Il est des disques coup de foudre. Celui que le label Aeon a
confié à Anne-Catherine Gillet est de ceux-là. Merveilleusement soutenue par
ses compatriotes de l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège dirigé par le
chef britannique Paul Daniel, la soprano belge touche par l’extraordinaire
luminosité de son timbre, l'extrême malléabilité de sa voix, la fraîcheur de son
intonation, la limpidité de son articulation. Interprété avec une ineffable
simplicité, chaque volet du programme est une confession, la cantatrice s’adressant
à ses auditeurs sur le ton de la confidence amicale. Elle restitue à chacun des
trois cycles de mélodies ses couleurs propres. Ainsi, donne-t-elle sa spontanéité
juvénile à la scène dramatique aux climats changeant brossée par un enfant de
six ans que Samuel Barber (1910-1981) se souvient avoir été, Knoxville: Summer of 1915
op. 24 (1948) composé sur un poème de
James Agee (1909-1955), scénariste entre autres de la Nuit du chasseur de Charles Laughton, qu’Anne-Catherine Gillet
chante dans un anglais parfait. Quoiqu’écrites à l’origine pour plusieurs voix
alternant, les Nuits d’Eté op. 7 (1838-1841)
d’Hector Berlioz (1803-1869) restent marquée par l’extraordinaire interprétation de Régine Crespin, soprano dramatique aux graves abyssaux, mais
Anne-Catherine Gillet investit elle aussi si bien les vers de Théophile Gautier
(1811-1872) qu'elle réussit le miracle de toucher avec la même force que son
aînée, avec ses moyens de soprano léger d’une élasticité il est vrai étonnante. L’orchestre
liégeois dirigé par Paul Daniel est ici plus chatoyant encore que celui de la Suisse
romande dirigé par Ernest Ansermet, la dynamique et les couleurs corroborant la
plastique exceptionnelle de la voix de la soliste et l'impressionnante fluidité de sa diction, les pupitres
solistes rivalisant de virtuosité naturelle. Tout aussi captivante est l’interprétation
du cycle les Illuminations, chef-d’œuvre
de Benjamin Britten (1913-1976) composé en 1939, en français, pour voix aiguë
et orchestre à cordes sur des extraits de poèmes en prose éponymes d’Arthur
Rimbaud (1854-1891) articulés autour de la dernière phrase de l'énigmatique Parade, « J’ai seul la clef de cette parade sauvage ». La
voix claire et délicate d’Anne-Catherine Gillet fusionne à la perfection avec
la polyphonie d’une vivacité extrême des cordes. Un disque à se procurer d’urgence, pour l'écouter et le réécouter à satiété.
Bruno Serrou
il est d'ailleurs épuisé auprès du distributeur !
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