Annecy, Ve Annecy Classic
Festival, Cathédrale Saint-Pierre et église Sainte-Bernadette, mercredi 27 août
2014
Annecy, orgue de la cathédrale Saint-Pierre. Photo : (c) Bruno Serrou
Un
mois jour pour jour après l’avoir entendu dans le Triple Concerto pour violon, violoncelle, piano et orchestre de
Beethoven au Festival de La Roque d’Anthéron aux côtés de Vadim Repin, Nikolaï
Lugansky, Kazuki Yamada et l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2014_07_01_archive.html),
l’on retrouvait mercredi après-midi Alexander Kniazev, non pas avec son
violoncelle mais à la tribune de la cathédrale Saint-Pierre d’Annecy. Cette
dernière est pourvue d’un instrument conçu par le Vosgien Nicolas-Antoine Lété installé
dans un buffet en deux corps réalisé par les frères Gilardi d’Annecy inauguré
en 1842. Cet orgue a été agrandi en 1845 par le même Lété, facteur d’orgues du
roi des Français, puis en 1850 et 1861 par les facteurs lyonnais Beaucourt et Vögli,
restauré en 1887 par Merklin, classé monument historique en 1972, entièrement
reconstruit en 1992 par l’atelier Michel Giroud (Isère) et par l’ébéniste
Nillon (Ain). Le positif supprimé en 1887 fut alors rajouté. Doté de trois
claviers et de cinquante-sept jeux, l’instrument entièrement reconstruit et
ré-harmonisé a été inauguré en novembre 1994 par Louis Robillard.
Annecy. Les mains d'Alexander Kniazev jouant l'orgue de la cathédrale Saint-Pierre. Photo : (c) Bruno Serrou
Alexander Kniazev à l’orgue de la
Cathédrale Saint-Pierre d’Annecy
Troquant
son instrument de prédilection pour l’orgue de la cathédrale Saint-Pierre d’Annecy,
Alexander Kniazev a choisi d’y interpréter une œuvre monumentale conçue pour un
clavecin à deux claviers vers 1740 par Jean-Sébastien Bach, les Variations Goldberg BWV. 988, fondées
sur une aria empruntée selon la
légende par le cantor de Leipzig à son élève Johann Gottlieb Goldberg
(1727-1756) alors âgé d’une quinzaine d’années. Exposée d’entrée et reprise à
la fin de l’œuvre, l’aria donne lieu
à trente variations sur un ou deux claviers adoptant parfois les formes canon,
ouverture ou quodlibet, avant d’être
réexposée dans le final. Soumises à diverses adaptations, du piano à l’orchestre
et jusqu’à l’accordéon en passant par le trio à cordes et la guitare en duo,
les Variations Goldberg appartiennent
également et en toute logique aux organistes, comme l’attestent les enregistrements
de Jean Guillou ou Bernard Lagacé, entre autres. Cette œuvre d’un peu moins d’une
heure requiert à l’orgue près de quatre-vingt minutes d’exécution, ne serait-ce
qu’en raison des réglages des registrations entre chaque variation.
Annecy. Alexander Kniazev entouré de ses deux assistants à l'orgue de la cathédrale Saint-Pierre. Photo : (c) Yannick Perrin
Aidé de
deux assistants dans ses registrations, Alexander Kniazev a révélé dans dans son propre arrangement pour orgue des Goldberg la source des sonorités de son
violoncelle extraordinairement fruitées, amples, généreuses et bouillonnantes. Avec
un instrument que Kniazev juge « très français » apparemment réglé environ un demi-ton sous le diapason généralement
utilisé aujourd’hui, il a fallu à l’auditeur un temps d’adaptation pour goûter
pleinement l’interprétation lente et majestueuse mais colorée de Kniazev, qui n’a
fait heureusement aucun da capo, adaptation
aidée il est vrai par l’excellente initiative des organisateurs du Festival
Heures d’Orgue de la cathédrale Saint-Pierre, partenaire hier après-midi de l’Annecy
Classic Festival, qui consiste à diffuser sur écran géant planté à l’entrée du chœur
les images captées en direct par trois caméras fixées au-dessus des trois claviers
de l’orgue, sur le pédalier et à gauche de l’organiste qui permettent au public
de voir les mains et les pieds de l’interprète en train de jouer ainsi qu’une
partie de la partition, éléments habituellement cachés au profane et qui font
il est vrai partie de la mystique de la musique d’église. Malgré cette
diversion, le concert d’orgue a fini par sembler s’éterniser, malgré les
puissants moments à l’opulente registration de virtuosité organistique, et c’est
avec soulagement que l’on a entendu sonner la réexposition de l’aria de Goldberg qui conclut cette
partition emblématique du clavier de Bach…
L’impatience
du public a été d’autant plus grande que trente minutes à peine séparaient la
fin de ce récital du début du concert suivant, donné dans une autre église, à Sainte-Bernadette,
sise à deux kilomètres de la cathédrale.
Annecy. Annecy Classic Festival. Entrée du public en l'église Sainte-Bernadette. Photo : (c) Yannick Perrin
Soirée bel canto à Sainte-Bernadette
Œuvre
profane à haute teneur spirituelle, les Variations
Goldberg de Bach données en la cathédrale d’Annecy, ont été suivies dans un
autre lieu de culte, cette fois l’église Sainte-Bernadette, d’une soirée bel
canto, registre d’obédience profane. Même si chacun a au moins une partition d’inspiration
religieuse dans son catalogue, l’essentiel de la création des sept compositeurs
figurant au programme du second concert du jour, Mozart, Rossini, Donizetti,
Verdi, Bizet, Massenet et Puccini étant constitué d’ouvrages scéniques séculiers.
Trois jeunes chanteurs déjà en pleine possession de leur art et à la tête d’une
carrière largement plus que prometteuse, la soprano arménienne Lianna
Haroutounian, la mezzo-soprano française Géraldine Chauvet et le ténor vénézuélien
Aquiles Machado, formaient le suc de la soirée.
Annecy Classic Festival. Aquiles Machado (ténor). Photo : (c) Yannick Perrin
Si,
personnellement, je n’apprécie guère le genre, je dois reconnaître que je me
suis peu à peu laissé séduire par ce concert à trois chanteurs soutenus par un
orchestre symphonique enchaînant des morceaux de bravoure d’opéras qui n’ont
rien à voir entre eux, d’autant plus lorsqu’il s’agit de faire se succéder les
numéros de haute voltige par chacun des intervenants se succédant sur le
plateau avant de disparaître pour laisser la place au suivant, et ne jamais
chanter ensemble. Or, ce qui tient généralement davantage du numéro de cirque,
s’est révélé hier plus musical que de coutume. En raison peut-être de la
présence, derrière les chanteurs, d’un orchestre de tout premier plan, le
Philharmonique de Saint-Saint-Pétersbourg, à l’effectif de cordes il est vrai réduit
(8-6-4-3-1), et jouant seul, suivant le premier violon et les chefs de pupitres,
à défaut du chef de la soirée, Fayçal Karoui à qui Yuri Temirkanov a prêté son orchestre et qui brassait l’air à grands gestes façon policier réglant la circulation,
comme il a été possible d'en juger sitôt l’ouverture l’Italienne à Alger de Gioacchino Rossini avec
laquelle le concert a commencé. C’est à Aquiles Machado qu'est revenu le soin de lancer la soirée belcantiste,
avec l’air de Rodolfo « Oh! fede
negar potessi » dans Luisa
Miller de Giuseppe Verdi, air à la fois simple et suave que le ténor
vénézuélien a chanté en force, tout en révélant un réel potentiel.
Annecy Classic Festival. Lianna Haroutounian (soprano). Photo : (c) Yannick Perrin
Géraldine
Charvet lui a succédé dans la cavatine de Rosine « Una voce poco fa » extraite du second tableau du
troisième acte du Barbier de Séville
de Gioacchino Rossini dans laquelle la mezzo-soprano française a immédiatement
imposé son timbre de velours mais pas ses coloratures, qui sont restées trop
terrestres. Ce fut ensuite au tour de Lianna Haroutounian, qui, d’entrée, dans l’air
« Surta è la notte » extrait
du premier acte d’Ernani de Verdi où
se sont illustrées des Rosa Ponselle, Maria Callas ou Edita Gruberova, que la
soprano arménienne a chanté avec vaillance sans jamais forcer. Ce qu’elle ne
fera d’ailleurs jamais par la suite. Aquiles Machado est reparu pour chanter la
célébrissime romance de Nemorino extraite de la septième scène du second acte
de l’Elixir d’amour de Gaetano
Donizetti. Cette fois, le ténor vénézuélien s’est avéré plus sûr de lui et la
voix plus épanouie, et ne céda pas au larmoyant, piège dans lequel tombent trop
de ses semblables. Puis Géraldine Chauvet est revenue pour la sublime aria de Sextus avec clarinette obligée « Parto, parto, ma tu, ben mio » extraite
du premier acte de la Clémence de Titus,
ultime opéra de Mozart, dans laquelle elle a démontré le bien fondé du choix du
Metropolitan Opera de New York de la distribuer dans ce rôle où elle excelle de
toute évidence. Lianna Haroutounian a suivi son exemple en campant une touchante
et digne aria « Un bel di vedremo » du premier acte de Madame Butterfly de Giacomo Puccini.
Annecy Classic Festival. Géraldine Chauvet (mezzo-soprano) et Fayçal Karoui. Photo : (c) Yannick Perrin
Après
une fébrile ouverture de Carmen de Georges
Bizet, Géraldine Chauvet est intervenue la première en seconde partie de
concert, vêtue d’une robe-fourreau noire au bas évasé façon gitane ibère pour
chanter la Habanera de la même Carmen de Bizet au cours de laquelle
elle a pris le chef et la salle sous son aile en roulant des yeux énamourés.
Mais au-delà de ce côté aguicheur, sa seule voix eut suffi pour convaincre le
public de son aptitude à camper ce rôle à la scène. Aquiles Machado lui a
succédé dans l’air déchirant de Rodolfo « Che
gelida manina » extrait du
premier acte de la Bohème de Puccini où
il s’est imposé par son engagement et sa pure vocalité mais sans le velours et
le naturel d’un Luciano Pavarotti, qui excellait dans ce personnage. En
revanche, Lianna Haroutounian s’est avérée irréprochable dans le grand air d’Elizabeth
du cinquième acte de Don Carlos de
Verdi « Tu che la vanità »
où elle a imposé son long souffle, son timbre de braise, l’amplitude de sa
voix, son large nuancier riche en timbres et en harmoniques, son sens du drame
et sa musicalité.
Annecy Classic Festival. Aquiles Machado (ténor) et Lianna Haroutounian (soprano). Photo : (c) Yannick Perrin
Puis ce fut le retour d’Aquiles Machado pour le fameux air
dans lequel Werther évoque un poème d’Ossian « Pourquoi me réveiller, ô souffle du printemps ! » du
troisième acte de Werther de Jules
Massenet qu’il a interprété sans forcer, sa voix apparaissant fort bien adaptée
au rôle. Après l’Intermezzo sur
lequel Bizet introduit le quatrième acte de Carmen,
Géraldine Chauvet a chanté une voluptueuse Séguedille
de ce même opéra, avant un duo final confié à Lianna Haroutounian et à Aquiles
Machado dans un ardent « Teco io
osto… M’ami, m’ami » du deuxième
acte d’Un bal masqué de Verdi.
Annecy Classic Festival. Lianna Haroutounian (soprano), Aquiles Machado (ténor) et Géraldine Chauvet (mezzo-soprano). Photo : (c) Yannick Perrin
Il a fallu attendre le bis final, repris une
seconde fois, pour entendre enfin les trois chanteurs en trio, dans le brindisi du premier acte « Libiamo ne’ lieti calici »
de la Traviata de Verdi où il n’a
manqué que le chœur pour que la fête soit totale. A l’instar du trio vocal, les
musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg ont rayonné dans
ce finale, comme ils l’auront fait tout au long de la soirée, abstraction faite
de quelques brefs accrocs dans un petit nombre de passages solistes, applaudissant
avec force gestes démonstratifs leurs brillants partenaires d’un soir.
Le second concert a été retransmis
en direct sur Medici.tv, qui en propose le streaming pendant les trois mois qui
viennent (www.medici.tv/#!/annecy-classic-festival).
Bruno Serrou
What a wonderfull Evening !!
RépondreSupprimerIn my opinion the best Singer was the French Mezzosoprano
Geraldine CHAUVET .
Her Sesto's Aria "Parto, parto ....." was overwhelming !
And her Seguedilla from CARMEN was something so charming and exciting : now I do understand because Placido DOMINGO wanted Mlle CHAUVET as CARMEN in 2009 at the ARENA di VERONA ..... I think that nowadays she is the best CARMEN world wide !!!