Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Rodelinda. Sabina Puértolas (Rodelinda), Fabian Augusto Gomez Bohorquez (Flavio), Lawrence Zazzo (Bertarido). Photo : (c) Jean-Pierre Maurin
Régulièrement contesté à Paris,
le metteur en scène allemand Claus Guth signe à Lyon une Rodelinda de très grande classe avec le soutien d’une distribution
de haut vol vaillamment dirigée par Stefano Montanari.
Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Rodelinda. Jean-Sébastien Bou (Garibaldo), Avery Amereau (Eduige), Sabina Puértolas (Rodelinda). Photo : (c) Jean-Pierre Maurin
Créé au King’s Theatre de Londres
le 13 février 1725, Rodelinda est
l’un des opéras les plus célèbres de Haendel. Il a d’ailleurs connu le succès
dès sa création, à l’instar des deux autres ouvrages de la saison 1724-1725, Jules César en Egypte et Tamerlano. Comme pour ces deux derniers,
Nicola Haym en signe le livret. S’inspirant de la tragédie de Pierre Corneille Pertharite, l’action se situe au VIIe
siècle en Lombardie. Veuve fidèle et déterminée, courtisée par Grimoaldo, roi
illégitime, ambitieux et cruel, la reine Rodelinda pleure son mari, le roi
légitime Bertarido, qu’elle pense mort assassiné. A la fin, le bon monarque
tuera le méchant, après quelques péripéties de trois heures qui se concluent
par un très court ensemble des six chanteurs solistes.
Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Rodelinda. Photo : (c) Teatro Réal de Madrid
Dans les opéras de Haendel, tous
plus ou moins construits sur le même modèle, il se trouve un sommet qui tient
du sublime. Dans Rodelinda, ce moment
tant attendu se situe dans la dernière scène du deuxième acte. Une fois n’est
pas coutume dans l’œuvre scénique du Saxon tant les ensembles sont fort rares,
les protagonistes se « télégraphiant » les arie, il s’agit ici d’un duo entre l’héroïne et son mari retrouvé
après l’avoir cru mort assassiné, « Io
t’abbracio, E più che morte »,
qui fait d’autant plus regretter que Haendel n’en ait écrit davantage…
Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Rodelinda. Photo : (c) Teatro Real de Madrid
Avec un orchestre d’instruments
anciens joués par les membres de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon passionnés du
répertoire baroque, le chef italien Stefano Montanari en tenue de rocker a
donné à la partition de Haendel un élan, un dynamisme qui donnent à cette suite
de récitatifs et d’airs une dimension théâtrale de bon aloi. Impression
confortée par la direction d’acteur de Claus Guth qui instille vie et vérité
psychologique à des personnages qui enchaînent les arie da capo tous plus virtuoses les uns que les autres avec une infaillible
constance. Le metteur en scène allemand ajoute des personnages difformes aux
masques grotesques dignes d’un carnaval macabre. Le tout se déploie au sein
d’un décor blanc unique tournant sur lui-même qui représente une gentilhommière
du XVIIIe siècle éclatée sur trois niveaux, de la façade au grenier,
conçu par Christian Schmidt et animé par des images et dessins vidéo au second
degré d’Andi Müller.
Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Rodelinda. Sabina Puértolas (Rodelinda), Krystian Adam (Grimoaldo). Photo : (c) Jean-Pierre Maurin
La soprano espagnole Sabina
Puértolas est une Rodelinda brûlante et séduisante au timbre lumineux et
aérien. Tard venu dans l’action de l’opéra, le contre-ténor Lawrence Zazzo est
un Bertarido éclatant de puissance et de musicalité, ses vocalises sont d’une
saisissante maîtrise. Le ténor polonais Krystian Adam est un impressionnant
« méchant » Grimoaldo, toujours froid et naturel. Eduige, sœur de
Bertarido complice de Grimoaldo bientôt repentante, est idéalement tenue par la
mezzo-soprano Avery Amereau à la voix profonde et chaude. Ajoutez à cela un
magnifique Jean-Sébastien Bou qui campe un monstre boieux en Garibaldo, qui manipule
avec animosité l’enfant Flavio, rôle muet (ici le comédien colombien Fabian
Augusto Gomez Bohorquez).
Bruno Serrou
Opéra de Lyon, jusqu’au 1er/01/19.
Rés. : 04.69.85.54.54. www.opera-lyon.com. Diffusé sur
France Musique le 20/01-20h. En coproduction avec le Teatro Réal de Madrid, le
Liceu de Barcelone et l’Opéra de Francfort