Théâtre des Bouffes du Nord, mardi 20 décembre
2011
Photo : (c) Marcel Hartmann
Théâtre des Bouffes
du Nord après avoir assisté à la première d'un One (Wo)Man Show du comédien
metteur en scène Michel Fau, fidèle interprète d'Olivier Py. Un spectacle
inénarrable d’une heure au titre qui est à lui seul tout un programme, Récital
emphatique. Et d'emphase, il n'est question que de cela, dans ce récital dont
il est à la fois l’auteur et l’interprète. Mais la charge est affectueuse et d’une
flagrante sensibilité, car le regard que Michel Fau porte sur ses consœurs est
celui d’un authentique passionné de théâtre et d’opéra, le comédien fréquentant
non sans tendresse et amour les divas de toutes disciplines aux côtés de qui il
travaille au quotidien et qu’il met souvent en scène, notamment pour la compagnie
Opéra Eclaté de son comparse Olivier Desbordes. Aimant à se travestir et à s’exhiber
à la moindre occasion, ce qu’il fait avec un naturel confondant, il apparaît
sur la scène des Bouffes du Nord tel une vraie star, superbement
maquillé par Pascale Fau, coiffé par Elodie Martin d’une longue et sensuelle chevelure noire
bouclée et accoutré de robes plutôt seyantes signées David
Belugou qui mettent en valeur une opulente poitrine digne de la célèbre Bianca Castafiore,
l’impressionnant « rossignol milanais » dont l’imagerie populaire affuble
volontiers les divas, qui, désormais, pourtant, répondent de plus en plus aux
canons des mannequins les plus sexy. Mais il est vrai que Michel Fau « égratigne »
ici les cantatrices et tragédiennes d’antan chères à son cœur.
Ainsi travesti en
star plus vraie que nature, Michel Fau apparaît dans le noir, dos au public, pour
se lancer dans une danse aux accents orientaux à force gestes des mains et
déhanchements, accompagné avec maestria par le piano de Mathieu El Fassi, qui
interprète dextrement la Danse des
prêtresses de Dagon extraite de l’opéra
de Camille Saint-Saëns Samson et Dalila.
Après ce long et sulfureux pas de danse, « elle » file plusieurs extraits
de ce même opéra, sa sophistication corroborant parfaitement l’affèterie du
personnage de Dalila, qui, comme chacun sait, feint d’aimer Samson pour le perdre, chantant deux
airs parmi les plus célèbres du répertoire lyrique français, « Printemps qui commence » suivi de « Mon cœur s’ouvre à ta voix »,
qui se termine sur un indescriptible « je t’aime ! », avant de
se lancer dans une voluptueuse bacchanale avec force mimiques et clins d’œil avenants
qu’« elle » conclut dans le noir. Tandis qu’El Fassi se lance dans la Danse des Sept Voiles de Salomé de Richard Strauss, le public,
qui s’attend à voir arriver Fau s’effeuillant, en est réduit à écouter un long
interlude instrumental solo, le temps que la diva change de robe. C’est en
tragédienne que Fau réapparaît, pour dire de quatre façons différentes (de la tragédienne style Sarah Bernhardt jusqu’à la jeune ingénue
des cités du théâtre de boulevard) le monologue de Phèdre de Racine, « Mon mari vient de plus loin » auquel il enchaîne
judicieusement l’aria « Tristes apprêts » extraite d’un
opéra baroque français inspiré de la mythologie antique, Castor et Pollux de Rameau. Suit un texte délirant de Roland Menou dans
lequel Fau, assis à califourchon sur une chaise la robe largement fendue recouverte d’un
treillis, narre l’histoire improbable d’une jeunette cochinchinoise des bords
du Mékong qui se retrouve à Nevers sur les rives de la Loire en compagnie d’un
Chinois avec qui elle avait eu une chaude relation l’on ne sait plus très
bien où... Avant de se retrouver à Charleston au beau milieu de l’opéra « black »
Porgy and Bess de Gershwin
interprétant avec force mimiques le fameux Summertime…
Le public rit avec a propos à gorge déployée, y compris, le soir de la
première, des enfants dont les rires spontanés auront suscité une gêne certaine dans
les passages les plus scabreux du Mekong
B4 de Menou.
Bruno Serrou
Jusqu’au 30 décembre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire