György Kurtag - Photo : (c) DR
Révélé au début des années quatre-vingt
par Pierre Boulez qui inscrit son opus
magnum, Messages de feu Demoiselle R. V. Troussova op. 17 (1) composés en 1980 sur vingt et un
poèmes de Rimma Dalos pour soprano et ensemble de chambre au répertoire de l’Ensemble
Intercontemporain, György Kurtág est considéré depuis la disparition de György Ligeti comme le grand compositeur
hongrois de la génération des années 1920. Né à Lugos, Transylvanie roumaine, en 1926, trois
ans après Ligeti, naturalisé hongrois en 1948, installé à Bordeaux depuis 2002, Kurtág ne cesse dans ses partitions, courtes et condensées,
de rendre hommage depuis 1959 - année de son opus 1 officiel - à des confrères, des artistes, des amis et des connaissances. La création de
ce spécialiste de la petite forme et de l’épure n’est pas sans évoquer celle d’Anton
Webern, mais en moins inventif et hardi. Elève de Léo Weiner, Sándor Veress
et Ferenc Farkas à l’Académie Franz Liszt de Budapest, où il enseignera à son tour de 1967
à 1993, il a également suivi les cours d’Olivier Messiaen et de Darius Milhaud
au Conservatoire de Paris, et s’initie aux techniques de la Seconde Ecole de Vienne
en assistant aux concerts du Domaine musical de Pierre Boulez. La Cité de la
Musique, qui l’avait accueilli en résidence en 1999, lui consacre jusqu’au 29
septembre une décade qui le met en regard avec Jean-Sébastien Bach, compositeur
que Kurtág avoue admirer, à l’instar de la grande majorité de ses confrères, d’ailleurs.
Bogdan
Božović, Stefan Mendl et Matthias Gredler (de gauche à droite) - Photo : (c) Wiener Klaviertrio
Le programme d’hier était confié
au Wiener Klaviertrio, ensemble de grand talent qui réunit le violoniste Bogdan
Božović, le violoncelliste Matthias Gredler et le pianiste Stefan Mendl , qui jouait hier soir également un clavecin double clavier, et
organise depuis 1997 sa propre série de concerts au Musikverein de Vienne. Pour
la Cité de la Musique, les trois musiciens ont alterné instruments anciens et
modernes, jouant les pages de Bach sur les premiers et celles de Kurtág sur les
seconds. Ce qui a valu une série d’accords plus ou moins longs entre chaque œuvre,
puisque les deux compositeurs alternaient. Ce qui s’est imposé d’amblée est la
qualité du jeu des musiciens, qui ont paru maîtriser jeux et styles avec une
même dextérité. Tant et si bien que l’on a pu mesurer clairement combien l’aîné
est plus inspiré et maître du temps que le cadet. En effet, si les pièces de Kurtág
sont courtes et celles de Bach infiniment plus longues, celles du second ne
suscitent pas la moindre lassitude, pas même le long Trio en la majeur BWV 1025, tandis que certaines de celles du
premier semblent se déployer interminablement, particulièrement dans la
sélection des Játékok (Jeux) que Stefan Mendl a retenue et jouée sur un Steinway
trois-quarts. De belles pages néanmoins dans les trois fragments des Signes, jeux et messages pour
violoncelle seul superbement illustrés par Matthias Gredler, et le trio avec
piano droit Varga Bálint
Ligaturája (Ligature à Bálint
Varga) de 2007 dont le Wiener
Klaviertrio est le créateur. Une miniature de quatre minutes qui exhale un
climat de mystère et d’onirisme de bon aloi et qui suscite une concentration du
jeu comme de l’écoute.
Bruno Serrou
(1) Pierre Boulez et l'Ensemble Intercontemporain ont enregistré cette œuvre en 1983 pour Erato avec la soprano Adrienne Csengery et la cymbaliste Marta Fabian. A noter la parution le 10 septembre chez ECM/Universal Music Classics & Jazz d'un remarquable CD Kurtág / Ligeti par l'altiste nord-américaine d'origine arménienne Kim Kashkashian(ECM NS 4764729)
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