Photo : (c) Warner Classics
Le bonheur pour les nombreux admirateurs
de György Ligeti ; une manne pour qui souhaite se familiariser avec la
musique contemporaine, ce retour huit mois avant le dixième anniversaire de la
disparition du compositeur du coffret paru en 2008 des cinq CDs György Ligeti Project publiés chez Teldec/Warner
Classics entre 2002 et 2005. Réalisée du vivant du compositeur hongrois après
que ce dernier se fut fâché avec le chef finlandais Esa-Pekka Salonen au moment
de la production de son opéra le Grand
Macabre à Salzbourg puis au Châtelet et de son enregistrement pour Sony
Classical, qui avait initié l’intégrale discographique de son œuvre mais qui,
du fait de cette fâcherie, fut interrompue au huitième volume sur la douzaine originellement
prévue.
Du Concerto roumain pour orchestre de 1951 à Sippal, dobbal, nádihegedüvel
(Pipeaux, tambours, violons) sur
sept poèmes de Sándor Weöres pour mezzo-soprano et percussion créé à Metz le 10
novembre 2000, ce sont cinquante ans de création, de mutations et d’invention d’un
Géant du XXe siècle qui sont synthétisées en vingt-quatre œuvres, toutes
plus magistrales les unes que les autres, qui sont rassemblées ici. Warner
Classics présente un somptueux support pour saisir concrètement ce que György Ligeti
constatait lui-même lorsqu’il écrivait avoir « tendance à changer la
manière de travailler dès qu’une idée est réalisée ».
Le mélomane peut ainsi percevoir
les sources de Ligeti, de Bartók à l’Afrique, ses caractéristiques, comme les
structures en réseau et les labyrinthes polyphoniques denses parallèlement au
concept de polyphonie « floue », l’utilisation d’échelles diatoniques
et de champs harmoniques consonants, suivis des polyrythmies complexes, brouillages
ou répétition quasi mécanique, tandis qu’au début des années quatre-vingt il
découvrait la musique des Caraïbes et celle d’Afrique ainsi que l’univers
rythmique de Nancorrow qui gouvernent entre autres son Concerto pour piano. Apparitions (1958-1959) est la première œuvre
représentative de la manière de Ligeti, tandis que San Francisco Polyphony (1973-1974) démontre que les techniques d’écriture
d’avant-garde et le minimalisme peuvent coexister dans une même partition. Cet
itinéraire de toute une vie créatrice qui part d’un style folklorisant dans le Concerto roumain pour aboutir à la
complexité la plus fertile en passant par les masses orchestrales magnifiquement
informes de Lontano (1967), brosse un
pétillant portrait de l’un des créateurs majeurs de l’histoire de la musique.
Photo : (c) Bruno Serrou
Outre l’extrême qualité des
interprétations, l’un des attraits de ce coffret est le nombre de premiers
enregistrements mondiaux qu’il réunit. A commencer par Clocks and Clouds (Horloges
et nuages) de 1973 pour douze voix de femmes et Sippal, dobbal, nádihegedüvel
(2000), ainsi que des œuvres moins importantes mais tout aussi significatives
comme le Concerto roumain et Apparitions des années 1950, deux œuvres
pour orchestre déjà évoquées, mais aussi les Mysteries of the Macabre (1991) dans leur arrangement de 1993 par
Elgar Howarth pour trompette et ensemble de seize instruments solistes, œuvre à
l’origine destinée à la voix de mezzo-soprano et à l’orchestre tirée de l’opéra
le Grand Macabre (1974-1977, 1997). Pour
les autres partitions, l’on peut trouver des versions plus incisives, poétiques
ou colorées, par exemple les trois Concertos
(Pierre Boulez et l’Ensemble Intercontemporain (DG), Matthias Pintscher et le
même EIC (Alpha)), Atmosphères, Lontano (Claudio Abbado et le
Philharmonique de Vienne (DG)), Concerto
de Chambre, Ramifications, Aventures et Nouvelles Aventures par Boulez et l’EIC (DG), mais les interprétations
sont toujours de très grande valeur.
A commencer par la prestation du Schönberg Ensemble dans Aventures et Nouvelles Aventures qui est plus ludique et spontanée que celle de Pierre Boulez et l’Intercontemporain. L’arrangement pour accordéon par Max Bonnay de Musica Ricercata originellement pour piano corrobore le sens de l’humour particulièrement aigu de Ligeti, le chant de Katalin Károlyi dans Sippal, dobbal, nádihegedüvel est proprement prodigieux, servant magnifiquement cette œuvre extraordinaire dans laquelle Ligeti âgé de 77 ans s’avère plus créatif que jamais, ouvrant des portes inouïes dans lesquelles les compositeurs d’aujourd’hui seraient bien inspirés de s’aventurer. Reinbert de Leeuw et ses Ensembles ASKO et Schönberg à qui reviennent onze des vingt-quatre œuvres du coffret comptent parmi les interprètes les plus chevronnés et enthousiastes de Ligeti. Parfait connaisseur de l’œuvre de Ligeti, qu’il dirige depuis nombre d’années, notamment avec le London Sinfonietta puis en tant que directeur musical de l’Ensemble Intercontemporain, Jonathan Nott, bouillonnant, onirique, maître du temps et de l’espace, dirige les œuvres pour grand orchestre (Concerto roumain, Apparitions, Atmosphères, Requiem, Lontano, San Francisco Polyphony) avec une aisance et un engagement proprement idiomatique un Orchestre Philharmonique de Berlin de toute beauté remarquablement capté par les micros de Teldec qui mettent en lumière une polyphonie et une polychromie d’une densité hallucinante supérieurement sollicitées par le binôme chef/orchestre. Parmi les solistes, quelques-uns des grands artistes de notre temps, comme la mezzo-soprano Katalin Károlyi, le flûtiste Jacques Zoon, le compositeur-hautboïste Heinz Holliger, la corniste Marie Luise Neunecker, le violoniste Frank Peter Zimmermann, les violoncellistes Siegfried Palm et David Geringas, le pianiste Pierre-Laurent Aimard…
A commencer par la prestation du Schönberg Ensemble dans Aventures et Nouvelles Aventures qui est plus ludique et spontanée que celle de Pierre Boulez et l’Intercontemporain. L’arrangement pour accordéon par Max Bonnay de Musica Ricercata originellement pour piano corrobore le sens de l’humour particulièrement aigu de Ligeti, le chant de Katalin Károlyi dans Sippal, dobbal, nádihegedüvel est proprement prodigieux, servant magnifiquement cette œuvre extraordinaire dans laquelle Ligeti âgé de 77 ans s’avère plus créatif que jamais, ouvrant des portes inouïes dans lesquelles les compositeurs d’aujourd’hui seraient bien inspirés de s’aventurer. Reinbert de Leeuw et ses Ensembles ASKO et Schönberg à qui reviennent onze des vingt-quatre œuvres du coffret comptent parmi les interprètes les plus chevronnés et enthousiastes de Ligeti. Parfait connaisseur de l’œuvre de Ligeti, qu’il dirige depuis nombre d’années, notamment avec le London Sinfonietta puis en tant que directeur musical de l’Ensemble Intercontemporain, Jonathan Nott, bouillonnant, onirique, maître du temps et de l’espace, dirige les œuvres pour grand orchestre (Concerto roumain, Apparitions, Atmosphères, Requiem, Lontano, San Francisco Polyphony) avec une aisance et un engagement proprement idiomatique un Orchestre Philharmonique de Berlin de toute beauté remarquablement capté par les micros de Teldec qui mettent en lumière une polyphonie et une polychromie d’une densité hallucinante supérieurement sollicitées par le binôme chef/orchestre. Parmi les solistes, quelques-uns des grands artistes de notre temps, comme la mezzo-soprano Katalin Károlyi, le flûtiste Jacques Zoon, le compositeur-hautboïste Heinz Holliger, la corniste Marie Luise Neunecker, le violoniste Frank Peter Zimmermann, les violoncellistes Siegfried Palm et David Geringas, le pianiste Pierre-Laurent Aimard…
Au total un coffret indispensable
pour qui veut entrer dans la création de l’un des compositeurs les plus captivants
et novateurs du XXe siècle, dont l’œuvre, avec les huit CDs Sony
Classical, est désormais accessible à tous.
Bruno Serrou
« The Ligeti Project »
5 CD Warner Classics 0825646028580 (5h31mn)
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