Paris, Salle Favart, jeudi 28 juin 2012
C’est sur le dernier lever de
rideau des Pécheurs de perles de
Georges Bizet (1838-1875) que s’est achevé hier soir la saison 2011-2012 de
l’Opéra Comique de Paris. Moins original et puissant que Carmen, postérieur de onze ans, cet opéra en trois actes est l’un
des plus célèbres du compositeur. Créé le 30 septembre 1863 au Théâtre-Lyrique
à Paris - son auteur avait 25 ans -, il se fonde sur un livret pour le moins banal
d’Eugène Cormon et Michel Carré. L’action conte les amours, les rivalités et
les ambitions de deux pêcheurs de perles de l’île de Ceylan, Zurga, Nadir, du
grand-prêtre Nourabad, et de la séduisante prêtresse Leïla. Sept grands airs
ont forgé la renommée de la partition à l’orchestration subtile et aux mélodies
ensorceleuses, le duo Zurga-Nadir « C’est toi qu’enfin je revois »,
l’air de Nadir « Je crois entendre encore » et le duo Nadir-Leïla
avec chœur « Ô dieu Brahmâ » au premier acte, la cavatine de Leïla
« Me voilà seule dans la nuit » et la chanson de Nadir « De mon
amie, fleur endormie » de l’acte II, enfin le duo Leïla-Zurga « Je
frémis, je chancelle » et la scène avec chœur « Sombres
divinités » du troisième acte.
C’est avec un plaisir partagé,
malgré l’extrême chaleur qui enveloppait hier soir la salle Favart, que le
public parisien retrouvait cette œuvre de jeunesse de Bizet, plus présente en
région qu’à Paris – je me souviens cependant d’une production convaincante venue
de Bologne réalisée par Pier Luigi Pizzi et donnée au Théâtre du Châtelet en
1981 dans la version apocryphe de 1893. D’autant que ce qu’a proposé la salle
Favart s’est avéré fort digne. Côté distribution tout d’abord, le Nadir impeccable,
notamment par l’articulation et la musicalité, du ténor russe
Dmitry Korchak, qui a néanmoins montré ses limites techniques, surmontant
difficilement une tessiture globalement trop élevée pour lui. Le baryton
André Heyboer s’impose dans le rôle de Zurga par la puissance naturelle de
sa voix. Le Nourabad de Nicolas Testé
est noble et altier, comme doit l’être impérativement tout grand-prêtre. Seul
le registre aigu pourrait être plus franc et souple, la voix semblant parfois contrainte
par un médium trop dur. Mais la vraie perle de la soirée est la jeune soprano
bulgare Sonya Yoncheva, frêle et mobile silhouette au timbre de lumière et
à la projection parfaite. Non seulement la voix est agile et les aigus d’une
élasticité impressionnante, mais la cantatrice est aussi une ardente comédienne.
Le chœur Accentus est assez long à s’échauffer,
mais finit par convaincre peu à peu. Evitant l’orientalisme kitsch par trop
systématique dans cet ouvrage, Yoshi Oïda réalise un travail remarquablement
dépouillé, dans l’esprit de son maître Peter Brook, associant le réalisme de somptueux
costumes à une scénographie volontairement primitive mais dont la simplicité
est étonnamment contrariée par deux encombrants miroirs plantés de chaque côté de
la scène et qui renvoient des mouvements marins du fond de scène, et par des cintres
d’où pendent quelques carcasses de barques de pêcheur remuant dans les airs.
Cadre d’insupportables et envahissants ballets, le plateau couleur sable
incliné façon vague mis en lumière par un éclairage à dominante bleue, est bien
exploité par le metteur en scène nippon, qui donne à l’Inde et à ses rites un
tour japonisant.
Malgré des cuivres trop sonores
et pas toujours en place, surtout les cors, peu glorieux, l’Orchestre philharmonique
de Radio France répond volontiers aux sollicitations du chef britannique
Leo Hussain, qui déchaîne des sonorités parfois tonitruantes mais sait aussi
ménager des tensions judicieusement dramatiques.
Bruno Serrou
Photos : (c) Pierre Gribois / Opéra Comique de Paris
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire