Paris. Théâtre de l’Athénée - Louis Jouvet. Samedi 9 février 2019
Dimitri Chostakovitch (1901-1975), Moscou Paradis. Photo : (c) Théâtre de l'Athénée
Sous le titre Moscou Paradis, le Théâtre de l’Athénée
présente une opérette de Dimitri Chostakovitch, Moscou, Tcheriomouchki, qui plonge avec truculence dans le Moscou
des années Khrouchtchev.
Dimitri Chostakovitch (1901-1975), Moscou Paradis. Photo : (c) Opéra Louise
L’on sait combien Dimitri
Chostakovitch (1901-1975) eut maille à partir avec Joseph Staline et ses sbires.
Aussi, le vent de liberté qui semblait poindre avec l’arrivée de Nikita Khrouchtchev
à la tête du Parti communiste soviétique, aurait pu donner des ailes au
compositeur. Or, malgré un décret de réhabilitation en sa faveur en 1958, ce
fut au contraire pour lui le début d’une crise créatrice qui allait perdurer
jusqu’au début des années 1960. Chostakovitch écrira d’ailleurs à propos de son
Moscou, Tcheriomouchki (Moscou, Quartier des cerises) : « Je meurs de honte… C’est ennuyeux,
sans talent, stupide… »
Dimitri Chostakovitch (1901-1975), Moscou Paradis. Photo : (c) Opéra Louise
Composée en 1958-1959 sur un
livret de Vladimir Mass et Mikhaïl Chervinsky, cette opérette en trois actes,
qui attendra quarante-cinq ans après sa création à Moscou avant d’être montée
pour la première fois en France en 2004, à l’Opéra de Lyon, est pourtant une
pièce souriante, bien structurée, pleine de mélodies plaisantes souvent
inspirées de la tradition populaire russe, bien qu’il s’agisse d’une œuvre de
circonstance à la gloire du nouveau régime instauré par Khrouchtchev en
réaction au stalinisme. L’on retrouve également dans la partition la
fascination de Chostakovitch pour le jazz et la valse.
Dimitri Chostakovitch (1901-1975), Moscou Paradis. Photo : (c) Opéra Louise
Au tournant des années 1950-1960,
Moscou se transforme à la fois sur les plans architectural et social, grâce à
un programme de logements sans précédent. Nombre de Moscovites vivaient
jusqu’alors dans des conditions précaires, dans de vieux immeubles insalubres
où plusieurs familles étaient entassées dans un même logement. L’édification de
vastes cités dortoirs représentait alors un horizon ressenti comme enviable,
avec des appartements individuels plus vastes. Néanmoins, Chostakovitch
n’oublie pas d’évoquer le corolaire de ces mutations, les passe-droits, les
fonctionnaires corrompus, une administration dictatoriale clairement injuste, les
« bons couples » bénéficiant de la politique sociale du régime, les « méchants »
fonctionnaires essayant de profiter de leur position au sein de la nomenclature
pour en tirer de multiples avantages sur le dos des sans grades. Mais, dans
l’opérette, l’amour finit par triompher de tout par l’entremise d’un jardin
enchanté. Rappelons qu’à la même époque Leonard Bernstein composait West Side Story, œuvre qui a connu un
sort bien plus enviable que Moscou, Tcheriomouchki,
malgré une adaptation réalisée pour le cinéma par Gerbert Rappaport.
Dimitri Chostakovitch (1901-1975), Moscou Paradis. Photo : (c) Opéra Louise
La version proposée par Opéra
Louise et présentée Théâtre de l’Athénée de l’œuvre complète, chantée en russe
avec les dialogues en français, se fonde sur une orchestration bien moins fournie
que l’original mais remarquablement réalisée par Gerard McBurney pour deux pianos
et deux percussionnistes - formation de la Sonate
de Béla Bartók -, qui met en exergue l’influence du jazz, le côté étincelant,
dansant et sensible de la partition de Chostakovitch. Dirigés avec énergie et adresse
par Jérôme Kuhn, dans une mise en scène onirique de Julien Chavaz, la troupe de
chanteurs comédiens est particulièrement en phase avec cette œuvre diverse, allègre
et rythmée. Au sein de cette troupe homogène et de qualité, citons les
séduisantes Sheva Tehoval, Sereina Perrenoud, Cassandre Stornetta, Nina van
Essen, et leurs comparses colorés William Berger, Sergiu Saplacan, Alexandre
Diakoff, ainsi que les comédiens Jean-Pierre Gros et Steven Beard en concierge égaré
mais omniprésent.
Bruno Serrou
Jusqu’au 16/02. Rés. :
01.53.05.19.19. www.athenee-theatre.com
Compte-rendu paru dans le quotidien La Croix daté mardi 13 février 2018
Compte-rendu paru dans le quotidien La Croix daté mardi 13 février 2018
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