Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Lundi 27 mars 2023
En à peine plus de trois ans, Alexandre
Kantorow serait-il déjà devenu la coqueluche du public parisien ? A en
juger de l’accueil que lui a réservé la Philharmonie lundi 27 mars 2023, la
réponse est plus que positive. Une Salle Pierre Boulez pleine comme un œuf,
ovationnant à tout rompre le jeune homme de vingt-cinq ans, digne fils de son
père violoniste et chef d’orchestre Jean-Jacques Kantorow, l’atteste
indubitablement.
Il faut dire que son récital a été impressionnant, un véritable envoutement sonore et une ensorceleuse poésie dans un programme intelligemment pensé dans lequel son jeu et sa virtuosité naturelle lui ont permis d’exprimer avec une infinie variété de ductiles nuances et des couleurs au spectre large et surnaturel, suscitant une véritable alchimie de musicalité magnifiée par une technique étourdissante. Ainsi servies, les œuvres du programme ont dégagé une grande humanité. Interprété avec élégance et un sens des nuances saisissant, magnifié par un touché aérien et coloré des doigts de magicien du jeune pianiste français de 25 ans vainqueur à l’unanimité de l’exigeant Concours Tchaïkovski 2019, l’émotion a été à son comble, motivant une écoute quasi religieuse interrompue néanmoins par quelques applaudissements intempestifs entre les mouvements.
Deux grandes partitions en ut majeur avec au centre quatre lieder dans des arrangements pour piano couvrant période 1816-1853… Tout d’abord la Sonate n° 1 en ut majeur op. 1 composée en 1853 par Johannes Brahms qui a atteint sous les doigts magnétiques d’Alexandre Kantorow une profondeur impressionnante au service d’une tension dramatique ahurissante, suivie après l’entracte de quatre lieder (Der Wanderer, Der Müller und der Bach, Frühlingsglaube, Die Stadt et Am Meer) de Schubert au chant souverain dans les admirables arrangements pour piano seul de Franz Liszt, Der Wanderer annonçant l’athlétique Wanderer Fantasie pour piano en ut majeur D. 760 que le même Schubert a composée en 1822 et qui, sous les doigts d’Alexandre Kantorow, devient une véritable invitation au voyage truffée d’obstacles surmontés avec panache par le pianiste.
Ce programme bien pensé aura été malheureusement trop court, avec moins de quatre-vingt minutes. Tant et si bien que, certainement conscient de cette brièveté, Alexandre Kantorow n’a pas été avare de bis, au nombre de quatre, gonflant le minutage de vingt-cinq minutes en prolongeant le caractère poignant de la fantaisie schubertienne par quatre réductions pour piano, commençant par la Valse triste de Jean Sibelius arrangée par deux Hongrois, le compositeur violoniste Franz von Vecsey (1893-1935) et le pianiste György Cziffra (1921-1994), poursuivant avec le lied Ständchen (Sérénade) D. 957 de Franz Schubert arrangé par Franz Liszt joué avec un iPad sur le pupitre, puis le Rondo de Mozart Alla Turka arrangé par le pianiste russe Arcadi Volodos, enfin la Litanie « Am Tage Aller Seelen » (« Pour la Fête de Toutes les Âmes ») D. 343 de Schubert dans la version pour piano de Liszt.
Bruno Serrou
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