Rafael Frühbeck de Burgos (1933-2014). Photo : DR
L’un
des grands chefs de sa génération et l’un des plus prolifiques, Rafael Frühbeck de Burgos est mort mardi à
l’âge de 80 ans des suites d’un cancer. Il était également compositeur. La
dernière fois que je l’ai vu diriger à Paris, c’était Salle Pleyel, le 5
janvier 2011. Il était l’hôte de l’Orchestre de Paris pour un programme
Tchaïkovski, avec le pianiste pétersbourgeois Arcadi Volodos.
Fou
de musique, boulimique de l'estrade, Rafael Frühbeck de Burgos dirigeait trois à quatre concerts par
semaine, se produisant partout dans le monde, jusqu’à ce que la maladie ait
raison de lui. Il avait annoncé son retrait voilà moins d’une semaine.
De
nationalité espagnole né de parents allemands le 15 septembre 1933, Rafael
Frühbeck de Burgos avait attaché à son nom de famille celui de sa ville natale,
berceau de la vieille Castille. Il avait étudié le violon, le piano et la
composition au Conservatoires de Bilbao et de Madrid, tout en commençant à
diriger des opérettes. Il fait ensuite son service militaire comme chef de la
musique, puis se rend en Allemagne en 1957 pour étudier à la Hochschule de
Munich avec Kurt Eichhorn. Il remporte le Prix Richard Strauss qui lui ouvre
les portes de sa carrière internationale. Il est aussitôt nommé directeur
musical de l’Orchestre Symphonique de Bilbao, puis, en 1962, il se voit attribuer
les mêmes fonctions à l’Orchestre National d’Espagne, poste qu’il occupe jusqu’en
1978. Les seize années qu’il passe à Madrid sont les plus florissantes de l’ONE.
Si bien qu’en 1998, ce même orchestre le nomme Directeur Emérite.
Rafael Frühbeck de Burgos (1933-2014). Photo : DR
Parallèlement,
sa carrière se déploie en Europe, Amérique et Asie. Dans les années 1960, il
fait ses débuts à Paris, Buenos Aires, Lucerne, Londres, Montréal,
Philadelphie, New York, Los Angeles, Cleveland, Tokyo… Il se produit souvent avec le New
Philharmonia Orchestra de Londres, devient directeur général de la musique à
Düsseldorf de 1966 à 1971 et, de 1975 à 1977, directeur musical de l’Orchestre
Symphonique de Montréal. Il se retrouve ensuite à la tête du Yomiuri Nippon
Symphony Orchestra (1980-1983) dont il restera principal chef invité. En 1991,
il est nommé chef permanent de l’Orchestre Symphonique de Vienne et, l’année
suivante, directeur général de la musique à la Deutsche Oper de Berlin, puis,
en 1994, de l’Orchestre Symphonique de la Radio de Berlin. De 2001 à 2007 il
est chef d’orchestre principal de l’Orchestre symphonique national de la RAI,
et, en 2004, directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Dresde. En
Janvier 2011, l’Orchestre symphonique de Cincinnati lui offre le poste de Creative
Director de ses Masterworks Series à partir de la saison 2011-2012. « Chef
d’Orchestre de l’Année 2011 » du magazine Musical America, il est nommé en février 2011 chef principal de l’Orchestre
symphonique national Danois à compter de la saison 2012-2013, avec un premier
contrat de trois ans. Mais le 4 Juin 2014 il démissionne de ses fonctions, avec
effet immédiat. Parallèlement, Frühbeck de Burgos annonçait son départ à la
retraite, informant qu’il était atteint d’un cancer. Il avait donné son ultime
concert le 14 mars dernier à Washington avec l'Orchestre symphonique national.
Chef au fort tempérament, l’art
de la direction de Rafael Frühbeck de Burgos est caractérisé par un sens raffiné
de la nuance et de la théâtralité, comme l’atteste sa riche discographie qui
couvre un vaste répertoire. Parmi ses nombreux enregistrements, les plus
marquants sont son intégrale Manuel de Falla, avec notamment le chef-d’œuvre qu’est
la cantate scénique l’Atlantide que
le compositeur espagnol a laissée inachevée, des mélodies espagnoles avec Victoria de Los Angeles, Carmen
de Bizet avec Grace Bumbry, Jon Vickers et Mirella Freni, le Requiem de Mozart avec Edith Mathis et Grace
Bumbry, Elias de Mendelssohn avec
Gwyneth Jones, Janet Baker, Nicolaï Gedda et Dietrich Fischer-Dieskau, le Pèlerinage à la rose de Schumann avec
Helen Donath, Julia Hamari, Janine Altmeyer et Hans Sotin, tous disques
EMI/Erato, le Concerto pour piano de Grieg avec Arturo Benedetti Michelangeli (BBC Legends), la Suite espagnole d'Albeniz (Decca)...
Bruno Serrou
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