Conçu comme complément de
l’exposition « Debussy, la musique et les arts » présentée par le
Musée d’Orsay au Musée de l’Orangerie dans l’enceinte du jardin des Tuileries
(1), exposition qui sera reprise dans la foulée au Bridgestone Museum de Tokyo (2),
l’« Album Debussy, le compositeur et ses interprètes » publié par
Aeon en coédition avec le Musée d’Orsay est d’un très vif intérêt. Non
seulement il compense une sérieuse défaillance de ladite exposition qui ne
montre guère du compositeur et de son œuvre, puisque, en dehors de Pelléas et Mélisande, du Prélude à l’après-midi d’un faune, de La Mer et du Martyr de saint
Sébastien, il ne se trouve que fort peu de partitions et moins encore
d’illustrations sonores pour ponctuer le parcours du visiteur dépourvu d'écouteurs.
En un coffret de trois CD, Aeon
répare amplement cette déficience en proposant une sélection d’enregistrements
réalisés entre 1904 et 1955 par divers labels discographiques, enregistrements qui
ont en fait la dimension d’incunables, puisqu’il s’agit de rien moins que de témoignages
des tout premiers interprètes de l’œuvre de Debussy, chanteurs, pianistes,
orchestres et chefs, rassemblés autour de quatre thématiques, chant et piano,
piano seul, orchestre, voix et orchestre dont des extraits de Pelléas et Mélisande captés entre 1904
et 1928. Un coffret-émotion qui s’ouvre sur une gravure de Green, cinquième des Ariettes
oubliées, par la soprano écossaise Mary Garden créatrice du rôle de
Mélisande en 1902 accompagnée au piano par Claude Debussy en personne, et se
conclut sur trois mélodies enregistrées en 1950 par le baryton français Gérard
Souzay. Beaucoup des musiciens qui ont forgé l’art d’interpréter Debussy et
sont entrés depuis longtemps dans la légende sont réunis, de Ninon Vallin à
Charles Panzera en passant par Claire Croiza, Jane Bathori, Irène Joachim, Hector
Dufranne, Marthe Nespoulos, Armand Narçon, Yvonne Brothier et Vanni-Marcoux
côté voix, Jane Bathori, Ivana Meedintiano, George Reeves, Jacqueline Bonneau, Ricardo
Viñes, Marcel Meyer et les
Russes Benno Moïsevitsch, Serge Rachmaninov et Arthur Rubinstein pour le piano,
Camille Chevillard, Walther Straram, Arturo Toscanini, Roger Désormière, Pierre
Monteux, Georges Truc, Piero Coppola, Gustav Cloëz, Louis Beydts et Edouard Lindenberg
côté chefs à la tête d’orchestres comme les Concerts Lamoureux, le NBC Symphony,
les Concerts Straram, la Philharmonie Tchèque, le Symphonique de Boston, les
Concerts Pasdeloup et la Société des Concerts du Conservatoire. Certes, ce
premier demi-siècle d’interprétation debussyste n’a pas toujours bénéficié de
qualités d’enregistrement à la hauteur des exigences d’une musique aux nuances d’une
exceptionnelle délicatesse, aux timbres veloutés, riche en plans sonores d’une variété
inouïe, d’une orchestration infiniment subtile, et s’il manque des documents
tout aussi indispensables mais plus aisément accessibles par ailleurs comme les
rouleaux gravés par Debussy, les enregistrements de Paderewski ou de Walter
Gieseking, tandis que les extraits de Pelléas
et Mélisande assemblent des enregistrements de années 1927-1928, soit
de treize ans antérieurs à la célèbre intégrale de Roger Désormière, l’essentiel est là. L’éditeur,
qui a nettoyé avec soin les diverses bandes utilisées des scories sonores et autres
craquements qui empêchent généralement de goûter pleinement les enregistrements
antérieurs à 1950, a réalisé un remarquable travail éditorial qui rend ce
coffret indispensable pour qui souhaite connaître l’évolution de l’art d’interpréter
la création de l’un des principaux initiateurs de la musique des XXe et XXIe
siècles, Claude Debussy.
Bruno Serrou
1) Jusqu’au 11 juin 2012. http://www.musee-orsay.fr.
2) Du 13 juillet au 14 octobre
2012
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