Premier violon solo de
l’Orchestre National de France, sœur de son alter ego de l’Orchestre de Chambre
de Paris, Déborah Nemtanu, toutes deux filles du grand professeur de violon Vladimir
Nemtanu dont elles ont été les élèves, née à Bordeaux et d’origine roumaine,
Sarah Nemtanu s’est associée à l'excellent pianiste Romain Descharmes pour un captivant programme
franco roumain autour de la figure tutélaire du plus célèbre des compositeurs
roumains ayant travaillé en France, George Enescu, violoniste, chef d'orchestre et pédagogue de renom.
Ce n’est pas de la musique pour
être jouée par les enfants, ni peut-être même écoutée par ces derniers sans une oreille déjà forgée, du
moins s’ils ne sont pas encore aguerris à l’écoute d’œuvres exigeant une
certaine préparation, malgré de brefs moments dans la suite de George Enescu,
mais le bonheur de l’écoute est total, chaque page suscitant un bonheur
constant, jouée avec une grâce et une luminosité naturelles empreintes de
nostalgie, de tendresse, de félicité, de plénitude, le tout magnifié par le
piano aux sonorités enchanteresses de Romain Descharmes.
Le texte d’introduction de Sarah
Nemtanu de la pochette du disque touche par sa sincérité, son côté d’intime
confession d’œuvres qui ont bercé son enfance. Cet album explore en effet ses
doubles racines, roumaines et françaises. Consacré à George Enescu (1881-1957),
Claude Debussy (1862-1918), qui, en plein premier conflit mondial, entend
donner ici une réponse à la sonate de type germanique en puisant dans
l’héritage de la sonate à la française venu de Couperin et de Rameau pour sa
sonate qui est créée par Gaston Poulet (le père du maître de Sarah Nemtanu) au
violon et Debussy au piano le 5 mai 1917 , Maurice Ravel (1875-1937), qu’Enescu
créa à Paris avec l’auteur le 30 mai 1937, Eugène Ysaÿe (1858-1931) et Nino Rota
(1911-1979), elle retourne à ses sources héritées des deux maîtres, son père et
Gérard Poulet, mais aussi de son partenariat de plus de vingt ans avec le
pianiste Romain Descharmes avec qui elle joue depuis plus de cinq lustres la Sonate de Debussy.
La suite de dix pièces de
longueurs diverses (de 25 secondes à 3 minutes 37) Impressions d’enfance op. 28
(1940) d’Enescu dont la chronologie des pièces suit le déroulé d’une journée,
du lever du soleil à la fin de la nuit suivante, et dont la création a été
donnée à Bucarest le 22 février 1942 par le compositeur et son compatriote Dinu
Lipatti au piano, son virevoltant Impromptu
concertant en sol bémol majeur de 1903, les célèbres Sonates de Debussy et de Ravel évoquées plus haut, complétés par
les harmonies féerique de Rêve d’enfant en
la bémol majeur op. 14 qu’Ysaÿe dédia en 1901 au deuxième de ses enfants, Antoine,
enfin Improvviso (un diavolo sentimentale) que Rota composa en 1969 tandis qu’il
travaillait sur la musique du film Fellini
Satyricon, œuvres qui, comme l’écrit Sarah Nemtanu, se présentent ici « comme
un rêve de construire un chapiteau géant qui envelopperait toutes les malices,
les joies, les peurs, les rêves, souvenirs naïfs, bref, les plus belles
impressions de nos enfances... » Un disque magnifique, riche et
bouleversant dans sa structure et dans le jeu des deux musiciens qui sont de
véritables acolytes et qui chantent dans le même jardin d’enfance empli de
mystères et de magies sonores.
1 CD Alpha Classics ALPH834. Durée : 1h 08mn 48s. Enregistré à
Montreuil en février 2021. DDD
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