Paris. La Scala Paris. Grande Salle. Mardi 18 avril 2023
C’est un dense, onirique, touchant spectacle de quatre-vingt minutes qui passent à la vitesse d’un ouragan que présente La Scala Paris (1), Weber à Vif. Le comédien, scénariste et réalisateur Jacques Weber, qui en est à la fois l’acteur et l’auteur, s’y rit de son propre cabotinage et de sa vie de saltimbanque dans un trilogue avec deux excellents musiciens créateurs improvisant de façon délectable et épicée sur leurs instruments à anches respectifs, Pascal Contet à l’accordéon) et Greg Zlap à l’harmonica, tandis que Jacques Weber, en extraordinaire diseur vieillissant, joue de sa voix au timbre puissant et coloré légèrement grippée mardi soir. Il y imite brillamment d’illustres aînés, Louis Jouvet, Louis Seigner, Raymond Devos, Georges Brassens, vivant des poèmes de Victor Hugo, La Fontaine, des alexandrins de Pierre Corneille, incarnant avec infiniment de naturel et de vérité les textes qu’il a sélectionnés avec soin signés Antonin Artaud, Paul Claudel, Georges Courteline, Marguerite Duras, Gustave Flaubert, Vladimir Maïakovski, Edmond Rostand, Tom Stoppard, Anton Tchekhov, de l’artiste peintre mexicaine Frida Kahlo, ainsi que quelques-unes de ses propres créations, renvoyant en miroir jeunes et vieux, sa narration couvrant le cycle entier de sa propre carrière, depuis ses rêves d’adolescent jusqu’à son état de septuagénaire qui se projette centenaire…
Aimant se produire seul sur scène pour
partager directement avec le public son enthousiasme et ses coups de foudre pour
les grands textes littéraires, l’incandescent Jacques Weber apprécie la musique
dont il s’avère sur scène être un vrai connaisseur, sa rencontre avec l’accordéoniste
Pascal Contet - qui obtient des colorations d’orgue de son instrument -, qui a
inspiré plus de trois cents œuvres nouvelles à une armée de compositeurs
contemporains, également improvisateur de talent, puis sa découverte de l’harmoniciste
Greg Zlap au cours d’un concert de Johnny Hallyday, lui ont judicieusement donné
l’idée de créer un spectacle en trio associant la musique des mots et celle des
notes. Autour de deux tables fortement éclairées disposées à cour et à jardin, les
deux musiciens s’intègrent avec naturel et un plaisir communicatif au discours
du comédien, qui leur donne le loisir de s’exprimer librement, en sa présence
comme en son absence, ne limitant pas leur jeu aux respirations du spectacle
mais en en faisant d’authentiques protagonistes, qui suscitent une véritable
dramaturgie avec leur ample nuancier expressif et coloriste, se faisant tout
autant partenaires que commentateurs, initiateurs, scénographes du dessein de
Jacques Weber.
Espiègle, malicieux, grave, chaleureux,
accorte, plein de verve et de panache, Jacques Weber ponctue, digresse, intègre
dans les grands textes qu’il a sélectionnés des anecdotes vécues au théâtre, au
cinéma et jusque sur les plateaux d’opéra, chantant vaillamment Beethoven ou
sur les improvisations de ses deux comparses, et surtout Don Giovanni de Mozart tout
en contant son expérience de jeune figurant au Festival d’Aix-en-Provence où le
ténor péruvien Luigi Alva chantait le rôle de Don Ottavio, tout en écoutant, emperruqué
et costumé, sur son transistor discrètement accroché à son cou la retransmission
de la finale de la Coupe du monde de football, écouteurs aux oreilles.
Bruno Serrou
1) La Scala Paris jusqu’au 26
avril 2023. Représentations à Avignon, La Scala Provence, le 25 mai 2023, puis
du 7 au 29 juillet dans le cadre du Festival d’Avignon 2023
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