Liège (Belgique), Opéra Royal de Liège Wallonie, samedi 21 juin 2014*
Gioacchino Rossini (1792-1868), La Gazzetta ossia Il matrimonio per concorso. Laurent Kubla (Filippo), Lilo Farrauto (Tommasino), Enrico Marabelli (Don Pompino), Edgardo Rocha (Alberto). Photo : (c) Opéra Royal de Liège Wallonie
Malgré les deux
siècles qui nous en séparent, Gioacchino Rossini garde toute son actualité. Pourtant,
l’Opéra de Liège est passé à côté de sa Gazette
ou le Mariage aux enchères. Dix-huitième des quarante opéras de Rossini conçu dans la foulée du Barbier de Séville
et créé quelques semaines après Otello, la Gazzetta, ossia Il matrimonio per concorso est un opéra bouffe en deux actes écrit sur un
livret de Giuseppe Palomba révisé par Andrea Leone Tottola d’après une pièce de
Carlo Goldoni. Créée à Naples le 26 septembre 1816, la partition, où l’on
retrouve nombre d’ouvrages de Rossini, n’a été éditée qu’en 2002. L’on y retrouve
aussi quiproquos, amours croisées et pères voulant marier leurs filles, cette
fois par petites annonces, chers à la comédie du XVIIIe siècle. L'action a pour cadre une auberge
parisienne où Don Pomponio et Don Anselmo s’installent avec leur fille
respective, Lisetta et Doralice. Pomponio passe une petite annonce dans une gazette locale dans le but de marier Lisetta, mais cette dernière aime l’aubergiste Filippo. De son côté,
Doralice est courtisée par Traversen, mais préfère convoler avec Alberto qui
parcourt le monde en quête de son archétype d'épouse. Après maintes péripéties, tout est bien qui finit bien, les pères
entérinant naturellement le choix de leurs progénitures.
Gioacchino Rossini (1792-1868), La Gazzetta ossia Il matrimonio per concorso. Laurent Kubla (Filippo), Cinzia Forte (Lisetta). Photo : (c) Opéra royal de Liège Wallonie
Joyau de vitalité et de bonne humeur exigeant de la part de ses interprètes un naturel comique et virtuose, la Gazetta a nombre d’atouts pour emporter l'adhésion d'un vaste public. Pourtant, je suis pour ma part sorti perplexe du spectacle proposé à l’Opéra de Liège par le directeur du
lieu, Stefano Mazzolis di Pralafera, qui en signe la mise en scène dont la
seule audace, actualisation oblige, est de passer du support papier à l'Internet. Il apparaît dès l’abord regrettable
que le traitement de cette œuvre soit fait sans une once de mise en perspective, la production ne parvenant pas à décider du temps de l'action, flottant entre XIXe et XXIe siècles.
Gioacchino Rossini (1792-1868), La Gazzetta ossia Il matrimonio per concorso. Photo : (c) Opéra royal de Liège Wallonie
Des costumes entre Grand Hôtel de George Cukor et Cenerentola pour lequel Rossini
reprendra l’ouverture de la Gazzetta,
des accessoires geek dans un décor unique de façade et de hall d’hôtel trois étoiles, une
direction d’acteur et un humour pesants, des décalages quasi canoniques des chœurs, une direction
de Jan Schultz sans nuances conduisant souvent à la faute un orchestre qui tend à l'asphyxie, une distribution sans relief, faible côté femmes avec une Cinzia
Forte (Lisetta) criarde, une Julie Bailly (Doralice) au timbre grossier, telle est la consistance de cette Gazetta
liégeoise. Côté hommes c’est beaucoup mieux, avec le tenore di gracia Edgardo
Rocha séduisant mais à l’aigu un peu court, le Don Pomponio solide d’Enrico
Marabelli engoncé dans un jeu guère raffiné, le Filippo dégingandé de Laurent
Kubla...
Bruno Serrou
* D'après mon compte-rendu paru dans le quotidien La Croix daté mardi 24 juin 2014
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