Toulouse, Théâtre du Capitole,
mardi 30 septembre 2014
Giuseppe Verdi (1813-1901), Un ballo in maschera. Dmytro Popov (Riccardo), Keri Alkema (Amelia). Photo : (c) Patrice Nin
Malgré sa
popularité, Un bal masqué est l’un des
opéras de la maturité de Giuseppe Verdi les plus rares à la scène. Pourtant, la France l’a
découvert dès janvier 1861, au Théâtre Italien à Paris, deux ans tout juste après
sa création au Teatro Apollo de Rome. Adapté d’Eugène Scribe, le livret d’Antonio
Somma s’inspire de l’assassinat du roi Gustave III de Suède au cours d’un bal
masqué à l’Opéra royal de Stockholm en 1792, événement qui avait déjà inspiré
DFE Auber pour son opéra Gustave III ou le Bal masqué. La censure italienne,
qui jugea le sujet amoral, obligea Verdi à transposer son action à Boston au XVIIe
siècle et à faire du roi suédois un gouverneur britannique. La partition d’Un bal
masqué marque une rupture avec celles qui la précède dans la création
verdienne et annonce l’ultime Verdi.
Giuseppe Verdi (1813-1901), Un ballo in maschera. Julia Novikova (Oscar), Dmytro Popov (Riccardo), Choeur d'hommes du Capitole de Toulouse. Photo : (c) Patrice Nin
Vincent
Boussard a cherché à traduire dans sa mise en scène l’universalité du propos,
en le plaçant autant dans notre siècle que dans celui de l’époque du drame. Défaits
de tout manichéisme, les personnages sont complexes, et la direction d’acteur
les rend tous attachants. Bien éclairés par Guido Levi, les décors de Vincent
Lemaire sont simples et efficaces, et ne trahissent pas l’économie de moyens. L’action
se déploie dans une boîte noire qui se fait parfois blanchâtre, avec quelques projections
d’un portrait gris d'un jeune homme emperruqué qui se met un instant à pleurer.
Quelques éléments de mobilier, canapés, avec, à l’avant-scène un fauteuil rouge
omniprésent sur lequel mourra Riccardo, et l’acte du bal est dominé par un lustre
gigantesque. Plus dépouillés que de coutume, les costumes de Christian Lacroix -
vêtements sombres (smokings-cravates, robes noires, talons hauts) jusqu’au bal
du troisième acte (costume et masques XVIIIe siècle) - sont de
grande beauté, le noir et le blanc étant traités ici comme s’il s’agissait d’or
et de vermillon.
Giuseppe Verdi (1813-1901), Un ballo in maschera. Elena Manistina (Ulrica), Maîtrise du Capitole de Toulouse. Photo : (c) Patrice Nin
Réunissant
quatre slaves parmi les sept rôles solistes, la distribution de jeunes
chanteurs est d’une totale homogénéité. Elle est dominée par le Riccardo de
Dmytro Popov au timbre généreux et à la voix solide et d’une belle musicalité
et l’impressionnant Renato de Vitaly Bilyy, baryton noble et rayonnant. Pour
ses débuts en France, la soprano américaine Keri Alkema déploie en Amelia une opulente
voix de lirico-spinto faite d’ombres
et de lumière. Déjà entendue dans ce rôle d’Ulrica à l’Opéra de Paris en 2007
et à Strasbourg en 2008, la mezzo-soprano russe Elena Manistina est une diseuse
d’aventure un peu trop imposante et qui a trop tendance à poitriner, la soprano
colorature russe Julia Novikova, entendue à
Toulouse dans d’excellentes Indes
galantes en 2012 est toute de charme et d’éclat dans l’attachant rôle du
page Oscar. Le baryton français
Aimery Lefèvre (Silvano), son homologue brésilien Leonardo Neiva (Samuel) et la
basse russe Oleg Budaratskiy (Tom) complètent avec maestria ce plateau de grande
qualité, auquel il convient d’associer les brillants Chœur et Maîtrise du
Capitole.
Giuseppe Verdi (1813-1901), Un ballo in maschera. Keri Alkema (Amelia), Dmytro Popov (Riccardo), Choeur du Capitole de Toulouse. Photo : (c) Patrice Nin
Mais le
plus frappant est dans la fosse et à l’arrière-scène, avec un Orchestre National
du Capitole qui frise la perfection. D’une grande cohésion, alternant sans
faillir fougue et onirisme, avec des pupitres solistes d’une plastique
somptueuse (cor anglais, clarinette, violoncelle, violon) et des cuivres
rutilants, il répond sans faillir aux moindres inflexions de la direction idiomatique
du chef israélien Daniel Oren, familier du répertoire lyrique italien que les
fidèles de l’Opéra de Paris connaissent bien, s’est illustré en mettant en
valeur les passages les plus lyriques, particulièrement le grand duo d’amour Amelia/Riccardo
du deuxième acte, tout en restant attentif aux chanteurs.
Bruno Serrou
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