Paris. Maison de la Radio. Auditorium. Vendredi 16 février 2024
Les indéniables qualités du chef finlandais Mikko Franck, patron de l’Orchestre
Philharmonique de Radio France depuis neuf ans, ne pouvaient que trouver à
s’épanouir pleinement avec son orchestre dans la Symphonie en la mineur « Tragique » de Gustav Mahler. Et comme attendu, c’est
une somptueuse lecture de LA GRANDE VI du répertoire symphonique qui a été donnée
vendredi Auditorium de Radio France, dont ont également été témoins les
auditeurs de France Musique : un OPRF éclatant, virtuose à souhait
La Symphonie n° 6 en la mineur de 1903-1904 sous-titrée un temps « Tragique », est l’œuvre la plus personnelle de toutes celles que Gustav Mahler a écrites et qui constituent ensemble, étape par étape dans leur continuité, le reflet de toute une vie. Il s’agit aussi de la plus porteuse d’avenir bien qu’elle soit déployée dans le cadre le plus formel et conforme à la tradition symphonique classique de toute la création du compositeur austro-hongrois. En effet, elle sera à la source reconnue de la seconde Ecole de Vienne, dont les membres revendiquaient eux-mêmes la filiation, tout en se fondant dans la forme la plus strictement établie par la première Ecole viennoise. Cette Sixième Symphonie est la plus grande de toutes les Symphonie n° 6 du répertoire, la « Pastorale » de Beethoven inclue. Quoique moins complexe à réaliser et plus « populaire » que la VIIe Symphonie (1905), la VIe reste d’une extrême difficulté d’exécution et demande l’un des orchestres les plus fournis de tout le répertoire. Pourtant, en moins d’un mois, deux des grands orchestres parisiens l’ont programmée, l’Orchestre de Paris le 17 janvier dernier dirigé par le chef israélien Lahav Shani à la Philharmonie de Paris (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2024/01/lahav-shani-embrase-lorchestre-de-paris.html) et ce 16 février l’Orchestre Philharmonique de Radio France sous la conduite de son directeur musical finlandais, Mikko Franck Auditorium de la Maison de la Radio. Aussi je ne reviendrai pas ici sur la présentation de l’œuvre, que j’ai largement abordée sur ce site voilà quatre semaines.
Contrairement à Lahav Shani, qui avait fait précéder la Sixième de Mahler d'une partition de Mozart, le Concerto pour clarinette et orchestre, pour mieux insérer le second compositeur dans la tradition viennoise, comme le veut la coutume, généralement mis face à une symphonie de Joseph Haydn, Mikko Franck a choisi de donner seule la partition la plus dramatiquement prémonitoire de Mahler. Ce qui fascine dès l’abord de son exécution de l’œuvre, c’est la proximité du chef finlandais et des musiciens de son orchestre français ainsi que de leur public, un trinôme singulièrement uni voire intimement lié, mais aussi la gestique claire, sobre et directe du premier, sa façon de plonger le corps dans l’orchestre, avant de prendre du recul pour déployer une gestique ample et ouverte, de se tourner discrètement vers les spectateurs pour leur jeter subrepticement un regard en coin qui laisse percer un sourire complice, épanoui et gourmand, Mikko Franck obtenant sans avoir à insister un vaste nuancier, du pianississimo le plus éthéré jusqu’aux éclats d'une tellurique puissance. La complicité sereine chef/orchestre est claire, totale. Les musiciens du Philhar' jouent ainsi de façon apparemment sereine et décontractée tout en s’avérant d’une virtuosité, d’une unité, d’une vigilance et d’une écoute imparables. Seul léger hiatus, une certaine agressivité du rendu sonore des seules trompettes, dont le rôle est éminent dans cette Sixième Symphonie, plus encore que dans la Cinquième, ce qui clairement n’est pas du fait des instrumentistes mais une question d’acoustique de la salle… Outre la premier violon solo Ji Yoon Park, Alexandre Baty (première trompette) et Olivier Doise (premier hautbois), tous les pupitres solistes seraient à citer tant ils sont sollicités et se sont avérés remarquables, mais il convient aussi de leur associer l'ensemble des tuttistes, et il n’est malheureusement pas possible ici d’énumérer tous les noms des musiciens tant l’orchestre convié par Mahler est fourni (cinq flûtes dont trois piccolos, cinq hautbois dont trois cors anglais, cinq clarinettes dont une petite clarinette et une clarinette basse, cinq bassons dont un contrebasson, neuf cors, six trompettes, quatre trombones, un tuba, timbales, cinq percussionnistes - dont des cloches de vaches et un marteau -, deux harpes, célesta, cordes [16, 14, 12, 10, 8]).
… A propos de marteau… plusieurs
personnes ont été gênées pendant tout le concert par deux de leurs voisins qui
n’ont pas cessé de filmer avec leurs smartphones dans la seule perspective du
geste fatidique du bras du percussionniste chargé de donner les violents coups frappés
sur la grande caisse de résonance avec le volumineux marteau de bois utilisé
que deux fois mais hélas dans le seul quatrième mouvement, le premier coup n’intervenant
qu’après soixante-cinq minutes, c’est dire le temps passé par ce couple de spectateurs
d’âge mûr à épier trente secondes de musique et la longue perturbation qu’ils ont
suscitée autour d’eux avec la lumière de leur téléphone…
Bruno Serrou
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