Salle Pleyel, lundi 5 mars 2012
Bernard Haitink. Photo : DR
La Salle Pleyel aime de toute
évidence les symphonies de Beethoven, et son public s’en félicite de toute
évidence, tant les places sont disputées. Mais cette tradition est bien établie
à Paris puisque c’est au Conservatoire que, depuis son pupitre de premier
violon, François-Antoine Habeneck, fut le premier au monde à diriger et à
inscrire régulièrement au répertoire de son orchestre parisien l’intégrale des
symphonies du maître de Bonn. Commencé la saison dernière, le cycle des neuf
symphonies beethoveniennes de Bernard Haitink et de l’Orchestre de Chambre d’Europe
(Chamber Orchestra of Europe) s’est achevé hier sur les deux pages extrêmes du
genre, cela cinq mois après les derniers feux du cycle beethovénien de Riccardo
Chailly et de son Orchestre du Gewandhaus de Leipzig.
Ce répertoire est familier à
cette formation chambriste d’excellence créée en 1981 sous le parrainage de
Claudio Abbado, constituée de 57 musiciens, tous solistes ou membres d’autres
orchestres, venant de toute l’Europe et actuellement basée à Londres, qui l’a
notamment travaillé voilà plus de vingt ans et enregistré en 1990 sous la direction
avec le chef autrichien Nikolaus Harnoncourt, donnant alors un coup de vent
nouveau dans l’interprétation beethovénienne en retrouvant au plus près les
conditions originelles d’exécution avec des effectifs réduits jouant sur
instruments modernes avec des coups d’archet baroques, des trompettes
naturelles et des petites timbales à peau. Ce qui a séduit Haitink, qui a vu là
l’occasion d’une expérience inédite pour lui et de renouveler à 83 ans son approche
de la somme beethovenienne, loin des grandes phalanges symphoniques qu’il a dirigées
tout au long de sa vie, les Orchestres du Concertgebouw d’Amsterdam, de la Staatskapelle
de Dresde, Symphonique et Philharmonique de Londres, etc., avec lesquels il a
laissé plusieurs témoignages de l’évolution de sa vision des symphonies de
Beethoven.
Les impressions ressenties en
janvier 2011 se sont confirmées hier : manque de chair de la pate orchestrale
et de conviction dans la geste du chef hollandais. La Symphonie n° 1 en ut majeur op. 21 a été tirée de deux côtés opposés,
avec côté orchestre des sonorités étriquées, des couleurs ternes et manquant de
relief, tandis que le chef reniait les élans haydniens si prégnants ici, tirant
cette page de 1799 vers la maturité du compositeur, mettant un peu trop d’emphase
et de grandeur dans l’Adagio initial ,
dans l’Andante où le cantabile manquait de luminosité, et
dans l’Adagio introduisant le finale,
tandis que le Menuetto est apparu un
peu pesant, mais donnant dynamique et allant à l’Allegro conclusif. Dans la Neuvième
Symphonie, les textures se sont encore
avérées comprimées et filandreuses, d’autant plus que le timbalier s’est fait
pour le moins envahissant, placé côté cour derrière les seconds violons et
devant les bois et usant continuellement de ses baguettes dures (sauf dans l’Adagio) d’une frappe souvent peu nuancée.
S’il a été possible d’apprécier les réponses entre les pupitres et l’indubitable
virtuosité instrumentale (malgré de petites fautes de cors) grâce aux effectifs
réduits (12-10-8-6-4 cordes) et à leur disposition (premiers violons,
violoncelles (contrebasses derrière), altos, seconds violons), l’exécution est
apparue sans carnation, et seul le finale, malheureusement terni par une basse,
Hanno Müller-Brachmann, manquant de grave et au timbre peu séduisant – les
autres membres du quatuor vocal (Jessica Rivera, Karen Cargill et Roberto Sacca) étaient plus en phase –, mais le Grand Chœur de
la Radio néerlandaise, plus concentré que le Chœur de Radio France avec
Riccardo Chailly même si les ppp n’étaient
pas très précis, ont efficacement participé à l’apothéose finale de l’Hymne à la Joie baignée de lumière. Cette intégrale restera essentiellement
par la bouleversante Eroica entendue
en janvier 2011, l’une des plus belles versions qu’il ait été donné d’écouter
en concert… Un pur miracle.
Bruno Serrou
Concert accessible sur Arte Web live
Je me suis inscrit sur votre blog car j'ai toujours beaucoup de plaisir à lire les critiques musicales. J'ai été abonné des années à la défunte revue Répertoire. J'ai appris énormément de choses grâce à elle sur la musique en général.
RépondreSupprimerJe connais comme tout le monde les symphonies Harnoncourt/Beethoven mais je n'avais encore jamais eu l'occasion de voir cet orchestre de chambre en vrai, ni à la télé. J'ai de toute façon vu que deux concerts dans ma vie. L'orchestre national de France à Orange et celui plus modeste d'Avignon Provence en Avignon.
Merci pour le lien sur "Arte Web live". Un site que je connaissais pas. Ce concert est très bien filmé et j'ai particulièrement aimé cette neuvième symphonie n'ayant pas votre don d'écoute, ni votre finesse d'analyse. Je n'ose pas imaginer ce que devait être la Troisième symphonie.
Bien à vous
Alain