La Roque d’Anthéron, Festival international
de piano, Parc du Château de Florans, mardi 29 juillet 2014
Retour dans sa loge du Steinway joué par Christian Zacharias durant son concert avec l'Orchestre de Chambre de Bâle. Photo : (c) Bruno Serrou
Christian
Zacharias est chez lui, à La Roque d’Anthéron. Il y joue tous les étés depuis
que le festival existe. Le public ne s’en lasse pas, d’ailleurs, se montrant à
son égard aussi fidèle que lui en se bousculant à chacune de ses prestations.
Cette année, malgré la pluie pleine de considérations il est vrai en réfrénant
son volume d’eau et la puissance de son flux, le pianiste allemand né en Inde
voilà 66 ans, disciple de Vlado Perlemuter à Paris et vivant désormais dans le
sud de l’Angleterre, est venu en Provence avec un orchestre Suisse, l’Orchestre
de Chambre de Bâle. Cet ensemble fondé en 1984, joue habituellement sous la
direction de son premier violon. Il concède néanmoins quelques exceptions, se
produisant notamment sous la baguette de Giovanni Antonini, qui en est Chef
invité permanent. Autre exception, mardi 29 juillet sous la coque à l’acoustique
impeccable du Parc du Château de Florans, où il était dirigé par Christian
Zacharias, qui, outre son extraordinaire talent de pianiste, s’illustre dans
les domaines de la direction d’orchestre, de directeur de festivals et d’écrivain,
tout en avouant une passion pour la peinture.
Christian Zacharias dirige du piano l'Orchestre de Chambre de Bâle dans le Concerto n° 24 de Mozart. Photo : (c) C. Gremiot
Evoluant
du XVIIIe siècle versaillais au XIXe siècle du début de
la IIIe République française en passant par une incursion dans le
classicisme viennois, le programme concocté par Zacharias et l’Orchestre de
Chambre de Bâle a conduit la plupart des membres de ce dernier à jouer
successivement sur instruments anciens et modernes. Si pour le premier siècle
il n’y a eu d’autres problèmes que la carnation et la justesse, pour l’œuvre intermédiaire
il y a hélas eu hiatus. De fait, exécutés avec des archets baroques, des
violoncelles aux piques entrées dans le coffre de l’instrument et des cuivres
naturels mais avec des bois modernes, les huit extraits de la Suite pour orchestre de l’opéra-ballet les Indes galantes que Jean-Philippe
Rameau fit publier en 1736 avec lesquels le Festival de La Roque d’Anthéron
célébrait le 250e anniversaire de la mort du compositeur français, sous
la direction nerveuse de Christian Zacharias que les cordes ne regardaient
guère à contrario des instruments à vent, ont sonné de façon naturelle mais
avec une prégnante acidité et des couleurs blafardes, le problème s’est avéré
insurmontable dans la partition de Mozart composée un demi-siècle plus tard. En
effet, dans le Concerto pour piano et
orchestre n° 24 en ut mineur KV. 491, Zacharias a dirigé un orchestre d’instruments
baroques depuis un grand Steinway de concert planté au milieu des musiciens dos
au public. Le contraste entre les cordes, les cors et les trompettes aux
timbres fades, les timbales dernier cri et le piano aux couleurs charnues et rutilantes
a empêché l’œuvre de rayonner pleinement, déchirée entre deux mondes
antinomiques. Tant et si bien que cette partition au caractère dramatique s’est
avérée fade et interminable, le piano écrasant l’orchestre qui s’est avéré de
ce fait quasi inexistant dès la longue introduction.
Christian Zacharias jouant en bis un Rondo de Mozart. Photo : (c) C. Gremiot
L’art
du pianiste Christian Zacharias n’aura finalement pu s’imposer dans son
évidente plénitude que dans le Rondo
de Mozart qu’il a joué en bis en solo. Comme hypnotisé par la beauté du son
égrenés par les doigts du soliste, le public n’a pas bronché ne serait-ce que d’un
cil lorsque les premières gouttes de pluie sont tombées d’un ciel défait de
toute étoile, passant machinalement les sachets d’imperméables en plastique
transparent distribués par le personnel du festival en bout de rangées. Seul
regret, que cet immense musicien n’ait pas donné de récital…
Christian Zacharias dirigeant l'Orchestre de Chambre de Bâle. Photo : (c) C. Gremiot
Devant
des spectateurs qui n’auront pas cédé à la pluie, Christian Zacharias s’est
retrouvé pour la seconde partie du concert devant un Orchestre de Chambre de Bâle
complètement transformé pour répondre aux besoins de l’exécution de quatorze
extraits de la musique de scène de l’Arlésienne
de Georges Bizet. Attendue par un auditoire majoritairement provençal, cette
œuvre, malgré une pluie tombant en pointillé jusqu’à la fin pour ne cesser qu’avec
les derniers applaudissements à peine éteints, a suscité une attention et un
enthousiasme étranges pour un non-provençal que cette partition déconcerte. Les
cordes frottées avec des archets modernes, les violoncelles reposant sur leur
pique, les cors devenus harmoniques ont rendu ses chatoyances à la partition de
Bizet dirigée avec entrain par Zacharias. Malgré la pluie il est vrai
hésitante, l’orchestre, étincelant, et le chef ont repris la Farandole finale de l’Arlésienne sous les cris s’enthousiasme du public, avant de
conclure sur Tambourins des Indes galantes de Rameau, qui, joués sur
les même instruments que ceux utilisés pour Bizet, a sonné de façon éminemment plus
lumineuse et sensuelle que la première fois, tandis que le public rythmait de
ses mains l’exécution de cette page suivant volontiers les consignes de Zacharias.
Le
Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron se poursuit jusqu’au 17
août.
Bruno Serrou
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