Lyon. Opéra national de Lyon. Dimanche 18
décembre 2016
Johann Strauss fils (1825-1899), Eine Nacht in Venedig. Photo : © Stofleth
Johann
Strauss fils fait danser l’Opéra de Lyon pour les fêtes de fin d’année avec Une nuit à Venise, opéra comique en
trois actes carnavalesque aux dialogues opportunément adaptés par Peter Langdal.
Composé
en 1883, quelques mois après le décès de Richard Wagner le 13 février à Venise,
Une nuit à Venise (Eine Nacht in Venedig) a pour cadre le
fameux carnaval organisé par la Cité des Doges la décade précédant le Mercredi
des Cendres. L’œuvre suscita à sa création l’hilarité du public pour son livret
à l’humour pesant voire consternant de Franz Zell et Richard Genée adapté de le Château trompette d’Eugène Cormon donnant
souvent dans le ridicule, un « bric-à-brac confus », comme le
reconnaissait Johann Strauss : un duc volage, un vieux sénateur jaloux,
une épouse trop jeune et trop jolie pour rester auprès de son barbon de mari,
un séduisant neveu, un jeune cuisinier intrépide, quelques jeunes filles à
marier et un barbier plein de ressources pour mener la danse… Tous ces personnages
ont une nuit pour dénouer l’embrouillamini né de la jalousie du vieux sénateur
et de son désir de soustraire sa femme aux visées du duc.
Johann Strauss fils (1825-1899), Eine Nacht in Venedig. Photo : © Stofleth
A l’époque
de la genèse de l’œuvre, Venise, longtemps possession autrichienne, et son
carnaval étaient fort courus par les nostalgiques Viennois. Mais, à l’exception
du cadre, Strauss n’introduit aucun élément italien dans sa musique, qui
enchâsse valses et airs tous plus séduisants et enchanteurs les uns que les
autres.
Après une
première annulée et une deuxième devant un rideau de scène fermé pour cause de
revendications d’un syndicat de techniciens, le spectacle de fin d’année de l’Opéra
de Lyon a pu être enfin donné dans son intégrité dimanche dernier devant un
parterre fourni où l'on dénombrait autant de cheveux blancs que de familles
nombreuses, certains assistant pour la première fois à un spectacle lyrique et s’enthousiasmant
de sa magie.
Johann Strauss fils (1825-1899), Eine Nacht in Venedig. Photo : © Stofleth
Dans
cette nouvelle production, collaboration des Opéras de Lyon et de Graz en
Autriche, Une nuit à Venise est donnée
dans sa langue originale mais non sans actualisations et améliorations
bienvenues façon vaudeville, et dans l'orchestration d’Erich Wolfgang Korngold,
l’auteur entre autres de la Ville morte et
qui fixa les canons de la musique des films hollywoodiens, jusqu’aux pâles
copies de John Williams.
Le chef
italien Daniele Rustioni, nouveau directeur musical de l’Opéra de Lyon, met
subtilement en exergue les rutilances de l’orchestration de Korngold, en
soulignant timbres, luminescences, enchaînant les valses avec une joie
jaillissante, et donnant à l'ensemble une pulsion fébrile.
Johann Strauss fils (1825-1899), Eine Nacht in Venedig. Photo : © Bruno Serrou
Dans de
naïfs costumes de Karin Betz et décors stylisés et plus naïfs encore d’Ashley
Martin-Halle où un lit s’impose entouré d’un pont vénitien épuré, de fauteuils
et de canapés, le metteur en scène danois Peter Langdal n’en rajoute pas dans
la gaudriole, et l’on ne s’ennuie pas dans ces imbroglios continuels. La
distribution est dominée par l’infatigable Lothar Odinius, duc renvoyant à
Casanova, et tous les protagonistes s’en donnent à cœur joie avec un bonheur
contagieux, particulièrement Caroline MacPhie (Barbara), Evelin Novak (Annina),
Jasmina Sakr (Ciboletta), Piotr Micinski (Delacqua), Matthias Klink
(Caramello). Le Chœur de l’Opéra de Lyon n’est pas en reste.
Bruno Serrou
Article paru dans le quotidien La Croix mardi 20 décembre 2016
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