Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Jeudi 6 avril 2023
Concert émotion à la Philharmonie de
Paris ce jeudi soir avec comme invité de l’Orchestre de Paris le grand chef de
95 ans Herbert Blomstedt dans un programme réunissant l’alpha et l’oméga des symphonies
de Franz Schubert, la Première de
1813 et la Neuvième de 1825-1826. Herbert
Blomstedt a dirigé assis, marchant lentement entre les coulisses et le centre
du plateau, soutenu à l’entrée par Eiichi Chijiiwa, premier violon, et aux
saluts par Jiyoon Park, premier violon solo invitée.
Composée par un adolescent de seize ans, la Symphonie n° 1 en ré majeur D. 82 faisait sa deuxième apparition à l’affiche de l’Orchestre de Paris en cinquante-six ans d’existence, son entrée au répertoire de la formation ayant eu lieu en 1979 sous la direction de Sylvain Cambreling. Schubert, qui eut le plus grand mal à arriver au bout de sa partition, n’avait alors comme expérience en la matière que deux essais inaboutis, et de trois ouvertures de concert en 1811-1812 alors qu’il était l’élève d’Antonio Salieri. L’on y retrouve des influences de Haydn, Mozart et Beethoven, à commencer par l’introduction lente avant l’Allegro initial, mais l’on y perçoit surtout la véritable personnalité de Schubert, particulièrement son sens mélodique et la reprise du second thème du premier mouvement dans le dernier, son style harmonique, ses couleurs instrumentales, avec la primauté des instruments à vent sur les cordes.
Connue sous le nom de « Grande Symphonie en ut », datée de mars 1828, composée à un âge où Beethoven écrivait sa Première Symphonie, la Symphonie n° 9 en ut majeur D 944 a été composée en 1825-1826 et créée onze ans après la mort de son auteur, le 21 mars 1839 à Leipzig par l’Orchestre du Gewandhaus sous la direction de Felix Mendelssohn-Bartholdy. En effet, bien que commandée par la Société des amis de la musique de Vienne, qui en avait financé et réalisé le matériel d’orchestre, elle n’y avait jamais été programmée. Cette dernière symphonie de Schubert complète, sa durée frise l’heure si toutes les reprises sont effectivement réalisées, Robert Schumann évoquant à ce propos la « divine longueur » de l’œuvre, formule qui renvoie à l’« ampleur céleste comparable à celle d’« un épais roman de Jean Paul en quatre volumes », comme l'écrit le musicologue Paul-Gilbert Langevin.
Le vieux maître suédois Herbert
Blomstedt a dirigé avec des petits gestes fermes et précis, montrant parfois le
poing. La Première avec une fraîcheur
séduisante et un onirisme lumineux et touchant, la Neuvième par cœur, lui instillant une énergie saisissante tout en
laissant néanmoins s’épanouir avec bonheur un chant au lyrisme intense typiquement
schubertien. Les trois trombones, impressionnants, en accord avec l’importance
du rôle que Schubert leur attribue, étaient depuis mon siège un rien trop forts,
peut-être trop proches du mur du fond de plateau, au point de renvoyer à la
recommandation de Richard Strauss aux jeunes chefs d’orchestre : « Ne
regarde jamais les trombones, cela ne ferait que les encourager »… Ovation
debout à la fin, comme une offrande en guise d’adieu pour remercier un artiste
qui aura su enthousiasmer son public pendant plus de soixante-dix ans de
carrière.
Bruno Serrou
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