Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Mercredi 26 avril 2023
La Messa da requiem de Giuseppe Verdi est l’œuvre d’inspiration liturgique la plus populaire dans le monde. Il faut dire qu’elle tient davantage de l’opéra que de la spiritualité pure.
La théâtralité tragique de ce Requiem tient
non seulement à la personnalité de Verdi, qui était loin d’être un dévot, mais
surtout au fait que le compositeur lombard a eu l’idée de cette œuvre à la mort
de Gioacchino Rossini, autre maître de l’opéra italien, survenue le 13 novembre
1868 qui le marqua profondément. Verdi eut alors l’idée d’un requiem collectif
dont il s’attribua le Libera me. L’œuvre fut écrite mais jamais exécutée.
Verdi récupéra sa partie, et l’intégra naturellement à sa Messa da requiem qu’il entreprit à la mort de son ami écrivain Alessandro
Manzoni survenue le 22 mai 1873. La partition, qui suit la liturgie de la messe des
morts en sept parties mais dont l’élément le plus développé est la séquence du Dies irae qui se déploie en dix numéros
enchaînés, sera créée le jour-même du premier anniversaire de la disparition de
son inspirateur en l’église Saint-Marc de Milan sous la direction de son auteur.
L’Orchestre de Paris… Le Requiem de Verdi… Ma mémoire garde de ces deux entités l’un de ses plus précieux souvenirs… C’était un jeudi de juin 1971… L’Orchestre de Paris, qui avait moins de quatre ans d'existence, se produisait à l’époque Théâtre des Champs-Elysées. Ce fut un choc véitable ! Je ne connaissais jusqu’alors cette œuvre emblématique que par l’enregistrement de Carlo Maria Giulini, aujourd’hui légendaire… Il faut dire qu’à cette époque-là, pour le wagnero-mahlero-strausso-stravinskien que j’étais, Verdi n’était pas ma tasse de thé… Mais le quatuor, que dis-je, le quintette réuni autour de Herbert von Karajan reste à cinquante-deux ans de distance inégalé : Mirella Freni, Christa Ludwig, Carlo Cossuta, Nicolaï Ghiaurov et surtout le fabuleux chœur du Singverein de Vienne dont Karajan était alors le patron…
Ainsi, est-ce toujours avec ces
références en tête que j’écoute chaque exécution de cette œuvre majeure. Cette
fois, même si les tensions dramatiques se sont avérées moins saisissantes et
contrastées, il convient de saluer l’énergie de la conception de Jaap van
Zweden, actuel directeur musical des Orchestre Philharmoniques de New York (Etats-Unis)
et de Hong-Kong (Chine) qui a donné à l’œuvre une impulsion nuancée un rien
introvertie, sans effet d’aucune sorte, jamais alanguie ni ampoulée, mais à
laquelle on eût apprécié un peu plus d’engagement. L’Orchestre de Paris, qui n’avait
pas donné l’œuvre depuis sept ans, a brillé de tous ses éclats, même si l’on
peut regretter une spatialisation plus marquée des trompettes dans le Dies irae. Dirigé par Marc
Korovitch, le Chœur de l’Orchestre de Paris s’est avéré être à la hauteur de la
phalange dont il est l’émanation, tant il a excellé par une densité, une
cohésion, une musicalité qui disent combien cette œuvre qu’il avait choisie pour
célébrer ses quarante ans en 2007 lui convient. Son engagement, sa cohésion ont
porté l’exécution de la Messa da requiem au même titre que la
phalange symphonique à laquelle il est attaché. Les deux entités réunies ont
excellé dans les fugues extraordinaires dont Verdi a le secret.
Le quatuor de solistes a été moins homogène. A l’exception notable du chant moiré de la mezzo-soprano française Aude Extrémo à la voix chaude et égale, ses partenaires ont été lents à échauffer leurs voix. Après un long moment, le ténor texan René Barbera a fini par imposer peu à peu un timbre généreux, ne forçant à aucun moment sa voix, tandis que la basse française Jean Teitgen ne m’a pas pleinement convaincu en raison d’un timbre instable. Reste la soprano sud-africaine Elza van den Heever entendue l'automne dernier dans Salomé à l'Opéra de Paris, chant, long, fluide, voix au grain malléable mais trop clair, et à l’ampleur parfaitement maîtrisée de son nuancier, franchissent aisément les puissantes saillies de l’orchestre, mais les légères défaillances dans les passages éthérés ont perturbé l’écoute, principalement dans le morceau de bravoure qu’est le Libera me final.
Bruno Serrou
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