Paris, Théâtre du Châtelet, mardi 11 juin
2012
John Adams, Iwas Looking at the Ceiling... Photo : (c) Marie-Noëlle Robert / Théâtre du Châtelet
Après
El Nino en 2002 et Nixon in
China en 2012 (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2012/04/coup-de-vieux-pour-nixon-in-china-de.html), en attendant The Flowering Tree en mai 2014,
le Théâtre du Châtelet poursuit son exploration de l’œuvre de l’Américain John
Adams (né en 1947) avec une nouvelle production de l’opéra
« actualité »-comédie musicale I
Was Looking at the Ceiling and Then I Saw the Sky (Je regardais le plafond et soudain je vis le ciel) mis en scène par
Giorgio Barberio Corsetti.
Photo : (c) Marie-Noëlle Robert / Théâtre du Châtelet
Créé en 1995 sur un livret de la poétesse d’origine
jamaïcaine June Jordan, cette œuvre décrit à chaud l’avant et l’après immédiats de sept jeunes américains de milieux et de conditions divers - exilée
latino sans papier, délinquant, pasteur et étudiante noirs, flic gay,
journaliste voyeuriste WASP (1), avocat d’origine vietnamienne - tremblement de terre de Northridge qui détruisit moins d’un an plus tôt une
partie de la ville de Los Angeles. « Cette partition minimaliste est
très difficile à exécuter, comme toutes les partitions d’Adams », constate
Alexander Briger, chef d’orchestre australien pourtant aguerri en matière de
musique contemporaine. Associant jazz, gospel, rock, pop, elle réunit dans la
fosse huit musiciens qui jouent d’instruments populaires (batterie,
contrebasse/guitare-basse, guitare-électrique/acoustique, clarinette/clarinette
basse, saxophone alto/ténor, 3 synthétiseurs) sans jamais improviser, tout en
en donnant l’impression. A l’instar des instrumentistes, les chanteurs, bien
que de tradition classique, doivent être capables de jouer et chanter dans
l’esprit du jazz et du rock, « donc donner l’impression d’improviser tout
en sachant lire la musique, ce qui n’est pas si répandu », convient
Briger.
John Adams (né en 1947)
Depuis Nixon in China, John Adams se plait à collaborer avec son
compatriote Peter Sellars. C’est avec le metteur en scène que le compositeur a
conçu l’essentiel de son œuvre scénique. I
Was Looking… ne fait pas exception. Créée le 13 mai 1995 à la Zellerbach
Playhouse de l’Université de Californie à Berkeley, la production incunable de
cette œuvre a été donnée à Paris, Théâtre de Bobigny, MCC93 en 1995, quatre ans
après la première française de leur Nixon
in China.
Photo : (c) Marie-Noëlle Robert / Théâtre du Châtelet
Ni opéra, ni comédie musicale, ni classique, ni pop, mais tout
cela à la fois et d’obédience minimaliste, cette « Songplay »
enchaîne les numéros sans transition ni modulation, enchâssant vingt-trois chansons sans rapports les unes
avec les autres et d’inspiration diverses (gospel, rythmes latino-américains,
hard blues rock, crooner, hard rock, cool jazz, free jazz, rock’n’roll, funk,
swing, bebop, ballade, blues, scat, hard rock…) mais qui constituent par leur
seul enchaînement une véritable intrigue. L’on y trouve pêle-mêle Supertramp,
Steve Wonder, Joe Cocker, Thelonious Monk, Herbie Hancock, Whitney Houston,
Queen, fondus dans le minimalisme adamsien et curieusement associé à Witold
Lutoslawski… Bref, l’œuvre parfaite pour l’actuel Théâtre du Châtelet, qui
pratique assidument le genre cross over,
au grand plaisir d’un public d’inconditionnels.
Le tremblement de terre de Northridge à Los Angeles (1994). Photo : DR
Si l’on
admire le savoir-faire et la concentration des musiciens dans la fosse, qui se
contentent pourtant d’égrainer ce qui ressemble à un catalogue édulcoré de
genres musicaux, et l’engagement des chanteurs, tous sonorisés, il faut avouer
que le spectacle tient uniquement par ce qui est donné à voir. Giorgio Barberio
Corsetti signe une mise en scène magistrale, rehaussée par une scénographie qu’il
a conçue avec Massimo Troncanetti faite de simples blocs figurant des bâtiments
- le moment du tremblement de terre est impressionnant - continuellement repeints
en fonction du lieu de l’action (immeubles, église baptiste, hôpital, tribunal,
prison, ruines), de couleurs vives et d’images mouvantes réalisées par le
vidéaste Igor Renzetti, le tout remarquablement éclairé par Marco Giusto. La
direction d’acteur fait que l’on croit volontiers aux mésaventures des
personnages. Il fallait bien cela pour faire tenir cent-trente minutes de rang
le spectateur dans son fauteuil (plusieurs sièges se sont vidés à l’entracte),
tant l’action est saturée de bons sentiments et de clichés, et la musique n’accroche
guère, restant continuellement dans la demi-teinte, n’osant pas être
franchement ce qu’elle veut être, ni véritablement pop, ni vraiment rock, moins
encore free jazz, ni réellement improvisée, ni proprement savante, ni même minimaliste…
Bruno Serrou
1) White Anglo-Saxon Protestant
Quel courage d'être resté jusqu'au bout!!!
RépondreSupprimerMoi j'ai vu la production de Sellars à Bobigny et je suis sorti avant même l'entre acte... Pourtant j'aime bien les autres grands opéras de Adamas et je trouve la pièce avec l'arbre magistrale (vu à Wien pour l'année Mozart).
Malgré l'amour que je peux porter à Giorgio (qui avait mis en scène Le Luthier à l'époque) je n'ai pas fait le déplacement pour cela...
ciao
Gualtiero