jeudi 31 juillet 2014

Christian Zacharias, entre baroque et moderne, enchante sans convaincre le Festival de La Roque d’Anthéron

La Roque d’Anthéron, Festival international de piano, Parc du Château de Florans, mardi 29 juillet 2014

Retour dans sa loge du Steinway joué par Christian Zacharias durant son concert avec l'Orchestre de Chambre de Bâle. Photo : (c) Bruno Serrou

Christian Zacharias est chez lui, à La Roque d’Anthéron. Il y joue tous les étés depuis que le festival existe. Le public ne s’en lasse pas, d’ailleurs, se montrant à son égard aussi fidèle que lui en se bousculant à chacune de ses prestations. Cette année, malgré la pluie pleine de considérations il est vrai en réfrénant son volume d’eau et la puissance de son flux, le pianiste allemand né en Inde voilà 66 ans, disciple de Vlado Perlemuter à Paris et vivant désormais dans le sud de l’Angleterre, est venu en Provence avec un orchestre Suisse, l’Orchestre de Chambre de Bâle. Cet ensemble fondé en 1984, joue habituellement sous la direction de son premier violon. Il concède néanmoins quelques exceptions, se produisant notamment sous la baguette de Giovanni Antonini, qui en est Chef invité permanent. Autre exception, mardi 29 juillet sous la coque à l’acoustique impeccable du Parc du Château de Florans, où il était dirigé par Christian Zacharias, qui, outre son extraordinaire talent de pianiste, s’illustre dans les domaines de la direction d’orchestre, de directeur de festivals et d’écrivain, tout en avouant une passion pour la peinture.

Christian Zacharias dirige du piano l'Orchestre de Chambre de Bâle dans le Concerto n° 24 de Mozart. Photo : (c) C. Gremiot

Evoluant du XVIIIe siècle versaillais au XIXe siècle du début de la IIIe République française en passant par une incursion dans le classicisme viennois, le programme concocté par Zacharias et l’Orchestre de Chambre de Bâle a conduit la plupart des membres de ce dernier à jouer successivement sur instruments anciens et modernes. Si pour le premier siècle il n’y a eu d’autres problèmes que la carnation et la justesse, pour l’œuvre intermédiaire il y a hélas eu hiatus. De fait, exécutés avec des archets baroques, des violoncelles aux piques entrées dans le coffre de l’instrument et des cuivres naturels mais avec des bois modernes, les huit extraits de la Suite pour orchestre de l’opéra-ballet les Indes galantes que Jean-Philippe Rameau fit publier en 1736 avec lesquels le Festival de La Roque d’Anthéron célébrait le 250e anniversaire de la mort du compositeur français, sous la direction nerveuse de Christian Zacharias que les cordes ne regardaient guère à contrario des instruments à vent, ont sonné de façon naturelle mais avec une prégnante acidité et des couleurs blafardes, le problème s’est avéré insurmontable dans la partition de Mozart composée un demi-siècle plus tard. En effet, dans le Concerto pour piano et orchestre n° 24 en ut mineur KV. 491, Zacharias a dirigé un orchestre d’instruments baroques depuis un grand Steinway de concert planté au milieu des musiciens dos au public. Le contraste entre les cordes, les cors et les trompettes aux timbres fades, les timbales dernier cri et le piano aux couleurs charnues et rutilantes a empêché l’œuvre de rayonner pleinement, déchirée entre deux mondes antinomiques. Tant et si bien que cette partition au caractère dramatique s’est avérée fade et interminable, le piano écrasant l’orchestre qui s’est avéré de ce fait quasi inexistant dès la longue introduction.

Christian Zacharias jouant en bis un Rondo de Mozart. Photo : (c) C. Gremiot

L’art du pianiste Christian Zacharias n’aura finalement pu s’imposer dans son évidente plénitude que dans le Rondo de Mozart qu’il a joué en bis en solo. Comme hypnotisé par la beauté du son égrenés par les doigts du soliste, le public n’a pas bronché ne serait-ce que d’un cil lorsque les premières gouttes de pluie sont tombées d’un ciel défait de toute étoile, passant machinalement les sachets d’imperméables en plastique transparent distribués par le personnel du festival en bout de rangées. Seul regret, que cet immense musicien n’ait pas donné de récital…

Christian Zacharias dirigeant l'Orchestre de Chambre de Bâle. Photo : (c) C. Gremiot

Devant des spectateurs qui n’auront pas cédé à la pluie, Christian Zacharias s’est retrouvé pour la seconde partie du concert devant un Orchestre de Chambre de Bâle complètement transformé pour répondre aux besoins de l’exécution de quatorze extraits de la musique de scène de l’Arlésienne de Georges Bizet. Attendue par un auditoire majoritairement provençal, cette œuvre, malgré une pluie tombant en pointillé jusqu’à la fin pour ne cesser qu’avec les derniers applaudissements à peine éteints, a suscité une attention et un enthousiasme étranges pour un non-provençal que cette partition déconcerte. Les cordes frottées avec des archets modernes, les violoncelles reposant sur leur pique, les cors devenus harmoniques ont rendu ses chatoyances à la partition de Bizet dirigée avec entrain par Zacharias. Malgré la pluie il est vrai hésitante, l’orchestre, étincelant, et le chef ont repris la Farandole finale de l’Arlésienne sous les cris s’enthousiasme du public, avant de conclure sur Tambourins des Indes galantes de Rameau, qui, joués sur les même instruments que ceux utilisés pour Bizet, a sonné de façon éminemment plus lumineuse et sensuelle que la première fois, tandis que le public rythmait de ses mains l’exécution de cette page suivant volontiers les consignes de Zacharias.

Le Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron se poursuit jusqu’au 17 août.

Bruno Serrou


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