A 63 ans, Miklós Perényi est l’un
des grands violoncellistes de notre temps. Proche de Pablo Casals qui le prit
sous son aile alors qu’il avait 17 ans en l’invitant à ses cours de maître à
Zermatt et à Porto Rico, avant de se produire avec le violoncelliste catalan et
le pianiste autrichien Rudolf Serkin au Festival de Marlboro, le violoncelliste
hongrois enseigne depuis 1970 à l’Académie Franz Liszt de Budapest. Son immense
virtuosité est au service d’une ahurissante musicalité et exalte des sonorités
amples et incandescentes au nuancier subtil, ce qui lui permet d’exceller dans
tous les répertoires, du XVIIe siècle jusqu’à la création
contemporaine la plus téméraire. Ainsi, entre autres compositeurs, ses
compatriotes György Kurtág et, dernièrement, Péter Eötvös ont composé chacun pour
lui un concerto, le premier un Double
Concerto en 1990, le second un Concerto
grosso pour violoncelle et orchestre qu’il a créé à Berlin le 17 juin 2011 sous
la direction de son auteur avec l’Orchestre Philharmonique de Berlin. Le public parisien pourra le retrouver la
saison prochaine Salle Pleyel avec le même orchestre dirigé cette fois par
Simon Rattle dans le magnifique Concerto pour
violoncelle de Witold Lutoslawski (1).
L’œuvre centrale de son nouvel
enregistrement est la dernière des six Suites
pour violoncelle de Jean-Sébastien Bach, celle en ré majeur BWV1012 dont Perényi exalte les rythmes et les élans pour
en faire une grande suite festive de danses toutes plus chaleureuses et
brillantes les unes que les autres, suscitant un véritable bonheur pour les
sens. Le son généreux et brûlant du violoncelliste hongrois fait merveille dans
la troisième et dernière des Suites op.
87 que Benjamin Britten a composées en 1971 et dédiées à Mstislav
Rostropovitch. Le Hongrois magnifie le chant des huit mouvements brefs qui conduisent
à une impressionnante Passacaille (Lento solenne) qui occupe à elle seule
en durée la somme des pages qui la précèdent. Composés en 1948 et 1953, révisés
en 1979, l’année de la création officielle, les deux mouvements de la Sonate de György Ligeti plongent dans
les sombres années qui conduisirent les Hongrois à la révolte contre l’occupant
soviétique qui finit tragiquement dans le sang en 1956. Perényi, qui avait déjà
enregistré cette sonate pour Hungaroton en 1999, est ici à son meilleur, apportant
à chacun des mouvements une force impressionnante, jouant avec un naturel
stupéfiant, une perfection des attaques, une expressivité inouïe, donnant au Dialogo (Adagio, rubato, cantabile) au tour de musique populaire hongroise plus
proche de Kodály que de Bartók repris tour à tour sur les cordes de ré, de sol
et de la de l’instrument qui ouvre la sonate la tendresse d’un immense chant d’amour
aux accents de prélude de Bach, tandis que le Capriccio (Presto con slancio
– Vif avec élan) qui suit, plus proche de Bartók que de Kodály et que les
autorités soviétique jugèrent si moderne qu’elles en interdirent la diffusion à
la radio, est d’une grande virtuosité regardant vers les caprices pour violon
de Paganini. Un très beau disque de violoncelle d’un musicien exceptionnel qui
présente les diverses facettes de cet instrument d’une richesse et d’une
expressivité prodigieuses.
Bruno Serrou
CD ECM New Series 2152 476 4166 (Universal
Classics)
1) Mercredi 27 février 2013, 20h
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