’égide
de William Christie et des Arts florissants, a la voix plus puissante mais
apparaît moins sûre, tandis que Sara Gouzy, plus effacé vocalement, se plaît à
camper un Amour versatile. Le chœur de l’Opéra de Dijon est homogène, et les décalages
que l’on peut relever sont légers. Mais c’est l’Orchestre Dijon Bourgogne, apparemment
modeste, qui tire cet Orphée et Eurydice vers une belle musicalité, avec à la fois
ses sonorités très XVIIIe siècle, sa justesse et ses soli d’une solidité
à toute épreuve, mené avec dextérité, allant et onirisme par le chef espagnol Iñaki
Encina Oyón.
Bruno Serrou
1) En 1859, le Théâtre-Lyrique de
Paris confiait à Hector Berlioz la reprise de l’ouvrage, avec, en Orphée, la
mezzo-soprano Pauline Viardot, sœur de la Malibran. Cette version a été donnée avec
succès à Nantes en 2012
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