mardi 6 février 2024

Brillante prestation de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse dirigé par Nathalie Stutzmann

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Lundi 6 février 2024  

Nathalie Stutzmann, Orchestre national du Capitole de Toulouse. Photo : (c) Romain Alcaraz

Venue lundi soir de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse à la Philharmonie de Paris dans un programme moins original qu’à l’époque de Tugan Sokhiev… Mais toujours aussi brillant que de coutume sous l’impulsion de la stimulante battue de Nathalie Stutzmann à l’écoute de ses deux jeunes et fusionnels solistes Veronika Eberle et Adrien La Marca dans la Symphonie concertante pour violon et alto de Wolfgang Amadeus Mozart, avant une poétique Symphonie n° 3 de Johannes Brahms et une bouillonnante ouverture de Tannhäuser, opéra de Richard Wagner dans lequel Nathalie Stutzmann a fait ses débuts l’été dernier au Festival de Bayreuth 

Nathalie Stutzmann, Orchestre national du Capitole de Toulouse. Photo : (c) Bruno Serrou

C’est un programme de répertoire qu’a proposé cette semaine l’Orchestre national du Capitole de Toulouse à la Philharmonie de Paris, salle dont il est un invité régulier. Voilà un peu moins d’un an (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2023/03/rayonnante-complicite-de-lorchestre.html), la phalange toulousaine était venue avec un programme slave dirigé par son ex-directeur musical, le chef russe Tugan Sokhiev, à qui il était lié par une véritable complicité, après dix-sept ans de collaboration. Cette fois, dirigée avec allant par une chef invitée, la Française Nathalie Stutzmann, l’ONCT s’est présenté avec un triptyque d’œuvres aux liens peu évidents si ce n’est qu’il permettait de mettre en valeur la musicalité des interprètes et les qualités intrinsèques de chacune des familles de l’orchestre, à l’exception de la percussion aux effectifs largement incomplets. Seule particularité de la soirée, une œuvre dans la première partie, deux dans la seconde, qui se terminait sur une ouverture.…

Nathalie Stutzmann, Veronika Eberle, Adrien La Marca, Orchestre national du Capitole de Toulouse. Photo : (c) Romain Alcaraz

Le traditionnel concerto de la première partie de concerts ouvrait la soirée. Mais un concerto de forme peu ordinaire, puisqu’il s’agissait en fait d’une symphonie concertante, il est vrai un pur chef-d’œuvre du genre, peut-être le sommet pour les deux instruments qu’elle réunit, violon, alto et orchestre en mi bémol majeur KV. 364/320d dans lequel Mozart hésite entre symphonie, concerto de soliste(s) et concerto grosso. Composée en 1779, l’œuvre est d’une durée inhabituelle pour une pièce concertante de Mozart, avec plus d’une demi-heure d’exécution, tandis que le compositeur indique que l’alto doit être « accordé un demi-ton plus haut », ce qui permet l’usage fréquent des cordes à vide et engendre des sonorités plus claires, plus tendues que de coutume pour cet instrument aux caractéristiques feutrées et ombrées. L’entente entre les deux solistes réunis par l’OCNT était quasi fusionnelle, tant la complicité et la complémentarité étaient totales entre les sonorités lumineuses de la violoniste bavaroise Veronika Eberle et la chaleur humaine de l’altiste provençal Adrien La Marca, tandis que l’Orchestre occitan leur sertissait un tapis luxuriant sous la direction attentive et sereine de la chef francilienne Nathalie Stutzmann. Les deux archets ont ensuite répondu aux ovations soutenues du public en lui offrant un court Duo de Béla Bartók.

Nathalie Stutzmann, Orchestre national du Capitole de Toulouse. Photo : (c) Romain Alcaraz

La seconde partie du concert a mis en regard deux grandes figures de la musique du XIXe siècle allemand qui, en leur temps, étaient les porte-étendards de clans plus ou moins violemment opposés, malgré les vingt années qui les séparaient, Johannes Brahms (1833-1897), soutenu par les « classiques » catalogués « réactionnaires », et Richard Wagner (1813-1883), le parangon de la modernité. C’est la plus fêtée des œuvres orchestrales de Brahms de son vivant qui était donnée, l’insouciante Symphonie n° 3 en fa majeur op. 90, seule œuvre que le compositeur hambourgeois ait écrite l’année de la mort de son aîné saxon jugée « malheureusement trop célèbre » par son auteur, mais curieusement devenue aujourd’hui la moins jouée des quatre partitions du genre laissées par Brahms. L’Orchestre national du Capitole de Toulouse sous l’impulsion claire et dynamique de Nathalie Stutzmann a insufflé à cette œuvre une vivacité enjouée soutenue par une rythmique solidement marquée, servie par les sonorités chatoyantes et sûres d’un orchestre d’une impressionnante homogénéité, où seul le troisième mouvement a marqué une légère baisse de tension.

Nathalie Stutzmann, Orchestre national du Capitole de Toulouse. Photo : (c) Bruno Serrou

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le concert se terminait sur une… ouverture… Celle du deuxième opéra composé par Richard Wagner accepté par ses héritiers sur le plateau et dans la « fosse mystique » du Festspielhaus de Bayreuth, Tannhäuser, et le tournoi des chanteurs à la Wartburg créé à l’Opéra de Dresde en 1845 et revu plusieurs fois jusqu’en 1865, pour sa première parisienne célébrée par Charles Baudelaire. Nathalie Stutzmann s’est illustrée l’été dernier en dirigeant cet ouvrage dans le saint des saints, le Festival de Bayreuth, avec un succès considérable. Et pour ceux qui n’ont pas été témoins de sa prestation, et ceux qui n’ont pas eu accès à la captation de la Radio Bavaroise, cette seule ouverture, avec un Orchestre du Capitole de Toulouse miroitant, a dit combien la chef française, ex-contralto, a d’affinité avec cette partition, au point que l’on eût apprécié qu’elle aille au-delà de la seule ouverture, en débordant sur la bacchanale qui la suit…

Bruno Serrou 

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