Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Vendredi 8 septembre 2023
Le public parisien a beaucoup de chance. En moins d’une semaine, la Philharmonie
de Paris lui a proposé deux des plus grandes phalanges symphonique du monde, l’étalon
mondial qu’est le Philharmonique de Berlin et la plus fabuleuse du continent
américain, le Boston Symphony Orchestra, sans doute le plus européen des orchestres
étatsuniens. Tous deux mis en résonance dans l’intervalle avec l’Orchestre de
Paris, qui confirme sa place parmi les plus grandes phalanges du monde…
Vendredi soir à la Philharmonie de
Paris, conformément à sa réputation, la formation du Massachussetts a offert une
prestation de virtuose infaillible sous la direction détendue mais ferme de son
directeur musical Andris Nelsons, chef à la carrure si impressionnante qu’elle
lui permet presque d’être seulement présent et d’être ainsi particulièrement économe
dans ses mouvements, le geste sobre, respirant large et souple, dans un
programme d’esprit très étatsunien qui s’est imposé dès la première page du
programme. Une pièce amphigourique et monstrueusement surchargée façon musique
d’un mauvais film de série B signée Carlos Simon, compositeur afro-américain né
en 1986 couvert d’Awards de toutes sortes façon médailles de généraux russes
dont la partition, commande du BSO qui l’a créée le 9 février dernier, n’a de
danses que le titre, Four Black American
Dances, en fait quatre mouvements de symphonie dont les douze minutes sont
une éternité bruyante et creuse.
Autre œuvre née aux Etats-Unis, cette fois infiniment plus significative, le Concerto en fa majeur pour piano et orchestre de George Gershwin. Créée le 3 décembre 1925 par le compositeur au piano et le New York Symphony Orchestra dirigé par Walter Damrosch, cette œuvre de plus d’une demie heure, est moins courue que la Rhapsody in Blue de 1924 avec piano obligé. Malgré la référence au jazz et son matériau thématique, facilement mémorisable et typiquement nord-américain inscrits dans l’ADN du compositeur, ce dernier se fond volontairement dans le moule traditionnel du concerto classique en trois mouvements de structure vif-lent-vif, la partie centrale étant un Andante élaboré selon la forme thème et variations. L’œuvre est mue par un puissant groove vaillamment mené par le Boston Symphony, qui chante dans son jardin, dialoguant vaillamment avec le pianiste français plus présent aux Etats-Unis qu’en France, Jean-Yves Thibaudet, élégant, simple et chantant de façon un brin distant avec un orchestre aux couleurs vif-argent, swinguant avec un plaisir communicatif.
Mais le meilleur était à la fin avec l'épique Symphonie n° 5 en si bémol majeur op. 100 d'un compositeur très présent dans les programmes des orchestres nord-américains, Serge Prokofiev, oeuvre de guerre conçue pendant l'été 1944 et créée à Moscou le 13 javier 1945, d’une virtuosité singulière, bondissante, colorée, jouée avec un brio exceptionnel par un orchestre de braise à la rythmique d’airain, avec des pupitres solistes remarquables (bois, cuivres, percussion), et avec une assise grave consistante fondée sur treize altos, onze violoncelles et neuf contrebasses. Sonnant fier et moelleux (cordes disposées selon la formule premiers et seconds violons, altos et violoncelles, contrebasses dans le prolongement des altos et des violoncelles, première trompette et premier trombone fidèles à la réputation des cuivres américains d’une sûreté ahurissante, confortant ainsi la légendaire réputation d’aplomb et de lustre des musiciens d’orchestres nord-américains, y compris dans les attaques les plus hardies toujours d’une époustouflante homogénéité, autant dans la cohésion d’ensemble du groupe que pour chacun des pupitres solistes, avec de remarquables individualités comme le corniste Richard Sebring, ou le trompettiste Thomas Rolfs, mais aussi le tromboniste Toby Oft, le tubiste Mike Roylance, la piccolo Cynthia Meyers, le hautboïste John Ferrillo, le cor anglais Robert Sheena, le clarinettiste William R. Hudgins, le bassoniste Richard Svoboda, le violoniste Alexander Velinzon, l’altiste Steven Ansell, le violoncelliste Blaise Déjardin. Le Boston Symphony Orchestra a ainsi confirmé samedi combien l’entente avec le chef letton Andris Nelsons, son directeur musical depuis neuf ans qui occupe les mêmes fonctions au Gewandhaus de Leipzig, est totale.
Bruno Serrou
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