Sir Peter Maxwell Davies (1934-2016). Photo : DR
Auteur de trois
cents trente quatre opus, du solo d’alto et de trompette à l’opéra en passant par
la musique de chambre (dont dix Quatuors à cordes écrits entre 2001 et
2007), la musique d’orchestre (la Première Symphonie en 1976, la Dixième
« Alla ricerca di Borromini » op. 327 pour baryton, chœur et
orchestre a été créée l’an dernier par Antonio Pappano et l’Orchestre
Symphonique de Londres), des concertos, des œuvres d’inspiration religieuse (dont
une Missa super L’homme armé, un Ave Maris Stella, un Psaume
124, Hymn to St Magnus, Missa Parvula, etc.), le ballet et le
théâtre musical, et jusqu’au spectacle pour enfants, dont il se préoccupait
particulièrement notamment sur le plan pédagogique, Sir Peter Maxwell Davies est l’un
des compositeurs britanniques les plus influents de sa génération.
Peter Maxwell
Davies était également un chef d’orchestre apprécié. La Reine Elizabeth II d’Angleterre
avait élevé ce républicain dans l’âme dans l’Ordre de l’Empire Britannique (CBE)
en 1981, avant de lui attribuer le titre de Chevalier en 1987 et de le nommer en
2004 Maître de la Musique de la Reine pour une période de dix ans. Tant et si
bien qu’il finit par se convertir au monarchisme… « La musique, disait-il,
sait des choses que je ne sais pas »
Peter Maxwell Davies (en haut à droite à demi caché), et ses camarades de l'Université de Manchester dans les années 1950, notamment Alexander Goehr (en bas à gauche), Harrison Birtwistle (en bas à droite), John Ogdon (au centre), Elgar Howarth (en haut à gauche)
Né le 8
septembre 1934 à Salford (Lancashire), Peter Maxwell Davies décida dès l’âge de
4 ans de devenir compositeur. Dix ans plus tard, il soumettait à la BBC de
Manchester une première œuvre pour l’émission l’Heure des Enfants (Children’s
Hour) à partir de laquelle le producteur jugea : « Il est
soit très brillant soit fou. » Il fera ses études à l’Université de
Manchester et au Royal Manchester Royal College of Music où il a pour camarades
de cours les compositeurs Harrison Birtwistle, Alexander Goehr, le chef d’orchestre
Elgar Howarth et le pianiste John Ogdon avec qui il formera le groupe « New
Music Manchester ». En 1956, il est à Rome, où il est l’élève du
compositeur italien Goffredo Petrassi. En 1962, grâce à une bourse du
Commonwealth, il se rend aux Etats-Unis pour étudier à l’Université de Princeton,
où il étudie avec les compositeurs Roger Sessions, Milton Babbitt et Earl Kim.
En 1965-1966, il est compositeur en résidence à l’Elder Conservatorium of Music
de l’Université d’Adélaïde en Australie.
De retour au Royaume-Uni,
Peter Maxwell Davies s’installe dans l’archipel des Orkney (Orcades), au large
de l’Ecosse, d’abord à Hoy puis à Sanday. En 1977, il a fondé dans la capitale
de cet archipel le Festival Saint-Magnus qu’il animera jusqu’à la fin de sa vie.
De 1969 à 1984, il est directeur artistique de la Darlington International
Summer School, en 1988 et 1991, il est directeur musical du Ojai Music Festival
en Californie. Dans les années 1960, proche de l’avant-garde musicale européenne,
il est considéré dans son pays comme un enfant terrible de la musique, sa
création choquant autant le public que la critique. L’une de ses œuvres de
cette période qui fit le plus scandale est son opéra Eigth Songs for a Mad
King (Huit Chants pour un roi fou) composé en 1969 pour
chanteur/narrateur/acteur et ensemble dans lequel Peter Maxwell Davies réalise
un pastiche de chant canonique en puisant dans le Messie de Haendel. Néanmoins,
tel l’arroseur arrosé, en octobre 1983, le Festival d’Automne à Paris confia à Pierre
Boulez et l’Ensemble Intercontemporain pour une production présentée Théâtre du
Châtelet, des Eigth Songs for a Mad King couplés à Aventures et à
Nouvelles Aventures de György Ligeti. La mise en scène de David Freeman a
été si trash et scato que le compositeur britannique renonça à assister à la
première et que Pierre Boulez exigea et obtint que l’on plaça son ensemble et
lui-même côté jardin afin de ne pas avoir à voir l’action pendant l’exécution
de l’œuvre. Par la suite Peter Maxwell Davies combinera divers styles d’écriture,
qu’il intègrera souvent dans une même œuvre. Au dodécaphonisme et au
sérialisme, il associera la symbolique du carré magique, puis son style se fera
peu à peu sobre et apaisé. En 1987, sa parabole nihiliste Résurrection qui
nécessita vingt ans de gestation, réserve plusieurs passages à un groupe rock.
Sa musique devient finalement de plus en plus simple et accessible au plus
grand nombre, au point de dérouter ses compagnons de route qui ne le
considèrent plus comme l’un des leurs.
Sir Peter Maxwell Davies (1934-2016). Photo : DR
Peter Maxwell
Davies était viscéralement attaché à l’engagement du compositeur dans la
société, exprimant sa désapprobation à l’égard de la politique menée par les
gouvernements Gordon Brown et Tony Blair. Son engagement se retrouvait jusque
dans sa musique. Ainsi, son Quatuor à cordes n° 3 écrit en 2003 atteste
de son désarroi profond face à la guerre en Irak, et son opéra en deux actes Kommilitonen!
(Young Blood) op. 306 de 2010 une dramatisation des mouvements de
protestations d’étudiants au cours du XXe siècle et un appel aux
armes pour la jeunesse d’aujourd’hui. En 2013, il avait dénoncé la situation de
l’enseignement de la musique en Grande-Bretagne. Son activité de chef s’est développée
au contact de plusieurs orchestres avec lesquels il a entretenu des relations
suivies. Chef compositeur associé des Orchestres Symphonique de la BBC et Royal
Philharmonic de 1992 à 2002, il était régulièrement invité par les Orchestres
Philharmonia de Londres, de Cleveland, Symphoniques de Boston et de San
Francisco et l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Il était en outre
compositeur lauréat de Scottish Chamber Orchestra.
Peter Maxwell
Davies est mort lundi 14 mars 2016 à son domicile de Sanday dans l'archipel des Orcades des suites d’une leucémie. Son dernier opéra pour enfant, The
Hogboon, sera donné en création mondiale à titre posthume en juin prochain,
au Barbican Hall par l’Orchestre Symphonique de Londres dirigé par Simon
Rattle.
Bruno Serrou
A écouter
Peter Maxwell
Davies, A Portrait : His Works, His Life, His Words. Œuvres et artistes
divers. 2 CD Naxos 8.558191-92
Peter Maxwell
Davies, A Portrait : Works of Peter Maxwell Davies from the 1960s and
1970s. Œuvres d’inspiration religieuse et artistes divers. Decca 475 6166
Peter Maxwell
Davies, Knight Errant (music for solo trumpet). Mark O’Keeffe (trompette). Delphian
Records DCD 34049
Peter Maxwell
Davies, 10 Naxos Quartets. Maggini Quartet. 5 CD Naxos 8.557396/7/8/9/400
Peter Maxwell
Davies, Revelation and Fall, Leopardi Fragments, Five Pieces.
Melos Ensemble, John Ogdon, Peter Maxwell Davies, etc. EMI/Erato 724358618723
Peter Maxwell
Davies, String Quartet / Le Jongleur de Notre Dame. Quatuor
Arditti, Opera Sacra Buffalo, Charles Peltz. Mode 59
Peter Maxwell
Davies, Symphonies n° 4 et n° 5. Philharmonia Orchestra, Peter
Maxwell Davies. Naxos 8.572351
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