Photo : Percussions de Strasbourg, DR
Voilà cinquante ans, six percussionnistes,
tous musiciens d’orchestre formés à l’aune des conservatoires, Bernard Balet,
Jean Batigne, Lucien Droeller, Jean-Paul Finkbeiner, Claude Ricou et Georges
Van Gucht, chacun étant membre de phalanges strasbourgeoises (Orchestre Municipal et
Orchestre de l’ORTF), fondaient à Strasbourg un ensemble inédit jusqu’alors
auquel ils attribuèrent un nom associant leur instrument commun et le lieu où
ils travaillaient, les Percussions de Strasbourg. Très vite, la légende se
forgea, les compositeurs qui découvraient alors, à l’instar d’un certain
nombre de leurs aînés, les aptitudes solistes et chambristes de la percussion,
permirent à l’ensemble de devenir rapidement une formation de chambre comme une
autre mais unique en son genre car dotée d’une palette inouïe de timbres et de
couleurs.
C’est sous le signe d’Edgar Varèse et le parrainage de Pierre Boulez que se
sont formées les Percussions de Strasbourg, alors qu’aucun répertoire n’existait encore pour un tel effectif de
musiciens dont la volonté inédite et surréaliste à l’époque était de faire de la
musique de chambre avec des instruments à percussion. Devant immédiatement
songer à se constituer un catalogue, les six percussionnistes prirent contact
avec les compositeurs. La proximité de l’Allemagne,
terre de création musicale par excellence avec notamment les festivals de Darmstadt et de Donaueschingen
et la présence de Pierre Boulez à Baden-Baden, allait marquer de façon
déterminante les débuts des Percussions de Strasbourg. Olivier Messiaen, Iannis
Xenakis, Karlheinz Stockhausen, Kazimierz Serocki, Georges Aperghis, Claude
Ballif, John Cage, Miloslav Kabelac, Maurice Ohana, François-Bernard Mâche,
Hugues Dufourt, Franco Donatoni leur dédient immédiatement des partitions, et, en 1967, les
musiciens interprètent, avec l’accord de Varèse, Ionisation, alors que
la partition requiert à l’origine la participation de treize instrumentistes.
Photo : Percussions de Strasbourg, DR
C’est en 1980 que les membres les plus
anciens ont commencé à passer la main afin d’assurer leur succession, pensant à
la pérennité de l’ensemble. « Le terme “formation” est important, constate
aujourd’hui Jean-Paul Bernard, actuel directeur artistique de l’ensemble, parce
que, lorsque nous étions étudiants, les conservatoires ne formaient pas à la
musique contemporaine, à de rares exceptions près, et nous n’apprenions pas
plus la musique d’ensembles que celle de notre temps, les percussionnistes
étant alors façonnés avant tout pour l’orchestre. J’ai eu la chance de travailler
avec Georges Van Gucht, si bien que, dès le conservatoire de Toulon où je suis
entré à vingt ans, j’ai été sensibilisé à la musique de notre temps. Auparavant,
je m’intéressais plutôt à la batterie jazz, avant de commencer à accompagner
des amis étudiants du conservatoire. Mais j’ai croisé Gucht... Cette rencontre a eu sur moi l’effet d’un véritable coup de foudre pour la
percussion. Ainsi, après quatre années d’études, je me suis retrouvé aux
Percussions de Strasbourg. » Les fondateurs avaient donné une telle
dynamique, le succès ne cessant de croître, la quantité de concerts et de
créations étant toujours plus considérable, qu’ils avaient été conduits à instaurer un système
de co-solistes, avec les jeunes qu’ils engageaient pour partager les
concerts avec l’un ou l'autre des membres fondateurs. Ce système a perduré jusqu’en 1986. « Plusieurs
jeunes se sont succédé, se souvient Jean-Paul Bernard, ce qui explique pourquoi
le passage de relais entre les anciens et les nouveaux ne s’est pas fait sans
heurts. Les fondateurs étaient des amis qui avaient eu une longue histoire
commune, alors que leurs successeurs venaient d’un peu partout. Or, le travail
des Percussions de Strasbourg implique des relations humaines solides, qui
ont été longues à se forger. C’est du plein temps et c’est un peu la vie d’un
quatuor à cordes, car nous faisons de la musique de chambre à six. Par
ailleurs, les anciens ont eu du mal à couper le cordon. C’est ainsi qu’il nous
a fallu dix ans, entre 1986 et 1996, pour assumer le changement. »
Hugues Dufourt (né en 1943). Photo : DR
Erewhon (1972-1976) d'Hugues Dufourt
« J’ai connu les Percussions de
Strasbourg peu après leur création, rappelle Hugues Dufourt qui allait écrire
pour le groupe l’œuvre référence du genre, Erewhon, symphonie pour orchestre
de cent cinquante percussions composée entre 1972 et 1976. Ma première pièce
pour instruments à percussion m’a été commandée par le compositeur suisse
Jacques Guyonnet, mon professeur, et le Studio de musique contemporaine de
Genève en 1968. Une œuvre pour piano, percussion conforme à la
configuration des Percussions de Strasbourg, et instruments à vent, en fait mon
opus 1. Après cette création, Jean
Baigne, membre fondateur des Percussions de Strasbourg également timbalier du
Philharmonique de Strasbourg, me commanda Brisants, puis ce sera Mura
della Citta, di ditte (1968-1969) où j’utilise quantité de percussions. A
l’époque, voulant assurer ma percée musicale, j’entendais travailler sur les
instruments les plus aventureux tout en montant dans leur échelle sociale.
Ainsi, après la percussion, j’ai fait l’inventaire des instruments de musique
pop’ dans Saturne, et ce n’est que plus tard que je comprenais que les
bois étaient mes instruments par excellence. Aussi, à l’époque, lorsque cette commande
m’a été proposée, je me suis empressé de l’accepter. Ainsi, peu à peu, j’ai
appris à écrire pour la percussion. En fait, j’apprenais vite, et j’avais
beaucoup lu sur le sujet, mais le travail proprement expérimental, je ne l’ai
engagé qu’après, avec les Percussions de Strasbourg. J’ai demandé au groupe de
travailler à fond avec eux, et c’est ainsi qu’est né Erewhon. J’ai
beaucoup inventé dans cette œuvre, mais pas tout, car je me rendais dans les
locaux des Percussions de Strasbourg avec un magnétophone pour enregistrer des
sons, mais il était impossible de déployer un tel matériel. J’ai donc dû faire
appel à mon imaginaire et l’extrapoler sur cent cinquante instruments. Cette
partition marque la rupture avec mes œuvres de jeunesse, car je me suis lancé dans
une pièce un peu utopique et sans limitation ni de durée ni d’instruments,
refusant la castration de la musique contemporaine. La genèse d’Erewhon s’est
étendue sur quatre ans, et a représenté un effort surhumain. Bien que j’aie
écrit par la suite d’autres pages avec percussion, notamment pour Thierry
Miroglio, je ne suis jamais revenu à la seule percussion. Je me suis trop brûlé
les ailes avec Erewhon, et j’ai du
mal à m’y remettre, car j’y ai mis toutes mes forces et mes réserves. »
Les liens qui unissent Hugues Dufourt aux
Percussions de Strasbourg s’avèrent donc indélébiles, depuis Erewhon. « Ce groupe représente un
aspect essentiel de ma vie et de mon œuvre, autant avec les anciens qu’avec
leurs successeurs, reconnaît volontiers le compositeur. Mon expérience avec ces
derniers, lors de la reprise et de l’enregistrement d’Erewhon en 1999 a
été fantastique. Nos relations ont un caractère affectueux, presque familial,
et pour la première fois les rapports d’âge ont été inversés, puisque j’étais
le plus âgé, alors qu’auparavant j’étais le jeune qui irritait. Cette fois, le
rapport était confiant, inscrit dans l’ordre de la transmission. D’un point de
vue musical, la nouvelle équipe a apporté à Erewhon une aisance
cristalline, précise, déterminée jusqu’au moindre détail dans un jeu collectif
souple, félin qui démontre l’évolution du niveau technique collectif comparable
à celle des skieurs ces vingt-cinq dernières années, évolution spectaculaire
que l’on n’enregistre pas dans le violon ou le piano. Le médium percussion et
son écriture sont ainsi de plus en plus raffinés et spatialisés. Ce qui
m’intéresse ce sont l’expression, l’expressivité, non les sonorités et les
timbres. » Quoi qu’il en dise, Hugues Dufourt reste fondamentalement
attaché à la percussion, cette section représentant dans sa création pour
orchestre une part fondamentale de son assise harmonique. Dufourt reconnaît en
effet qu’il s’agit bien pour lui d’une sorte d’instrument primordial, tout
comme pour Brahms. « La timbale est pour moi le grand frisson, le “Grund”
allemand, les abysses, mon assiette harmonique fondamentale. C’est de la
timbale que s’élève le son. Chez moi, cet instrument représente ce que le XVIIIe
siècle désignait comme le corps sonore, et c’est à travers lui, ainsi que le
vibraphone, que j’ai pu approfondir de nouvelles perspectives côté instruments
à percussion après Erewhon. »
Jean-Paul Bernard, directeur des Percussions de Strasbourg jusqu'en juin 2012. Photo : Percussions de Strasbourg, DR
1996, le
renouveau
En 1996 une nouvelle histoire commençait pour
les Percussions de Strasbourg. Prenaient en effet le relais six jeunes
musiciens formés à l’aune de leurs aînés, Jean-Paul Bernard, Claude Ferrier,
Bernard Lesage, Keiko Nakamura, François Papirer et Olaf Tzschoppe, qui, non
seulement reprenaient le répertoire constitué en trente-cinq ans, mais
s’ouvraient en outre sur leur temps, invitant les compositeurs de leur
génération pour leur seul talent, passant outre les styles et les écoles. La pluralité
et l’éclectisme des choix de collaborations leur ont permis d’élargir le champ
artistique et de se placer dans des situations inhabituelles, comme les
échanges avec d’autres ensembles, le croisement avec le théâtre, la danse.
Riches de plus de sept cents instruments appartenant aux quatre grandes
familles de la percussion, peaux, bois, métaux et instruments traditionnels ou
rituels liturgique, les Percussions de Strasbourg ont pu développer le côté attractif
de la percussion, « instruments » que tout un chacun peut jouer
depuis la première enfance en tapant sur tout type d’ustensiles. Il faut y
ajouter le côté spectaculaire, scénographique, ludique, particularités qui sont
un moyen sans doute efficace d’attirer un large public à la musique
contemporaine. « La percussion est très visuelle, convient Jean-Paul
Bernard. Le fait de jouer sans chef nous oblige à adopter des attitudes
corporelles plus marquées pour arriver à “sentir” la musique entre nous. Je ne
vois pas pourquoi nous ne devrions pas travailler avec toutes les techniques
modernes existantes. Nous souhaitons que le public identifie les Percussions de
Strasbourg avec le visuel, particulièrement les lumières, au même titre que le
son. Nous travaillons toujours pour trouver une scénographie qui nous est
propre. C’est aussi dans le choix des compositeurs avec qui nous travaillons et
qui nous font réfléchir sur ce sujet. Travailler avec des compositeurs comme
Heiner Gœbbels nous oblige à réfléchir sur notre façon d’être. Ce qui nous
intéresse est remettre en cause la forme et le fonds des concerts,
programmation thématique ou scénographie. Le reste est question de moyens. »
A chaque œuvre nouvelle, l’un des six
percussionnistes se voit confier la responsabilité artistique, tel un chef
d’orchestre. Il analyse la partition, réfléchit sur la façon dont le groupe va
la travailler, le tout en relation directe avec le compositeur. Chaque musicien
travaille ensuite la partie qui lui revient, et sitôt que les répétitions
commencent, tous se « soumettent » aux directives du percussionniste responsable.
Tel un ensemble de cordes, l’essentiel du travail se porte sur les instruments,
leur implantation. Les commandes sont passées selon les désirs de chacun de
travailler avec tels ou tels compositeurs. Une commande est le fruit soit d’un
souhait collégial soit du désir d’un musicien du groupe, qui en parle aux
autres, mais au moment où le choix se porte sur quelqu’un, il n’est pas définitif,
et ce n’est qu’après que l’ensemble ait reçu le compositeur dans ses ateliers
où chacun peur l’observer dans ses réactions face à la découverte des
instruments, que la décision se cristallise. « Nous ne disons jamais “nous
aimerions que vous écriviez pour nous”, dit Jean-Paul Bernard, mais nous
invitons le compositeur à nous découvrir. Il s’agit donc tout d’abord d’un
contact. Nous apprenons à nous connaître, et nous voyons si nous pouvons ou non
aboutir à un projet. Les compositeurs d’aujourd’hui maîtrisent la percussion et
n’ont pas trop de problème avec, mais ils ont besoin de connaître les
Percussions de Strasbourg. Notre parc d’instruments étant important, il
leur est nécessaire de venir chez nous les voir, les toucher, les essayer. »
Photo : Percussions de Strasbourg, DR
Quelques trois cents créations
A l’origine de quelques trois cents créations
en cinquante ans, les Percussions de Strasbourg n’entendent pas en rester là,
car aujourd’hui, conviennent-ils, seule une trentaine d’œuvres qu’ils ont
suscitées peuvent prétendre se maintenir au répertoire. L’enrichissement de
leur catalogue est d’autant plus assuré que l’ensemble n’a pas besoin de se
démener pour obtenir d’un compositeur une œuvre nouvelle. Nombreux en effet
sont ceux qui souhaitent écrire pour lui, et il n’est pas si évident d’y
parvenir pour les postulants, tant demandes et propositions affluent. Mais
c’est surtout au gré des rencontres qu’est initié ou non un travail commun. Les
Percussions de Strasbourg ont pour ambition d’être un lieu de recherche, bien
qu’elles n’en aient pas toujours les moyens. Mais elles collaborent avec
danseurs, metteurs en scène, chanteurs, comédiens, jeunes compositeurs, mettant
en corrélation la musique avec les autres modes d’expression artistique, danse,
théâtre, arts plastiques. Ainsi, pour sa première œuvre pour les Percussions de
Strasbourg, Ton That Tiêt a écrit en 1999 La Danse du Temps, fruit de la
coopération de trois artistes venus d’horizons différents, le compositeur Tiêt,
le sculpteur Andy Goldworthy et la chorégraphe Régine Chopineau.
Pour la grande pièce de Heiner Goebbels créée
en 2000, les Percussions de Strasbourg ont reçu tout d’abord le compositeur
allemand dans ses locaux accompagné de son preneur de son et de son
éclairagiste. Les six instrumentistes ont mené avec lui nombre d’expériences, la
partition encore en projet, « ce qui, rappelle Jean-Paul Bernard, nous a
permis de porter un regard neuf sur l’aspect musique de chambre et la théâtralité.
Mais, sur le plan instrumental, Goebbels n’avait nul besoin de nous, car il
allait de lui-même fouiller dans nos tiroirs en quête d’objets que nous avions
mis complètement de côté, allant même jusqu’à trouver de nouveau modes de jeux,
par exemple jouer avec une balle rebondissant sur une grosse-caisse. »
Avec les jeunes compositeurs, les Percussions
de Strasbourg entretiennent des contacts réguliers, « Nous leur jouons des
extraits de leurs œuvres, dit Jean-Paul Bernard, ils voient comment cela se
passe, ce qui leur permet de retravailler leurs partitions si nécessaire. MarK
André a été l’un des tout premiers compositeurs avec qui nous avons fait ce
type de travail. J’ai rencontré D’Adamo à Royaumont, je l’ai invité à
Strasbourg, où nous avons longuement parlé avec lui, prenant le temps de
dialoguer. Il est revenu avec une première partie de son œuvre, que nous lui
avons jouée ; il l’a enregistrée, l’a retravaillée, et lorsque nous l’avons
créée à Rome à la Villa Médicis, elle a sonné telle qu’il le souhaitait. »
Ces échanges privilégiés avec les compositeurs, les Percussions de Strasbourg ne
peuvent les entretenir autant qu’ils le souhaitent, faute de moyens et de
structure adéquate pour offrir des résidences, l’idéal étant d’inviter le
compositeur deux semaines à travailler avec eux dans leurs locaux.
Philippe Leroux (né en 1958). Photo : DR
Philippe Leroux
Parmi les compositeurs peu familiers de la
percussion chambriste avant 2000, Philippe Leroux. S’il a découvert enfant les
Percussions de Strasbourg en écoutant les disques de ses parents, il a attendu
2001 pour assister à la création de sa première pièce écrite pour l’ensemble, De
la vitesse, dans le cadre du Festival Musica de Strasbourg. Leroux
n’avait écrit auparavant qu’une seule fois pour cette famille d’instruments
traitée en soliste, M pour deux percussions, deux pianos et dispositif
électronique réalisé à l’Ircam et créé en 1997 à Donaueschingen, ainsi qu’un un
trio pour le Concours international de percussion de Luxembourg. « Il m’a
fallu trois ans pour écrire De la vitesse, convient Philippe Leroux.
J’ai dû accumuler les renseignements, les instruments que me présentait ma
femme, qui travaille sur les objets sonores. J’en ai plein mon atelier !
Je me suis aussi rendu dans les studios des Percussions de Strasbourg avant de
commencer à travailler sur ma partition, puis en cours d’écriture pour faire
des essais. Ce qui m’attire, dans la percussion, c’est la liberté, à la fois
dans le choix de l’instrumentarium, qui est infini, et de la part des
musiciens, qui sont des gens extrêmement ouverts, tant sur le plan humain que
des musiques et des musicalités qu’ils ne connaissent ni ne soupçonnent, tant
et si bien qu’il est très agréable de travailler avec eux. En fait,
l’instrumentarium permet tout. Avec lui, on s’extrait du strict traitement des
hauteurs, ce qui oblige à découvrir d’autres critères musicaux qu’harmonique,
mélodique. Quant au timbre, il ne sert à rien de créer une succession de timbres,
aussi inouïs soient-ils ; il faut les organiser de façon solide.
J’apprécie le fait que l’on travaille ici sur des phénomènes, des matières,
avec l’idée de rugosité du son, le côté presque tactile du son me motive
énormément. Il y a aussi l’infini possible offert par la diversité des
instruments à percussion, tout pouvant être musique, scie, râpe en bois, lime,
bouteille de vin, et jusqu’à la perceuse électrique… La percussion est un monde
illimité, que l’on peut non seulement percuter, mais aussi caresser,
déclencher, frotter... »
Pochette du coffret de 15CD Accord/Universal. Photo : DR
Enrichissement
de l’instrumentarium percussif
Quoique riches de plus de sept cents
instruments, et outre les œuvres originales qu’ils initient et leur quête de
compositeurs nouveaux, les Percussions de Strasbourg continuent leur quête
d’instruments inconnus, qu’ils dénichent partout dans le monde durant leurs
tournées et leurs voyages, toutes sortes de gongs, cloches de vaches, marimbas,
doum-doums, tambour en bois, et autres. « Aujourd’hui, tous les
compositeurs connaissent les gongs thaïlandais, les gongs balinais, se félicite
Jean-Paul Bernard, mais certains gongs chinois sont encore ignorés. Notre
travail est de les présenter aux compositeurs. Il y a quarante ou cinquante ans
aucun d’eux n’écrivait pour les gongs thaïlandais parce qu’ils étaient
méconnus. Nous possédons quantité d’instruments que nous achetons chaque année,
et notre but est de les faire découvrir aux compositeurs pour qu’ils deviennent
des instruments courants. “Découvrir” est un bien grand mot, car il s’agit le
plus souvent d’instruments traditionnels utilisés depuis des millénaires, mais
il faut aller les chercher, les trouver et les révéler. Lorsque nous faisons
des tournées, par exemple en Afrique, nous pouvons ramener jusque près d’une
tonne de matériel, notamment des tambours de bois. Tout le monde les connaît,
mais il s’agit de versions contemporaines fabriquées en Europe, les
authentiques étant peu répandus. Lorsque nous sommes allés à Taipei, nous avons
ramené de nouveaux instruments. Même s’ils sont petits, ils élargissent notre
collection et, surtout, conduisent à trouver de nouvelles sources sonores. »
Plus proche de nous, les nouvelles technologies représentent une source
toujours plus vaste du champ acoustique. Les objets quotidiens, telle l’humble
cuillère, sont utilisés pour leur résonance particulière et offrent un réel
potentiel musical. Et, cela ne suffisant pas, les Percussions de Strasbourg
suscitent la création d’instruments nouveaux. Ainsi, outre le sixxen de Iannis
Xenakis, qui inventa pour eux cet instrument original
riche de cent neuf sons métalliques distincts, l’ensemble est à l’origine
de la mise au point du pipitu de
Giorgio Battistelli, famille de six instruments de tailles différentes
s’inspirant des tambours à friction. Cette quête permanente d’instruments
inouïs est l’une des principales préoccupations des Percussions de Strasbourg
constamment à la recherche de sources sonores nouvelles.
Le coffret Universal du demi-siècle
Le coffret Universal du demi-siècle
Pour leur cinquantième anniversaire, les
Percussions de Strasbourg ont commandé plusieurs œuvres, dont l’opéra Limbus-Limbo de Stefano Gervasoni créé à
Strasbourg en septembre dernier dans le cadre du Festival Musica (voir ce blog
en date du 24 septembre 2012), qui est repris à Vernon le 29 novembre,
Paris (Opéra-Comique) le 3 décembre, Reims le 15 décembre, Herrenhausen le 6 juin, Marseille le 9 juillet, etc.
Un coffret réunissant en quinze CD plus d’une quarantaine de leurs créations d’autant
de compositeurs d’œuvres commandées par leurs soins en un demi siècle d’existence,
dont un certain nombre de chefs-d’œuvre des XXe et XXIe
siècles est édité pour l’occasion chez Universal/Accord (1), une somme
indispensable pour qui entend découvrir et faire amplement connaissance avec l’instrument
moderne par excellence, la percussion.
Bruno Serrou
1) Œuvres de Amy, Aperghis, Boucourechliev, Boulez, Cage, Campion, Chavez, D'Adamo, Denisov, Drouet, Dufourt, Grisey, Haubenstock-Ramati,
Hurel, Jarrell, Kabelac, Lauba, Leroux, Levinas, Louvier, Manoury, Matalon, Messiaen, Monnet, Ohana, Pampin, Paris, Pesson, Puig, Racot, Romitelli, Schat, Scherchen, Serocki, Shinohara, Silvestrov, Singier, Stibili, Taïra, Varèse, Xenakis. 15 CD Universal/Accord 480 6512
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