mercredi 14 décembre 2011

La soprano Anne-Catherine Gillet signe pour Aeon l'un des plus beaux disques de mélodies de l'année 2011




Il est des disques coup de foudre. Celui que le label Aeon a confié à Anne-Catherine Gillet est de ceux-là. Merveilleusement soutenue par ses compatriotes de l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège dirigé par le chef britannique Paul Daniel, la soprano belge touche par l’extraordinaire luminosité de son timbre, l'extrême malléabilité de sa voix, la fraîcheur de son intonation, la limpidité de son articulation. Interprété avec une ineffable simplicité, chaque volet du programme est une confession, la cantatrice s’adressant à ses auditeurs sur le ton de la confidence amicale. Elle restitue à chacun des trois cycles de mélodies ses couleurs propres. Ainsi, donne-t-elle sa spontanéité juvénile à la scène dramatique aux climats changeant brossée par un enfant de six ans que Samuel Barber (1910-1981) se souvient avoir été, Knoxville: Summer of 1915 op. 24 (1948) composé sur un poème de James Agee (1909-1955), scénariste entre autres de la Nuit du chasseur de Charles Laughton, qu’Anne-Catherine Gillet chante dans un anglais parfait. Quoiqu’écrites à l’origine pour plusieurs voix alternant, les Nuits d’Eté op. 7 (1838-1841) d’Hector Berlioz (1803-1869) restent marquée par l’extraordinaire interprétation de Régine Crespin, soprano dramatique aux graves abyssaux, mais Anne-Catherine Gillet investit elle aussi si bien les vers de Théophile Gautier (1811-1872) qu'elle réussit le miracle de toucher avec la même force que son aînée, avec ses moyens de soprano léger d’une élasticité il est vrai étonnante. L’orchestre liégeois dirigé par Paul Daniel est ici plus chatoyant encore que celui de la Suisse romande dirigé par Ernest Ansermet, la dynamique et les couleurs corroborant la plastique exceptionnelle de la voix de la soliste et l'impressionnante fluidité de sa diction, les pupitres solistes rivalisant de virtuosité naturelle. Tout aussi captivante est l’interprétation du cycle les Illuminations, chef-d’œuvre de Benjamin Britten (1913-1976) composé en 1939, en français, pour voix aiguë et orchestre à cordes sur des extraits de poèmes en prose éponymes d’Arthur Rimbaud (1854-1891) articulés autour de la dernière phrase de l'énigmatique Parade, « J’ai seul la clef de cette parade sauvage ». La voix claire et délicate d’Anne-Catherine Gillet fusionne à la perfection avec la polyphonie d’une vivacité extrême des cordes. Un disque à se procurer d’urgence, pour l'écouter et le réécouter à satiété.
Bruno Serrou

1 commentaire: