Centre Pompidou, Grande Salle, samedi 16 juin 2012
Répétition Centre Pompidou de Nôise d’Ondřej Adámek. Photo : (c) Ensemble Intercontemporain
L’Ensemble Intercontemporain, qui
a curieusement négligé la célébration de Philippe Manoury, pourtant l’un de ses
compositeurs emblématiques à qui ManiFeste 2012 a dédié l’essentiel de sa
programmation à l’occasion de ses 60 ans, a proposé en première partie de la
soirée de clôture de la première partie du festival (la seconde, qui s’achève
le 1er juillet, est exclusivement consacrée à la pédagogie) la
création mondiale d’une nouvelle partition de Roque Rivas (né en 1975), Assemblage pour piano, ensemble et
dispositif électronique.
Cette œuvre d’une vingtaine de
minutes dans laquelle le piano dialogue avec une formation de dix-huit musiciens
(deux flûtes, hautbois/cor anglais, clarinette, basson/contrebasson, deux cors,
trompette, trombone, trois percussionnistes, harpe, deux violons, alto,
violoncelle et contrebasse), le tout enrichi de l’électronique « live »,
est particulièrement séduisante. Si le compositeur chilien se refuse à utiliser
le terme concerto, il ne peut empêcher l’auditeur de percevoir cette partition
comme telle, d’autant que l’œuvre s’ouvre sur un grand solo du piano, remarquablement
tenu par Sébastien Vichard, environné de bruissements élémentaires, et que, à l’écoute,
il s’avère que chaque pupitre constitue un univers sonore en soi. Les
instruments produisent en effet individuellement leur touche personnelle en colorations,
sons, timbres, présence. S’il ne s’agit pas d’un concerto de soliste, nous
avons bel et bien affaire à un concerto grosso auquel l’informatique est conviée
à participer, apportant sa part de pigmentations et de vie à un entrelacs quasi
cellulaire qui, en s’amassant, constitue un véritable corps sonore. A ces
évidences qui s’imposent aux oreilles, s’ajoutent un plaisir charnel de l’écoute
et une poésie qui emporte l’auditeur au point que ce dernier cherche à retenir
le temps, qui s’écoule en fait beaucoup trop vite.
Composé en 2009-2010, et sans
atteindre la puissante originalité de la pièce du Chilien, Nôise d’Ondřej Adámek (né en 1979) est le fruit d’une résidence du compositeur
tchèque à Kyoto, au Japon, en 2007, dans le cadre de CulturesFrance. Comme le
suggère le titre, l’œuvre, qui réunit vingt-sept instrumentistes (8 bois, 7
cuivres, 3 percussionnistes, piano, harpe, 7 cordes) est à la fois hommage au
théâtre Nô, ses comédiens et ses instruments, et célébration du bruit/son
(Noise en anglais). Comme c’est souvent le cas avec Adámek, actuel compositeur
en résidence de l’Ensemble 2e2m, la partition est ludique, les instrumentistes
ayant à effectuer des gestes auxquels ils ne sont pas toujours familiarisés, et
à émettre des phonèmes et des cris néo-japonais, jeu dans lequel excelle
particulièrement Eric-Maria Couturier, qui exalte en outre de son violoncelle des
sons d’une chaleur souveraine. Mais au-delà du jeu, Nôise apparaît long et fastidieux, avec sa demi-heure sans progression
ni variations marquantes, malgré la division de la partition en trois parties,
respectivement intitulées Masque
(celui d’un acteur Nô), Marionnette (où
la voix du narrateur de théâtre Bunraku prédomine), Mantra (hommage aux moines bouddhistes où les musiciennes de l’ensemble
instrumental récitent des extraits du Sutra
du cœur).
Le concert s’était ouvert sur Zyklus pour percussion que Karlheinz
Stockhausen (1928-2007) composa en 1959, œuvre de « forme ouverte »,
à l’instar de la Klavierstücke XI de
1956, et qui n’a ni début ni fin prédéterminés puisque l’interprète peut commencer
et conclure là où bon lui semble et qu’il lui est permis d’omettre un certain
nombre de séquences tandis que l’ordre des autres est laissé à son libre
arbitre. Samuel Favre en a donné une interprétation solide mais a opté pour une
version courte, dominée par les séquences en glissandi, de cette œuvre emblématique de l’histoire de la
percussion.
Il convient de saluer la performance des
musiciens de l’Ensemble Intercontemporain (1) qui se sont avérés concentrés et
sûrs, sous la direction solide de Marco Angius.
Bruno Serrou
(1) On a appris ce soir-là que le successeur du
directeur musical actuel de l’EIC, Susanna Mälkki, dont le mandat s’achève en
juin 2013, aurait été pressenti en la personne du compositeur chef
d’orchestre allemand Matthias Pintscher (né en 1971) dont le concert avec l’ensemble,
le 15 décembre dernier (voir l’article publié dans ce blog le 16 décembre
dernier), s’est avéré de très haute tenue.
Photos : DR
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