Montpellier, Festival de Radio France et de Montpellier
Languedoc-Roussillon, Opéra Berlioz Le Corum, mardi 15 juillet 2014
Le Corum de Montpellier. Photo : (c) Luc Jennepin
Le Festival de Radio France et Montpellier
Languedoc-Roussillon est depuis 1985 le lieu privilégié pour la découverte de
répertoires méconnus dans les meilleures conditions artistiques et à des prix
de places défiant toute concurrence, grand nombre de concerts étant gratuits.
Mission pérenne depuis vingt-neuf ans puisque la manifestation attire un public
toujours plus nombreux et connaisseur. La trentième édition du festival
conforte encore sa position de rendez-vous obligé pour la résurrection d’œuvres
ignorées nées dans un passé plus ou moins lointain. Mais le festival a perdu
son âme depuis le départ fin 2011 de René Koering, son fondateur. Depuis le
départ surprise de ce dernier, la programmation assurée par Jean-Michel Le Pavec
est beaucoup moins téméraire, et cela aurait pu être pire s’il n’y avait eu à
ses côtés le compositeur montpelliérain Pierre Charvet pour la relever. Mais le
premier assure son ultime mission à Radio France et le second intègre la direction
de France Musique. Tous deux devraient être remplacés par Jean-Pierre Rousseau,
nouveau directeur de la Musique de Radio France. A moins que les partenaires,
qu’une convention lie jusqu’en 2016, tirent profit de ce passage pour mettre un
terme à ce festival qui attire pourtant un large public, 130.000 l’an dernier, Radio
France pouvant ainsi redéployer ses moyens dans les autres festivals ou pour
faire tourner le sien chaque année dans les métropoles de France…
Photo : (c) Bruno Serrou
Tout en poursuivant sa thématique
abordée lors de la précédente édition consacrée à « Musique et
politique », cette fois autour de la guerre et de la paix centenaire du
début de la Première Guerre mondiale oblige, le Festival de Radio France et Montpellier
Languedoc-Roussillon n’en présente pas moins des ouvrages qui n’ont que de fort
lointains rapports avec ladite thématique. Ainsi, Zingari que Ruggero Leoncavallo (1857-1919) composa donna en
création deux ans avant les hostilités de 1914-1918. Le compositeur italien est
universellement connu pour son seul opéra Paillasse
(1892), considéré comme le manifeste du vérisme italien. Leoncavallo a pourtant
écrit une Bohème d’un grand intérêt
hélas terni par le chef-d’œuvre que Puccini tira du même sujet. L’opéra en deux
actes Zingari (les Tziganes), huitième de ses dix opéras, a été créé au Théâtre de
l’Hippodrome de Londres le 16 septembre 1912. Le livret d’Enrico Cavacchioli et
Guglielmo Emanuel se fonde sur le poème en prose éponyme d’Alexandre Pouchkine.
Malgré les méandres du livret, cet ouvrage en un acte d’une heure a connu un vif
succès dans les pays anglo-saxons des deux côtés de l’Atlantique, au point
d’être presque aussi joué que Paillasse.
Mais la critique italienne a eu la
dent dure avec cet ouvrage qu’elle qualifia de
« doublon inutile de Paillasse ».
Ruggero Leoncavallo (1857-1919). Photo : DR
Les Zingari chaudronniers du Danube content l’histoire
du prince Radu (ténor) qui renonce à son fief pour devenir tzigane et épouser
l’envoûtante Fleana (soprano). D’abord insensible au chant du poète bohémien
Tamar (baryton), cette dernière s’avère soudain plus intéressée. Le prince en
conçoit une douleur telle qu’il met le feu à la roulotte dans laquelle il a claquemuré
les amants. Ecrit gros, les voix luttant quasi
continuellement avec un orchestre tonitruant, nombre de moments sont bel et
bien la marque de l’auteur de Paillasse,
et les passages couleur locale sonnent plus oriental que tzigane. Malgré le
renfort de tambourins, Leoncavallo ne parvient pas à rehausser la polychromie
de son orchestration et à agrémenter ses élans lyriques, mais le puissant intermezzo
qui réunit les deux tableaux sonne plus authentique. Leoncavallo pousse
le scrupule du réalisme en utilisant le controviolino,
mixte de violon et de violoncelle qui met particulièrement en relief la
sérénade de Tamar. Plus encore que le style typique de Leoncavallo, l’on relève à l’audition
toutes les recettes du vérisme, notamment le final qui intervient sur un fortissimo reprenant le matériau thématique du
grand air de Radu...
Montpellier, la Comédie. Photo : Bruno Serrou
Bien
servi par l’Orchestre Symphonique de Barcelone et National de Catalogne et par
le chœur Orfeón
Donostiarra dirigés tout en force par Michele Mariotti, qui ne donne vraiment pas
dans la dentelle, Zingari a été
desservi par une distribution univoque comprenant la soprano sans nuances Leah
Crocetto, le ténor criard Danilo Formaggia, à qui l’on doit néanmoins le
sauvetage de la soirée en remplaçant au pied levé Stefano Secco effrayé par les
difficultés du rôle. Seuls les barytons Fabio Capitanucci et Sergey Artamonov se
sont avérés à la hauteur de leur tâche.
En prologue de Zingari de Leoncavallo, l’Orchestre Symphonique de Barcelone et National de
Catalogne et Michele Mariotti ont présenté une œuvre de l’ami français du
compositeur italien, la cinquième suite d’orchestre des Scènes napolitaines de Jules Massenet, qui n’hésite pas ici à s’adonner
au style pompier, atteignant une vulgarité consternante. A oublier toute affaire cessante.
Bruno Serrou
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