Paris, Salle Pleyel cycle « Les
Grandes Voix », samedi 15 février 2014
Robert Dean Smith (ténor) et Anja Kampe (soprano). Photo : DR
Le
type de concert proposé par Les Grandes Voix samedi Salle Pleyel est assez
frustrant. Surtout lorsqu’il s’agit d’opéras de Richard Wagner. Une troisième
voix, voire une quatrième, auraient permis de moins « sabrer » dans
les partitions, pourtant « retravaillées » par le chef d’orchestre de
la soirée, le toujours jeune quasi-octogénaire mais un peu routinier Jean-Claude
Casadesus. Chacune des deux parties de la soirée était consacrée à un ouvrage
wagnérien parmi les plus « populaires » - terme guère adapté il est
vrai à la musique du maître saxon -, Die
Walküre avec le seul premier acte commencé par le prélude suivi directement
des appels Wälse lancés à pleins
poumons par Siegmund et de ce fait coupé de vingt minutes, le rôle de Hunding
passant par pertes et profits, et Tristan
und Isolde présenté dans un montage réalisé à partir du prélude du premier
acte, le sublime duo d’amour de l’acte II avec les tendres hymnes la nuit de Brangäne
étaient évoqués à l’orchestre seul, tandis que la scène se terminait
abruptement sur des accords molto-pesante pour enchaîner directement sur le
prélude du troisième acte s’effaçant pianissimo sur les appels du cor anglais
pour fondre dans le premier accord de l’immolation d’Isolde… Quatre rôles confiés
à deux chanteurs aux timbres fusionnant de façon quasi idéale, Anja Kampe et
Robert Dean Smith.
Anja Kampe. Photo : DR
L’on se souvient de la somptueuse prestation d’Anja Kampe en Sieglinde dans
Die Walküre au Théâtre des
Champs-Elysées en avril 2012 avec les forces de l’Opéra de Bavière, mais aussi
dans celle gravée au disque sous la direction de Valery Gergiev dans la production
du Théâtre Mariinsky. L’on a retrouvé samedi ses immenses qualités, dans
Sieglinde mais aussi déployés dans Isolde, personnage où la soprano italienne d’origine
allemande est d’une aisance plus épanouie encore, son interprétation
de feu et de passion y étant exacerbée. L’amante-jumelle fille de Wälse, l’amour
dévorant du filtre d’Isolde acquièrent avec elle une densité et une vitalité prodigieuses.
Cette incarnation extraordinaire repose à la fois sur une voix large, des
graves sombres galvanisés par des aigus superbement projetés et une stature
d’écorchée vive que l’affection de Siegmund et la passion dévorante de Tristan
ont du mal à rasséréner. Sa scène finale de Tristan
und Isolde, hallucinante, a tiré les larmes d’un public qui, tétanisé sur les
profonds fauteuils de Pleyel, a longuement retenu son souffle avant de noyer
son émotion sous des bordées d’applaudissements sans fin.
De sa voix fluide, aérienne et d’une relative fragilité, le ténor états-unien Robert Dean Smith, qui s’était notamment illustré en 2010 dans la Ville morte de Korngold à l’Opéra de Paris où il sera en avril prochain Tristan aux côtés de l’Isolde de Violeta Urmana, rend ces personnages brûlés par l’amour que sont Siegmund et Tristan singulièrement touchants.
Robert Dean Smith. Photo : DR
De sa voix fluide, aérienne et d’une relative fragilité, le ténor états-unien Robert Dean Smith, qui s’était notamment illustré en 2010 dans la Ville morte de Korngold à l’Opéra de Paris où il sera en avril prochain Tristan aux côtés de l’Isolde de Violeta Urmana, rend ces personnages brûlés par l’amour que sont Siegmund et Tristan singulièrement touchants.
Jean-Claude Casadesus. Photo : DR
En regard de ces deux valeureux chanteurs, qui démontrent combien la
tradition du chant wagnérien est loin d’être éteinte, même si la vaillance n’est
plus ce qu’elle était jusque dans les années 1970, l’Orchestre National de
Lille n’aurait pas démérité, s’il avait été dirigé par une baguette plus
convaincue que celle de son directeur musical depuis trente-huit ans,
Jean-Claude Casadesus. Il se trouve en effet du laisser-aller dans
cette direction machinale, et, s’il est vrai que les effectifs de cordes n’étaient
pas assez fournis, surtout côté basses (altos, violoncelles et contrebasses), ce
qui aura le plus gêné ce sont les approximations des cuivres, une rythmique
pesante, les nombreux décalages entre les pupitres et, surtout, entre l’orchestre
et les voix, les premiers courant souvent après les seconds, les chanteurs,
portés par leurs rôles, s’exprimant en apesanteur tandis que les
instrumentistes étaient comme plaqués au sol.
Il convient néanmoins de saluer de belles individualités, comme le violoncelle solo Grégorio Robino et le cor anglais Philippe Gérard. Mais l’Orchestre National de Lille n’a rien des couleurs et des alliages d’un orchestre wagnérien, sa direction est elle-même monochrome et sans relief, ce qui rend atone l’orage du prélude de La Walkyrie, les tensions sismiques de ceux de Tristan et la suavité des appels de Brangäne…
Orchestre National de Lille. Photo : DR
Il convient néanmoins de saluer de belles individualités, comme le violoncelle solo Grégorio Robino et le cor anglais Philippe Gérard. Mais l’Orchestre National de Lille n’a rien des couleurs et des alliages d’un orchestre wagnérien, sa direction est elle-même monochrome et sans relief, ce qui rend atone l’orage du prélude de La Walkyrie, les tensions sismiques de ceux de Tristan et la suavité des appels de Brangäne…
Bruno Serrou
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