Compositeur vivant parmi les plus
universellement célébrés, dirigeant partout dans le monde et ayant vécu dans
plusieurs pays d’Europe avant de se réinstaller à Budapest dans les années 2000,
Péter Eötvös (né en 1944) reste profondément enraciné dans sa terre natale, la
Hongrie, et plus particulièrement la Transylvanie, son berceau, à l’instar de
ses deux aînés, Béla Bartók et György Ligeti. Ce qui se manifeste en toute évidence
dans le disque proposé par Naïve qui réunit sous la direction d’Eötvös les
trois compositeurs autour de la forme concertante pour violon et orchestre. En
soliste, la Moldave Patricia Kopatchinskaja, qui magnifie tout ce qui se trouve
de mystère et d’éclat au cœur de cette musique venue du tréfonds de l’âme. A la
tête des deux grandes formations instrumentales de Francfort, l’Ensemble Modern
dans le rageur et énigmatique concerto de Ligeti, ensemble qui l’a créé en 1992
sous la direction déjà d’Eötvös mais avec Saschko Gawriloff en soliste, et
l’Orchestre Symphonique de la Radio dans les deux autres concertos, Péter
Eötvös façonne un écrin à la mesure des sonorités charnelles de la violoniste. Plus
particulièrement dans son propre Seven, bouleversant « monologue
très personnel » d’Eötvös pour des êtres qui ont donné leur vie en 2003
pour la concrétisation d’un rêve humain qui s’est tragiquement conclu sur une catastrophe,
celle de la navette spatiale Columbia et de son équipage. Un très grand
disque de violon concertant qui puise aux sources de la Hongrie éternelle dont
la musique est profondément marquée par le peuple tzigane et ses merveilleux
musiciens, particulièrement les violonistes, hélas si mal traités aujourd’hui
dans la Hongrie contemporaine.
Le second CD est consacré à un
compositeur français dirigeant ici ses propres œuvres. Pour son troisième disque
Harmonia Mundi monographique, Thierry Pécou (né en 1965) a sélectionné six de
ses œuvres qui reflètent l’enracinement profond de ce musicien d’origine
guadeloupéenne en Amérique latine. Le « Concerto-carnaval » Tremendum composé en 2005 et retravaillé
en 2010 pour les Percussions Claviers de Lyon qui l’interprètent ici associés
aux musiciens de l’Ensemble Variances dirigé par le compositeur qui l’a fondé
en 2009, rend un vibrant hommage au Brésil. Un Brésil onirique gorgé de rythmes
syncopés et frétillants qui associent neuf
instruments dans un rituel
réjouissant. Associant la flûte et la clarinette basses
au violoncelle, Manoa (2005) chante
l’Amazonie et ses magies. Suivent trois pièces d’inspiration
mexicaine. L’Arbre aux Fleurs (2010) pour quintette de
percussion, qui célèbre le temps du carnaval par son
énergie inflexible et son fantasque
turbulent. Plus tendu, Soleil-Tigre pour violoncelle et piano (2009),
avec des ostinatos typiques de la musique de Pécou qui galvanisent un puissant geste
mélodique. Enfin, Paseo de la reforma (1995/2011) pour guitare reflète
la mixité de la culture mexicaine. C’est sur l’humoristique Danzon pour flûte qui plonge de nouveau en
Amazonie que se conclut ce cd enluminé.
Bruno Serrou
1) 2 CD Naïve V 5285
2) 1 CD Harmonia Mundi HMC 905269
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