Bruxelles (Belgique). Palais de La Monnaie Tour & Taxis. Mardi
13 décembre 2016
Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908), Le coq d'or. Pavlo Hunka (le tsar Dodon), Sheva Tehoval (le Coq), Venera Gimadieva (la tsarine de Chemakhane). Photo : (c) Baus / La Monnaie
Farce politique, Le coq d’or de Nikolaï Rimski-Korsakov
est d’une terrible actualité. Le Théâtre de La Monnaie de Bruxelles a
remarquablement mis en valeur cette caractéristique de cet ouvrage centenaire
en le confiant à une équipe française, le metteur en scène Laurent Pelly et le
chef Alain Altinoglu.
Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908), Le coq d'or. Alexey Dolgov (tsarevitch Guildon), Konstantin Shushakov (tsarevitch Aphrone), Pavlo Hunka (le tsar Dodon), Alexander Kravets (l'Astrologue), Sheva Tehoval (le Coq), Alexander Vassiliev (le voïvode Polkane). Photo : (c) Baus / La Monnaie
Voilà trente-deux ans, le Théâtre
du Châtelet présentait une splendide production reprise en 2002 du Coq d’or confiée à une équipe japonaise,
l’acteur-metteur en scène Ennosuke Ichikawa III, maître du kabuki moderne, et
le couturier Tomio Mohri. Ultime opéra du compositeur russe, Le coq d’or est placé sous le signe de
l’humour corrosif de la farce politique. Ce qui a valu à l’ouvrage l’interdit
de la censure impériale qui y a décelé une charge contre le tsar Nicolas II. Tant
et si bien que Le coq d’or ne fut
créé qu'un an après la mort de son auteur, en 1909.
Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908), Le coq d'or. Venera Gimadieva (la tsarine de Chemakhane), Pavlo Hunka (le tsar Dodon), Alexander Kravets (l'Astrologue). Photo : (c) Baus / La Monnaie
Ce conte fantastique, à la fois
drôle, subversif et noir, mêle politique, absurde et féerie : le tsar fainéant
Dodon tient à se protéger de ses ennemis afin de dormir continellement. Un Astrologue lui
donne la solution, en lui présentant un coq en or aux pouvoirs magiques qui l’alertera
dès la première menace. Conquis, Dodon est néanmoins contraint de prendre les
armes, qu’il finit par déposer aux pieds de l’ensorcelante reine de Chemakhane.
Cette dernière le mène par le bout du nez. Il s’apprête à l’épouser mais
l’Astrologue la réclame pour prix du coq. Furieux, Dodon frappe mortellement
l’Astrologue. La reine maudit le tsar que le coq exécute d’un coup de bec.
Désemparé, le peuple se lamente sur son propre sort. Le coq d’or n’est peut-être pas l’opéra le plus réussi de
Rimski-Korsakov. Côté instrumentation, ce n’est pas Antar, et côté orientalisme, ce n’est pas Schéhérazade… Et, malgré la brièveté de l’œuvre - prologue, trois actes,
épilogue, le tout en quatre vingt dix minutes -, il s’y trouve des longueurs,
particulièrement au milieu des deux premiers actes : thématique besogneuse
harmonisée à la va-vite et orchestrée de façon relâchée, ce qui étonne de la
part de celui qui fut le maître d’Igor Stravinski. Mais l’ouvrage possède nombre
d’atouts pour séduire…
Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908), Le coq d'or. Pavlo Hunka (le tsar Dodon), Venera Gimadieva (la tsarine de Chemakhane). Photo : (c) Baus / La Monnaie
… Surtout lorsqu’il est abordé de
façon aussi convaincante qu’à Bruxelles. Dans une ingénieuse scénographie de
Barbara de Limburg faite de ruines noircies sur lesquelles circule un immense lit
blanc qui finit en char d’assaut, Laurent Pelly signe une mise en scène - et
des costumes - à l’onirisme loufoque, à la fois folle et profonde avec un humour
fin vivifié par une direction d’acteur au cordeau qui lui insuffle un rythme
effréné. Pour sa première prestation de directeur musical de La Monnaie de
Bruxelles, Alain Altinoglu exalte la partition de Rimski-Korsakov, lui instillant
des couleurs étincelantes et des textures cristallines, l’Orchestre de La
Monnaie apparaissant comme transcendé. La distribution est d’une totale
homogène. Voix pleine au timbre flatteur, le baryton basse anglais Pavlo Hunka
campe un Dodon parfaitement abject et monstrueux de fainéantise. La soprano
russe Venera Gimadieva est une tsarine de Chemakhane facétieuse qui enchaîne
les colorature avec une confondante facilité et s’épanouit dans son air magnifique,
la mezzo-soprano polonaise Agnes Zwierko est une Amelfa aux graves abyssaux,
l’Astrologue est tenu par un excellent ténor de caractère ukrainien, Alexander
Kravets, impressionnant d’assurance. Les légers décalages du chœur ne nuisent
en rien à ce réjouissant spectacle.
Bruno Serrou
Jusqu’au 30/12/16. Rés : (+32)
2.229.12.11. www.lamonnaie.be. Production
reprise à l’Opéra de Nancy 12-21/03/17. Rés. : 03.83.85.33.11. www.opera-national-lorraine.fr
Compte-rendu paru dans le quotidien La Croix
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire