Paris, Philharmonie 1, mercredi 14 octobre 2015
« Les deux merveilles du
monde sont la Bible et la musique de Mozart, et une troisième (naturellement),
l’amour » constatait le peintre Marc Chagall (1887-1985) à qui la Philharmonie
de Paris et le Musée de la Piscine de Roubaix (Nord) consacrent simultanément
une grande rétrospective à travers son amour de la musique. A l’instar d’un
Gustav Klimt, d’un Vassili Kandinsky ou d’un Paul Klee pour ne citer que ces
trois peintres, l’immense artiste russe nourrissait un amour aussi puissant que
constant pour la musique. Celle-ci lui a d’ailleurs magistralement rendu
la pareille en lui faisant côtoyer compositeurs, musiciens, danseurs parmi les
plus grands de son temps et du passé qu’il fréquenta tout au long de sa vie.
Marc Chagall (1887-1985), le plafond de l'Opéra de Paris pour la première fois assemblé au sol du hangar de Meudon en 1964. ©ADAGP, Paris, 2015 - CHAGALL ®
Dès son époque russe, Marc
Chagall s’est plu à peindre pour le théâtre juif qui lui inspira des tableaux
surréalistes et ludiques aux couleurs chatoyantes avec ses musiciens, danseurs,
prestidigitateurs, jongleurs, clowns, diseuses de bonne aventure. Mais
l’exposition présentée à la Philharmonie, remarquablement réalisée par la
conservateur Ambre Gauthier et mise en musique par Mikhaïl Rudy, présente l’art
de Chagall à rebours de sa création, commençant par la dernière période avec l’immense
plafond de l’Opéra Garnier à Paris inauguré en 1964 à la suite d’une commande
en 1962 d'André Malraux alors ministre de la Culture du
général Charles de Gaulle qui suscita en son temps une violente controverse -
et qui continue encore aujourd’hui à le faire, près d’un demi-siècle plus tard (souvenons-nous de cette panne de secteur à Garnier le soir de la première d'Hercule de Haendel durant laquelle Hugues Gall, alors directeur de l'Opéra de Paris, invita les spectateurs à regarder "cet horrible plafond de Chagall éclairé par les lumières de secours et d'en profiter pour saisir combien ces tâches de couleurs nuisent à la beauté du lieu", en attendant que le spectacle commence) -, et se termine sur les années 1917-1924, en pleine Révolution bolchévique qui
ouvrit la Russie aux modes d’expression artistiques les plus avant-gardistes
avant que la mort de Lénine débouche sur la longue période d’obscurantisme
stalinien qui incita Chagall à l’exil. C’est à un autre exilé, maître de
l’avant-garde musicale, que Chagall reste également attaché, le compositeur Arnold
Schönberg, peintre lui aussi. Bien que toute allusion à cette rencontre soit absente
de toute référence au sein de cette exposition partagée entre la Philharmonie
de Paris et La Piscine de Roubaix, il convient de se rappeler que lorsque Schönberg,
sur le chemin de l’exil aux Etats-Unis, retourna au judaïsme le 24 juillet 1933
à la synagogue de la rue Copernic à Paris, l’un de ses deux témoins ne fut autre
que Marc Chagall…
Marc Chagall (1887-1985), Izis-Chagall travaillant aux panneaux du Metropolitan Opera de New York Le Triomphe de la musique, atelier des Gobelins, 1966. ©ADAGP, Paris, 2015 - CHAGALL ®
Dans son autobiographie, Chagall
évoque l’omniprésence de la musique dans son enfance, depuis son grand-père
chantre jusqu’à sa mère entonnant le chant du rabbin à la veillée du Sabbat, en
passant par ses oncles jouant du violon et psalmodiant. « Il faut faire
chanter le dessin par la couleur, il faut faire comme Debussy »,
s’enthousiasmait Chagall. Cette union fusionnelle de la peinture et de la
musique chez Chagall se conclura sur la commande en 1964 du diptyque monumental
Le Triomphe de la musique par le Metropolitan Opera de New York pour son grand foyer du Lincoln Center où
la première institution lyrique des Etats-Unis allait s’installer en 1966.
Marc Chagall (1887-1985), projet de costume pour l'Oiseau de feu, 1945. ©ADAGP, Paris, 2015 - CHAGALL ®
Chagall a également réalisé
décors et costumes de ballets et d’opéras, comme Aleko à Mexico en 1942, l’Oiseau
de feu à New York en 1945, Daphnis et Chloé à Paris en 1959 pour le
ballet, la Flûte enchantée mise en
scène par Günther Rennert et dirigée par Joseph Krips en 1967 au Met pour le
second.
Marc Chagall (1887-1985), Commedia dell'Arte, 1958 ©ADAGP, Paris, 2015 - CHAGALL ®
Au total, ce sont 270 œuvres
réunissant peintures, dessins, collages, céramiques, sculptures, costumes de
scène, maquettes de décors, esquisses qui sont présentées dans un parcours
musical élaboré par le pianiste franco-russe Mikhaïl Rudy associant
quelques-uns des compositeurs qui ont inspiré le peintre ponctué de nombreux
diaporamas d’images d’archives et de photographes qui ont accompagné le travail
de Chagall de l’esquisse à la scène, de captations d’époque et contemporaines
de ballets et d’opéras qui permettent de mesurer la dimension monumentale de
l’œuvre de l’artiste. Le plus spectaculaire se trouve dès l’entrée de
l’exposition, où le visiteur est accueilli par un spectaculaire dispositif qui
permet d’approcher au plus près le plafond de l’Opéra Garnier de Paris pour
découvrir jusqu’au plus petit détail de ce véritable panthéon musical personnel
du peintre.
Marc Chagall (1887-1985), Le Cirque bleu (1950). ©ADAGP, Paris, 2015 - CHAGALL ®
Après Paris et Roubaix, cette
double exposition sera présentée à Nice dans une version resserrée Musée
national Marc Chagall du 5 mars au 3 juin 2016, puis dans une version
recomposée au Canada, Musée des Beaux-Arts de Montréal, du 21 janvier au 14 mai
2017.
Bruno Serrou
A la Philharmonie de Paris, Le Triomphe de la musique, au Musée de la Piscine de Roubaix, Aux Sources de la musique, deux expositions simultanées et complémentaires
consacrées à Marc Chagall et son rapport à la musique jusqu’au 31 janvier 2016.
Paris : 221, avenue Jean-Jaurès 75019 - Paris. Tél. : (+33)
1.44.84.44.84. http://chagall.philharmoniedeparis.fr.
Roubaix : 23, rue de l’Espérance 59100 - Roubaix. Tél. : (+33)
3.20.69.23.60. www.roubaix-lapiscine.com.
Un catalogue commun aux deux expositions est édité par les Editions Gallimard
sous la direction d’Ambre Gauthier et Meret Meyer (352 pages, 45€)
Magnifique ! Je regarde l'émission en ce moment sur la 5 ❤️❤️❤️❤️
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