Citoyen du monde - né à Buenos
Aires d’une famille d’origine juive et russe, installé à Berlin, il possède
quatre citoyennetés, argentine, israélienne, palestinienne et espagnole -, pianiste et chef d’orchestre engagé
dans la vie publique -, Daniel Barenboïm est un militant intrépide en faveur de
la paix et de la politique musicale. Il a commencé le piano à l’âge de quatre
ans, élève de ses parents, disciple d’Igor Markevitch et de Wilhelm Furtwängler
en direction, il a également étudié l’harmonie et la composition à Paris auprès
de Nadia Boulanger. Directeur musical et artistique de l’Opéra de Berlin Unter den Linden et de son orchestre, la
Staatskapelle de Berlin, directeur et co-fondateur du West-Eastern Divan
Orchestra qui réunit jeunes musiciens israéliens et palestiniens, ex-directeur
musical de l’Orchestre de Paris, du Chicago Symphony Orchestra et de la Scala
de Milan, Daniel Barenboïm est l’une des grandes figures musicales de notre
temps. Le monde de la musique s’apprête à célébrer le 15 novembre 2017 ses
soixante-quinze ans.
C’est dans cette perspective que
l’un de ses principaux éditeurs discographiques de Daniel Barenboïm, Warner
Classics, publie une intégrale de ses enregistrements consacrés à Beethoven
tandis qu’EuroArts propose une série de documents et de concerts filmés. Au
total, plus de deux jours et demi d’écoute sans interruption. Daniel Barenboïm
est réputé hyperactif. Outre ses nombreuses activités et fonctions, il est un
boulimique du disque. Rien que pour Beethoven, trois intégrales des sonates
pour piano, une autre pour le DVD, trois intégrales des concertos, deux
versions des Diabelli et des
symphonies, trois Fidelio (un en CD,
deux en DVD), une Missa solemnis, le Triple concerto, le Concerto pour violon, une intégrale des sonates pour violon et
piano, une autre pour violoncelle et piano, une autre encore des Trios avec piano, le Quintette pour piano et instruments à vent…
Se trouve-t-un autre musicien qui puisse revendiquer pareille somme ?...
35 CD Barenboïm joue et dirige Beethoven chez Warner
Chez Warner, un coffret de
trente-cinq CD, avec les reproductions des pochettes d’origine, vient de paraître
pour en faire la démonstration et convaincre combien Barenboïm a d’affinité
avec Beethoven. Ce ne sont pas les premières gravures des concertos pour piano de
Beethoven réalisées dans les années 1960 dirigées par Otto Klemperer qui ont
été retenues, mais celles que Barenboïm a enregistrées en dirigeant du piano. Ce
coffret présente le legs du seul interprète à avoir enregistré un aussi vaste
pan de la création beethovénienne, tant comme pianiste que comme chef
d’orchestre. En effet, presque tout ce qu’il est possible chez Beethoven d’interpréter
du piano et du podium de chef d’orchestre est joué et enregistré par Barenboïm,
des trente-deux sonates pour piano à l’opéra Fidelio, en passant par les Variations
Diabelli, les Sonates pour violon
et piano, les Sonates, Variations et Allegrettos pour violoncelle et piano, les Trios et les Variations pour
violon, violoncelle et piano, ainsi que le Trio
pour clarinette, violoncelle et piano,
le Quintette pour piano et instruments à
vent, les sept Concertos (cinq
pour piano, le triple et celui pour violon), la Fantaisie chorale, les neuf Symphonies,
les Ouvertures et la Missa solemnis. Enregistrements réalisés
entre 1966 et 1999, soit trente-trois années de vie artistique résumées en
trente-cinq CD monographiques. La musique de chambre permet de retrouver
Barenboïm dans la plénitude de ses vingt-cinq ans, en compagnie de sa première
épouse, Jacqueline Du Pré, dans les Trios
et les Sonates pour violoncelle,
ainsi que l’ami du couple Pinchas Zukerman dans les Trios et les Sonates pour
violon, le Concerto pour violon est
réalisé avec Itzhak Perlman qui se retrouve dans le Triple concerto en compagnie de Yo-Yo Ma au violoncelle.
Pour les Sonates pour piano, il s’agit de la première intégrale de Barenboïm
réalisée dans les années 1960 (EMI), de la deuxième intégrale des Concertos pour piano, Barenboïm
dirigeant du piano l’Orchestre Philharmonique de Berlin en 1986-1987 ainsi que
la Fantaisie chorale et les
ouvertures (EMI), la première intégrale des Symphonies
captée en 1999 avec la Staatskapelle de Berlin, ainsi que Fidelio avec les forces de l’Opéra d’Etat de Berlin (Teldec), les Diabelli en 1991, le Quintette en 1993 et la Missa solemnis avec le Symphonique de
Chicago en 1993 pour Erato.
Tout n’est certes pas irréprochable,
dans cette somme. La Missa solemnis est
trop emphatique, Fidelio subit des
modifications incompréhensibles (Leonore
II sert d’ouverture, des numéros sont inversés, absence des dialogues), les
Sonates pour piano sont encore
influencées par les maîtres de Barenboïm que sont Otto Klemperer et Claudio
Arrau, tandis que concertos et symphonies sont marqués du sceau de Furtwängler par
leur ampleur et leurs larges respirations au détriment du rythme et de la souplesse.
Mais la musique de chambre irradie de joie de vivre et d’exaltation, tandis que
la musicalité et la sincérité de l’interprète Barenboïm sont constantes, tout
au long des trente-cinq disques.
14 DVD Barenboïm chez EuroArts
Côté DVD, présentés dans un
boîtier format CD, l’hommage est centré sur le pianiste Daniel Barenboïm à
travers un florilège de concertos, de sonates et de récitals, le tout complété
par un remarquable documentaire. Il s’agit de la totalité des DVD que le label
EuroArts a consacrés au musicien. Ils sont déjà tous disponibles séparément, y
compris le documentaire paru en 2011. Les Variations
Goldberg de Bach bénéficient d’une interprétation sensible et d’un
classicisme de bon aloi, enrichi d’une subtilité de toucher impossible à
atteindre sur un clavecin. Cet enregistrement est précédé d’une introduction de
dix minutes de l’œuvre par le pianiste. Les deux récitals Liszt de 1985 sont de
grande qualité. Ils comprennent les deux premières Années de pèlerinage (Suisse
et Italie) ainsi que les
transcriptions d’opéras de Verdi et de Wagner, et de la première des Légendes, Saint François d’Assise. La prédication aux oiseaux. L’enregistrement
réalisé en 2007 à La Scala de Milan est plus représentatif de l’art de
Barenboïm que celui capté à Bayreuth en 1985, plus contraint. L’intégrale des Sonates pour piano de Mozart est très séduisante
et n’a pas de concurrence audiovisuelle pour le moment.
Le récital de Buenos Aires en
2000, avec la Sonate KV. 330 de
Mozart, l’Appassionata de Beethoven
et les deux livres d’Iberia d’Albéniz
ainsi que les nombreux bis, le documentaire de 2001, et l’intégrale des Concertos pour piano de Beethoven de
2007 sont excellents et fort bien filmés par l’équipe de Paul Smaczny. Il
convient également d’ajouter les huit derniers Concertos pour piano de Mozart avec le Philharmonique de Berlin,
que Barenboïm dirige du piano, et les deux Concertos
pour piano de Brahms avec l’Orchestre Philharmonique de Munich dirigé pesamment
par Sergiu Celibidache en 1991.
Au total, une somme en deux volumineux
coffrets de haute tenue et de grande valeur consacrée à l’un des artistes les
plus captivants de sa génération.
Bruno Serrou
35 CD Warner Classics 01900295 922580. Enregistrements :
1966-1995. Durée : 36h 15mn 17s. 14 DVD EuroArts 2063090.
Enregistrements : 1985-2007. Durée : 24h 00mn.
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