Paris. Maison de la Radio. Auditorium. Vendredi 22 septembre 2023
L’air du large, les frimas
marins, de la Norvège à l’Espagne en passant par la France, tels ont été les fils
conducteurs du deuxième concert de la saison de l’Orchestre Philharmonique de
Radio France et de son directeur musical, le Finlandais Mikko Franck, avec en
soliste la pianiste allemande Alice Sara Ott, hôte de Radio France qui l’a mise
en résidence cette saison.
Un programme qui se situe dans la tradition des concerts symphoniques depuis leur codification au début du XIXe siècle : une ouverture, un concerto, un bis du soliste, une création, ce qui est l’une des missions de la Radio, et une page symphonique, qui n’ont pas obligation de liens ou d’esthétiques, si ce n’est ici les lumières hivernales, paradoxales en cette veillée de début de l’automne…
C’est avec une page non inscrite au programme que Mikko Franck a ouvert le programme en prélude du concerto de Grieg qui devait à l’origine occuper seul la première partie du concert. Le chef finlandais a ainsi préludé à cette œuvre phare du répertoire concertant pour piano par une pièce célèbre de son auteur, la Chanson de Solveig extraite de la musique de scène (troisième acte) qu’Edward Grieg composa en 1867-1875 pour le drame en cinq actes Peer Gynt de son ami et compatriote Henrik Ibsen qu’il introduisit dans la seconde Suite d’où le compositeur a exclu la voix qui, dans la pièce, chante notamment « les feuilles d’automne et les fruits de l’été, tout peut passer »… Après une interprétation de cette mélodie sans parole d’autant plus nostalgique et touchante que le chef finlandais l’a défaite de tout pathos, Alice Sara Ott a rejoint le Steinway installé au centre du plateau pour déployer le célébrissime Concerto pour piano et orchestre en la mineur op. 16 de Grieg composé en 1868 si souvent comparé et associé à celui de Robert Schumann de la même durée et de la même tonalité entendu deux jours plus tôt à la Philharmonie de Paris sous les doigts de Yefim Bronfman, avec le Bayrerisches Staatsorchester dirigé par Vladimir Jurowski (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2023/09/le-bayerisches-staatsorchester-celebre.html). La conception de la pianiste allemande pour le concerto du compositeur norvégien a à la fois souffert et bénéficié de caractéristiques d’interprétation comparables à celles de son confrère israélien dans la partition du compositeur allemand, une conception techniquement au cordeau, solide et sûre, mais un jeu sec et plane, une lecture froide et distante malgré les élans déterminés et insistants de Mikko Franck, particulièrement dans le mouvement initial, avec des saillies un peu trop tranchantes mais au demeurant restés sans effets. Alice Sara Ott s’est d’ailleurs contentée d’un seul bis d’une grande simplicité, la première Gymnopédie d’Erik Satie.
La seconde partie du concert débutait par la création mondiale d’une pièce pour grand orchestre d’une compositrice qui a actuellement le vent en poupe du côté des organisateurs de concerts, des institutions musicales et d’interprètes, Camille Pépin, élève entre autres de Thierry Escaich et de Guillaume Connesson. Cette fois, il s’est agi cette fois d’une commande de Radio France pour l’Orchestre Philharmonique, Inlandsis. Œuvre de moins d’un quart d’heure d’inspiration écologiste avec pour préoccupation centrale la fonte des glaces due au réchauffement climatique - sujet fort en vogue en ce moment, moins de deux semaines après la création mondiale Théâtre de La Monnaie de Bruxelles de l’excellent opéra à la même problématique Cassandra de Bernard Foccroulle (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2023/09/grande-reussite-de-cassandra-drame-de.html) -, dont la compositrice se propose de « faire entendre » la fonte des glaciers. Elle cherche à y restituet les craquements, la liquéfaction de la glace, la formation des crevasses, l’effondrement de la matière solide dans l’océan, la formation des icebergs, le tout à l’aide de grands accords en blocs plus ou moins figés par de longues tenues de cors et de cordes graves, et des formules et des modes de jeux répétés à foison toute la pièce durant suggérant l’immobilité relative des moraines qui se dissolvent peu ou prou...
La Trilogie des Nocturnes pour orchestre de Claude Debussy clôturait le programme de la soirée. Profitant
de la présence du chœur professionnel permanent de Radio France, les
orchestres de la maison ronde sont quasi les seuls à donner régulièrement la totalité du
cycle, la majeure partie des formations symphoniques se limitant généralement
des deux premiers volets du triptyque composé en 1897-1899, Nuages et Fêtes, faisant donc abstraction de Sirènes. Mikko Franck et l’Orchestre Philharmonique de Radio France
ont brillé par l’aisance du jeu et la souplesse des textures, ne craignant pas néanmoins
de prendre le risque du brouillage dans les passages les plus puissants des
deux premiers volets, mais se faisant poétiques dans les pages oniriques, particulièrement
dans le finale aux effets malheureusement affaiblis par un chœur de femmes
manquant d’homogénéité et au nuancier invariablement situé au-delà de forte…
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