jeudi 8 décembre 2011

Lise de la Salle joue Liszt Auditorium du Louvre


Paris, Auditorium du Louvre, mercredi 7 décembre 2011 
Liszt par Lise de la Salle
Bicentenaire oblige, Franz Liszt (1811-1886) aura occupé l’avant scène musicale 2011. Moins omniprésent cependant que Frédéric Chopin voilà deux ans, le compositeur hongrois de dimension universelle – né en Hongrie, il vécut longuement en France, après que le Conservatoire lui eut refusé l’accès, avant de s’installer en Allemagne et de faire de l’Italie sa terre d’adoption – il aura néanmoins été programmé un peu partout en France, avec plus ou moins de bonheur et de diversité. En effet, malgré une prolifique et passionnante production pianistique – sans oublier les œuvres chorales, oratorios, lieder, symphonies, poèmes symphoniques dont il est l’inventeur et qui ont longtemps fait les délices des sociétés de concert et sont désormais outrageusement négligés par nos orchestres – les programmateurs ont guère modulé leurs choix, les pianistes jouant trop systématiquement les mêmes pages.
Huit jours après l’intégrale des Années de pèlerinage que Bertrand Chamayou a donnée Théâtre des Champs-Elysées sous l’égide de Jeanine Roze Productions auquel je n’ai pas pu assister, Lise de la Salle a proposé mardi sur le plateau d’un Auditorium du Louvre archicomble et devant les caméras de Medici.tv qui le diffusaient en direct sur la toile un programme bien élaboré, reprenant pour l’essentiel son beau CD paru chez Naïve(1) en juillet dernier, avec des œuvres grand public du compositeur, mettant son éclectisme en exergue. A 23 ans, Lise de La salle atteste d’une belle maturité dans les grandes pages de la première partie du concert, lancé par la Ballade en si mineur S. 171 de 1853, qui a ainsi mis le curseur très haut dès le début de sa prestation, sa technique parfaite lui permettant d’exalter une éblouissante musicalité. Tout comme les déchirantes Funérailles (septième des Harmonies poétiques et religieuses) composées en octobre 1849 en hommage à trois des victimes de la révolution hongroise que Lise de la Salle a jouées comme un authentique poème symphonique. Après Nuages gris, pièce de la dernière période de Liszt (1881) interprétée avec mélancolie mais sans affectation, Lise de la Salle a conclu cette première partie donnée sans pause sur la fantaisie quasi sonate Après une lecture du Dante (1839/1849) dernière pièce de la Deuxième Année de pèlerinage : Italie, grande sonate en un seul mouvement où Liszt dépeint l’Enfer de Dante et à laquelle la jeune pianiste a donné toute sa puissance, sa passion et sa dimension orchestrale. La seconde partie est apparue plus convenue, les arrangements et transcriptions choisies n’étant pas les plus évocatrices, à l’exception de la Mort d’Isolde (1867), à laquelle il a manqué un brin de passion, les mains aériennes et impérialement maîtrisées de la pianiste exaltant la diversité des voix de l’orchestre et du chant wagnériens entièrement restitués par les dix doigts de l’instrumentiste. Le Lacrimosa de Mozart (1865) est apparu long et anecdotique, tout comme les deux lieder de Schumann (Liebeslied et Frühlingsnacht – ce dernier étant le seul morceau ne figurant pas sur le CD Naïve, remplaçant Mazeppa de Liszt que l’on eut préféré écouter hier soir), et l’on eut apprécié que fut retenu un autre (voire plusieurs autres) lied(er) de Schubert que le célébrissime Ständchen… Dommage aussi que, après un premier bis consacré à Bach, les deux suivants aient détruit l’atmosphère générale du récital, les Pas sur la Neige de Debussy étant chaussés de lourds après-skis, et l’extrait de Roméo et Juliette de Prokofiev trop démonstratif.
Bruno Serrou
(1) CD Naïve V5267

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