lundi 14 mars 2016

Peter Maxwell Davies, compositeur chef d'orchestre britannique, est mort le 14 mars des suites d’une leucémie. Il avait 81 ans

Sir Peter Maxwell Davies (1934-2016). Photo : DR

Auteur de trois cents trente quatre opus, du solo d’alto et de trompette à l’opéra en passant par la musique de chambre (dont dix Quatuors à cordes écrits entre 2001 et 2007), la musique d’orchestre (la Première Symphonie en 1976, la Dixième « Alla ricerca di Borromini » op. 327 pour baryton, chœur et orchestre a été créée l’an dernier par Antonio Pappano et l’Orchestre Symphonique de Londres), des concertos, des œuvres d’inspiration religieuse (dont une Missa super L’homme armé, un Ave Maris Stella, un Psaume 124, Hymn to St Magnus, Missa Parvula, etc.), le ballet et le théâtre musical, et jusqu’au spectacle pour enfants, dont il se préoccupait particulièrement notamment sur le plan pédagogique, Sir Peter Maxwell Davies est l’un des compositeurs britanniques les plus influents de sa génération.

Peter Maxwell Davies était également un chef d’orchestre apprécié. La Reine Elizabeth II d’Angleterre avait élevé ce républicain dans l’âme dans l’Ordre de l’Empire Britannique (CBE) en 1981, avant de lui attribuer le titre de Chevalier en 1987 et de le nommer en 2004 Maître de la Musique de la Reine pour une période de dix ans. Tant et si bien qu’il finit par se convertir au monarchisme… « La musique, disait-il, sait des choses que je ne sais pas »

Peter Maxwell Davies (en haut à droite à demi caché), et ses camarades de l'Université de Manchester dans les années 1950, notamment Alexander Goehr (en bas à gauche), Harrison Birtwistle (en bas à droite), John Ogdon (au centre), Elgar Howarth (en haut à gauche)

Né le 8 septembre 1934 à Salford (Lancashire), Peter Maxwell Davies décida dès l’âge de 4 ans de devenir compositeur. Dix ans plus tard, il soumettait à la BBC de Manchester une première œuvre pour l’émission l’Heure des Enfants (Children’s Hour) à partir de laquelle le producteur jugea : « Il est soit très brillant soit fou. » Il fera ses études à l’Université de Manchester et au Royal Manchester Royal College of Music où il a pour camarades de cours les compositeurs Harrison Birtwistle, Alexander Goehr, le chef d’orchestre Elgar Howarth et le pianiste John Ogdon avec qui il formera le groupe « New Music Manchester ». En 1956, il est à Rome, où il est l’élève du compositeur italien Goffredo Petrassi. En 1962, grâce à une bourse du Commonwealth, il se rend aux Etats-Unis pour étudier à l’Université de Princeton, où il étudie avec les compositeurs Roger Sessions, Milton Babbitt et Earl Kim. En 1965-1966, il est compositeur en résidence à l’Elder Conservatorium of Music de l’Université d’Adélaïde en Australie.

Sir Peter Maxwell Davies accueilli par la Reine Elizabeth II d'Angleterre en 2015. Photo : DR

De retour au Royaume-Uni, Peter Maxwell Davies s’installe dans l’archipel des Orkney (Orcades), au large de l’Ecosse, d’abord à Hoy puis à Sanday. En 1977, il a fondé dans la capitale de cet archipel le Festival Saint-Magnus qu’il animera jusqu’à la fin de sa vie. De 1969 à 1984, il est directeur artistique de la Darlington International Summer School, en 1988 et 1991, il est directeur musical du Ojai Music Festival en Californie. Dans les années 1960, proche de l’avant-garde musicale européenne, il est considéré dans son pays comme un enfant terrible de la musique, sa création choquant autant le public que la critique. L’une de ses œuvres de cette période qui fit le plus scandale est son opéra Eigth Songs for a Mad King (Huit Chants pour un roi fou) composé en 1969 pour chanteur/narrateur/acteur et ensemble dans lequel Peter Maxwell Davies réalise un pastiche de chant canonique en puisant dans le Messie de Haendel. Néanmoins, tel l’arroseur arrosé, en octobre 1983, le Festival d’Automne à Paris confia à Pierre Boulez et l’Ensemble Intercontemporain pour une production présentée Théâtre du Châtelet, des Eigth Songs for a Mad King couplés à Aventures et à Nouvelles Aventures de György Ligeti. La mise en scène de David Freeman a été si trash et scato que le compositeur britannique renonça à assister à la première et que Pierre Boulez exigea et obtint que l’on plaça son ensemble et lui-même côté jardin afin de ne pas avoir à voir l’action pendant l’exécution de l’œuvre. Par la suite Peter Maxwell Davies combinera divers styles d’écriture, qu’il intègrera souvent dans une même œuvre. Au dodécaphonisme et au sérialisme, il associera la symbolique du carré magique, puis son style se fera peu à peu sobre et apaisé. En 1987, sa parabole nihiliste Résurrection qui nécessita vingt ans de gestation, réserve plusieurs passages à un groupe rock. Sa musique devient finalement de plus en plus simple et accessible au plus grand nombre, au point de dérouter ses compagnons de route qui ne le considèrent plus comme l’un des leurs.

Sir Peter Maxwell Davies (1934-2016). Photo : DR

Peter Maxwell Davies était viscéralement attaché à l’engagement du compositeur dans la société, exprimant sa désapprobation à l’égard de la politique menée par les gouvernements Gordon Brown et Tony Blair. Son engagement se retrouvait jusque dans sa musique. Ainsi, son Quatuor à cordes n° 3 écrit en 2003 atteste de son désarroi profond face à la guerre en Irak, et son opéra en deux actes Kommilitonen! (Young Blood) op. 306 de 2010 une dramatisation des mouvements de protestations d’étudiants au cours du XXe siècle et un appel aux armes pour la jeunesse d’aujourd’hui. En 2013, il avait dénoncé la situation de l’enseignement de la musique en Grande-Bretagne. Son activité de chef s’est développée au contact de plusieurs orchestres avec lesquels il a entretenu des relations suivies. Chef compositeur associé des Orchestres Symphonique de la BBC et Royal Philharmonic de 1992 à 2002, il était régulièrement invité par les Orchestres Philharmonia de Londres, de Cleveland, Symphoniques de Boston et de San Francisco et l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Il était en outre compositeur lauréat de Scottish Chamber Orchestra.

Peter Maxwell Davies est mort lundi 14 mars 2016 à son domicile de Sanday dans l'archipel des Orcades des suites d’une leucémie. Son dernier opéra pour enfant, The Hogboon, sera donné en création mondiale à titre posthume en juin prochain, au Barbican Hall par l’Orchestre Symphonique de Londres dirigé par Simon Rattle.

Bruno Serrou

A écouter
Peter Maxwell Davies, A Portrait : His Works, His Life, His Words. Œuvres et artistes divers. 2 CD Naxos 8.558191-92
Peter Maxwell Davies, A Portrait : Works of Peter Maxwell Davies from the 1960s and 1970s. Œuvres d’inspiration religieuse et artistes divers. Decca 475 6166
Peter Maxwell Davies, Knight Errant (music for solo trumpet). Mark O’Keeffe (trompette). Delphian Records DCD 34049
Peter Maxwell Davies, 10 Naxos Quartets. Maggini Quartet. 5 CD Naxos 8.557396/7/8/9/400
Peter Maxwell Davies, Revelation and Fall, Leopardi Fragments, Five Pieces. Melos Ensemble, John Ogdon, Peter Maxwell Davies, etc. EMI/Erato 724358618723
Peter Maxwell Davies, String Quartet / Le Jongleur de Notre Dame. Quatuor Arditti, Opera Sacra Buffalo, Charles Peltz. Mode 59
Peter Maxwell Davies, Symphonies n° 4 et n° 5. Philharmonia Orchestra, Peter Maxwell Davies. Naxos 8.572351



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