Paris, Centre Pompidou, Grande salle, jeudi
6 juin 2013
Ensemble musikFabrik. Photo : DR
Concert
en deux partie, hier, dans la grande salle archi-comble du Centre Pompidou,
curieusement intitulé « Portrait Maresz I », alors que la musique de cet
excellent compositeur n’occupait qu’à peine plus du tiers de la soirée. Il faut
dire qu’il s’agissait d’une création mondiale particulièrement attendue, tant
les œuvres nouvelles de Yan Maresz (né en 1966) sont rares - le second volet du
« portrait », qui sera proposé le 19 juin par l’Ensemble
Court-Circuit, présentera deux partitions des années 1994-2004 entourées d’œuvres
nouvelles de deux autres compositeurs.
Sébastien Gaxie (né en 1977). Photo : DR
La
première partie était entièrement assurée par le seul pianiste français d’origine
états-unienne David Lively, à qui ManiFeste a confié la création mondiale d’une
œuvre pour piano et électronique en temps réel, Continuous Snapshots, d’un ancien stagiaire du Cursus de
composition de l’Ircam, Sébastien Gaxie (né en 1977). Si l’on se réfère à ce
qui est écrit dans la brochure-programme et à l’écoute de cette pièce, l’on ne
peut que regretter que ce compositeur de 35 ans soit « de ces artistes qui
n’ont de cesse de s’attaquer à d’autres arts que le leur. » Et, comme le
constate plus loin le même texte, ce Continuous
Snapshots « participe indéniablement de ce tropisme (sic) », il
est indéniable que cet artiste ferait mieux de se concentrer sur ce sur quoi il
entend se consacrer, la composition. Cette partition est en effet pauvre en
inspiration et en invention, la partie piano étant pour le moins d’une
linéarité monotone et la partie électronique univoque et terne.
David Lively. Photo : DR
David Lively a
ensuite enchaîné trois pièces pour piano de Magnus Lindberg (né en 1958), la
première de 1988, les deux autres des années 2000. Intitulée Twine, la première est vive et riche en
timbre et en résonances, à l’instar des préoccupations de cette période où le
compositeur finlandais la composa alors qu’il entendait confronter les écoles sérielle
et spectrale. Les deux autres pièces, deux Etudes
pour piano, ont été respectivement conçues en 2001 et 2004, l’une ayant été
créée par Jay Gottlieb au Havre dans le cadre du festival Octobre en Normandie
2001, l’autre par Paul Crossley au Wigmore Hall de Londres en 2004. Ces pages
concises et virtuoses pensées par un compositeur pianiste se situent dans la
lignée des pièces du genre de Chopin, Liszt, Debussy et Ligeti, mais moins
complexes et originales que celles du Hongrois, Lindberg se tournant vers le
néoromantisme. David Lively a donné de ces Etudes
une lecture souple et aérée, d’une adresse naturelle, sans fioriture ni distanciation
excessive.
Magnus Lindberg (né en 1958). Photo : DR
La
seconde partie de la soirée était assurée par le magnifique ensemble rhénan
musikFabrik dirigé par Peter Rundel. Elle s’est ouverte sur une autre partition
de Magnus Lindberg, Coyote Blues,
composée en 1993 pour flûte, hautbois, clarinette, basson, cor, trompette,
trombone, percussion, piano, quintette de cordes sans électronique. Créée à
Stockholm le 25 mars 1993 par le KammarensembleN dans le cadre du festival New
Music, cette œuvre concentrée est ludique et enjouée, mue par un foisonnement
de rythmes et de glissandi des plus
réjouissants. Brillamment interprétée par musikFabrik, Cette pièce a préludé
avec bonheur à la création attendue de la nouvelle œuvre de Yan Maresz, Tutti, la première depuis 2006.
Yan Maresz (né en 1966). Photo : DR
Formé
par l’un des plus grands guitaristes de l’histoire, le Britannique John
McLaughlin, pianiste, percussionniste, arrangeur de jazz fort couru - il côtoya
un temps Miles Davis -, Maresz est l’une des figures emblématiques de l’Ircam
depuis 1995, année où il y élabora Metallics
pour trompette et électronique en temps réel, avant d’y travailler sur des
projets chorégraphiques avec François Raffinot, et d’y enseigner dans le cadre
du Cursus. Après sept ans de réflexion et de maturation, la nouvelle partition de
Maresz, dédiée à Françoise et Jean-Philippe Billarant, ses commanditaires avec les Kunststiftung NRW et Ensemble musikFabrik, se présente comme une rupture avec ce qui l’a précédée.
Peter Rundel. Photo : DR
Dès les
premières mesures, l’on reçoit cette musique comme un coup de poing, avec ces musiciens
en tutti qui exposent une phrase d’une
violence inouïe qui se conclut sur une longue tenue se perpétuant par la seule
électronique qui apparaît l’air de rien tant les sons diffusés par les haut-parleurs
semblent être émis par les musiciens, qui, en outre, posent discrètement leurs
instruments. Ecrite pour quinze instruments (flûte/piccolo, hautbois,
clarinette/clarinette contrebasse, basson, cor, trompette, trombone
ténor/basse, tuba, percussion, piano clavier MIDI, deux violons, alto,
violoncelle, contrebasse et électronique, cette œuvre est particulièrement
prenante. Le climat instauré par l’impressionnante introduction perdure
vingt-cinq minutes durant, l’œuvre ne comptant que fort peu de solos, conformément
à ce que le titre Tutti indique, à l’exception
de la section lente, qui devrait peut-être être plus ramassée. Regrettons aussi
qu’un bug informatique ait incidemment perturbé l’exécution de l’œuvre, supérieurement
jouée par musikFabrik, ensemble qui sonne comme un seul instrument doué d’une prodigalité
de coloris phénoménale, dirigé hier soir d’un geste large et clair par Peter
Rundel.
Bruno Serrou
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