mardi 19 juin 2012

Avec la création de son bel Assemblage, Roque Rivas clôt les concerts du 1er ManiFeste de l’IRCAM, qui continue jusqu’à fin juin avec des master classes de composition et d’interprétation de la musique contemporaine


Centre Pompidou, Grande Salle, samedi 16 juin 2012 

Répétition Centre Pompidou de Nôise d’Ondřej Adámek. Photo : (c) Ensemble Intercontemporain

L’Ensemble Intercontemporain, qui a curieusement négligé la célébration de Philippe Manoury, pourtant l’un de ses compositeurs emblématiques à qui ManiFeste 2012 a dédié l’essentiel de sa programmation à l’occasion de ses 60 ans, a proposé en première partie de la soirée de clôture de la première partie du festival (la seconde, qui s’achève le 1er juillet, est exclusivement consacrée à la pédagogie) la création mondiale d’une nouvelle partition de Roque Rivas (né en 1975), Assemblage pour piano, ensemble et dispositif électronique. 
Cette œuvre d’une vingtaine de minutes dans laquelle le piano dialogue avec une formation de dix-huit musiciens (deux flûtes, hautbois/cor anglais, clarinette, basson/contrebasson, deux cors, trompette, trombone, trois percussionnistes, harpe, deux violons, alto, violoncelle et contrebasse), le tout enrichi de l’électronique « live », est particulièrement séduisante. Si le compositeur chilien se refuse à utiliser le terme concerto, il ne peut empêcher l’auditeur de percevoir cette partition comme telle, d’autant que l’œuvre s’ouvre sur un grand solo du piano, remarquablement tenu par Sébastien Vichard, environné de bruissements élémentaires, et que, à l’écoute, il s’avère que chaque pupitre constitue un univers sonore en soi. Les instruments produisent en effet individuellement leur touche personnelle en colorations, sons, timbres, présence. S’il ne s’agit pas d’un concerto de soliste, nous avons bel et bien affaire à un concerto grosso auquel l’informatique est conviée à participer, apportant sa part de pigmentations et de vie à un entrelacs quasi cellulaire qui, en s’amassant, constitue un véritable corps sonore. A ces évidences qui s’imposent aux oreilles, s’ajoutent un plaisir charnel de l’écoute et une poésie qui emporte l’auditeur au point que ce dernier cherche à retenir le temps, qui s’écoule en fait beaucoup trop vite.
Composé en 2009-2010, et sans atteindre la puissante originalité de la pièce du Chilien, Nôise d’Ondřej Adámek (né en 1979) est le fruit d’une résidence du compositeur tchèque à Kyoto, au Japon, en 2007, dans le cadre de CulturesFrance. Comme le suggère le titre, l’œuvre, qui réunit vingt-sept instrumentistes (8 bois, 7 cuivres, 3 percussionnistes, piano, harpe, 7 cordes) est à la fois hommage au théâtre Nô, ses comédiens et ses instruments, et célébration du bruit/son (Noise en anglais). Comme c’est souvent le cas avec Adámek, actuel compositeur en résidence de l’Ensemble 2e2m, la partition est ludique, les instrumentistes ayant à effectuer des gestes auxquels ils ne sont pas toujours familiarisés, et à émettre des phonèmes et des cris néo-japonais, jeu dans lequel excelle particulièrement Eric-Maria Couturier, qui exalte en outre de son violoncelle des sons d’une chaleur souveraine. Mais au-delà du jeu, Nôise apparaît long et fastidieux, avec sa demi-heure sans progression ni variations marquantes, malgré la division de la partition en trois parties, respectivement intitulées Masque (celui d’un acteur Nô), Marionnette (où la voix du narrateur de théâtre Bunraku prédomine), Mantra (hommage aux moines bouddhistes où les musiciennes de l’ensemble instrumental récitent des extraits du Sutra du cœur).
Le concert s’était ouvert sur Zyklus pour percussion que Karlheinz Stockhausen (1928-2007) composa en 1959, œuvre de « forme ouverte », à l’instar de la Klavierstücke XI de 1956, et qui n’a ni début ni fin prédéterminés puisque l’interprète peut commencer et conclure là où bon lui semble et qu’il lui est permis d’omettre un certain nombre de séquences tandis que l’ordre des autres est laissé à son libre arbitre. Samuel Favre en a donné une interprétation solide mais a opté pour une version courte, dominée par les séquences en glissandi, de cette œuvre emblématique de l’histoire de la percussion.
Il convient de saluer la performance des musiciens de l’Ensemble Intercontemporain (1) qui se sont avérés concentrés et sûrs, sous la direction solide de Marco Angius.
Bruno Serrou
(1) On a appris ce soir-là que le successeur du directeur musical actuel de l’EIC, Susanna Mälkki, dont le mandat s’achève en juin 2013, aurait été pressenti en la personne du compositeur chef d’orchestre allemand Matthias Pintscher (né en 1971) dont le concert avec l’ensemble, le 15 décembre dernier (voir l’article publié dans ce blog le 16 décembre dernier), s’est avéré de très haute tenue.

Photos : DR

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