Sir Michael Tippett (1905-1998). Photo : DR
Sir Michael Tippett est mort à Londres le jeudi 8 janvier 1998 à
l’âge de quatre vingt treize ans des suites d’une pneumonie. Longtemps ignoré
en France, comme la plupart de ses compatriotes mais plus encore que son cadet
Benjamin Britten, il est l’un des compositeurs les plus marquants de la seconde
moitié du XXe siècle. Il resta actif jusqu’au bout, enchaînant de la
fin des années 1970 jusqu’au début des années 1990 un ensemble impressionnant
d’œuvres d’envergure, oratorios, opéras, symphonies, quatuors à cordes... Au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il présentait sa mission de
compositeur comme la « transfiguration du quotidien par une touche
d’éternité, née, comme cela a toujours été et sera à jamais, de notre désir ».
Un quart de siècle plus tard, il se plaçait au cœur d’une tradition artistique
qui perdurait « pour créer des images venues des abysses de l’imaginaire,
images du passé, images du futur. Des images de réconciliation pour un monde
tiraillé par la division. Et en ces temps de médiocrité et de rêves anéantis,
des images d’abondante, de généreuse, d’exubérante beauté. »
Sir Michael Tippett à sa table de travail. Photo : (c) Schott Music
Né à Londres le 2 janvier 1905, Michael Kemp Tippett passa son
enfance entre le Suffolk, le midi de la France et l’Italie. Il commença l’étude
du piano dès sa prime jeunesse et choisit très tôt de devenir compositeur. Mais
il ne prit contact avec le répertoire classique qu’à partir de 1923 – « Je
ne connaissais jusqu’alors absolument rien à la musique », disait-il –,
année où il entra au Royal College of Music de Londres où il étudia la
composition avec Charles Wood et Charles Herbert Kitson et la direction
d’orchestre avec Sir Malcolm Sargent et Sir Adrian Boult. A sa sortie du
conservatoire en 1928, il enseigna le français et la musique dans une école
privée, avant de se tourner définitivement vers la composition. Vivant d’expédients,
notamment en dirigeant des chœurs d’amateurs dans la campagne du Surrey, où il
s’était installé, il s’essaya sans succès à la composition. Son sens aigu de
l’autocritique l’incita à reprendre en 1931 ses études au Royal College of
Music avec Reginald Owen Morris.
Michael Tippett et Benjamin Britten. Photo : (c) BBC
Avant même de publier ses premières œuvres, le premier de ses Quatuor à cordes, la première de ses Sonate pour piano et le Concerto pour double orchestre à cordes, il avait commis plusieurs partitions de
genres divers, quatuor à cordes, symphonie, opéra, pièces pour chœurs, qu’il
préféra détruire. Dès ces premiers travaux, l’on perçoit l’ascendant de la
polyphonie et de la polyrythmie des madrigaux élisabéthains, de Purcell et de
Haendel, mais aussi du néoclassicisme de Hindemith et Stravinski, et surtout l’empreinte
de Beethoven, qui marquera sa vie créatrice, assimilant en outre très
rapidement le jazz et le blues. A la fin des années 1950, il renonçait à la
tonalité, sa musique se faisant mosaïque de motifs aux couleurs infinies, et se
tournait vers l’expressionnisme, comme l’atteste le sombre opéra King Priam, son chef-d’œuvre achevé en
1961 qui mêle Brecht à Homère).
Michael Tippett et Elliot Carter. Photo en 1996 : (c) Royal Philharmonic Society
« Enfant de son temps » (1), Michael Tippett fut un
idéaliste, au point de s’engager activement en politique, embrassant tout
d’abord l’idéologie trotskiste avant de clamer son élan pacifiste, ce qui lui
valut de passer trois mois en prison en 1943 – cela ne l’empêchera pas d’être
anobli en 1966. Il était depuis 1940 directeur musical du Collège de Morley,
poste qu’il occupa jusqu’en 1951. Après sa Symphonie
n° 1 achevée en 1945, il passa six ans à écrire son premier opéra, The Midsummer Marriage, créé à Covent
Garden en 1955. Marqué par la psychanalyse de Jung, cet ouvrage est célèbre
grâce notamment à ses Danses rituelles.
Parmi ses partitions les plus puissantes, les oratorios Vision of saint Augustin (1963-1965) et The Mask of Time (1980-1982), la Symphonie n° 3 (1970-1972), le Concerto
pour violon, alto violoncelle et
orchestre (1979), les opéras The Knot
Garden (1966-1970) – seule de ses œuvres lyriques montée en France à ce
jour –, The Ice Break (1973-1976) et New Year (1988), les Songs for Dov pour ténor et orchestre de
chambre (1969-1970), les cinq Quatuors à
cordes (1934-1991), etc.
Bruno Serrou
1) Composé en 1939-1940 en écho aux conséquences dramatiques de
l’assassinat du diplomate allemand Ernst vom Rath en poste à Paris par
un jeune juif polonais, Herschel Grynspan, l’oratorio antinazi A Child of Our Time est la partition la plus célèbre de Tippett.
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