Salzbourg, Mozartwoche, Haus für Mozart, Stiftung
Mozarteum Grosse Saal, jeudi 23 et vendredi 24 janvier 2014
Christoph Willibald Ritter von Gluck (1714-1787), Orfeo ed Euridice. Bejun Mehta (Orfeo), Uli Kirsch (la Mort), Camilla Tilling (Euridice), Ana Quintans (Amour). Photo : (c) Matthias Baus, DR
Des villes-festivals,
Salzbourg est la capitale. Pas une saison sans. Le succès de la manifestation
estivale née en 1924 de l’initiative de Max Reinhardt, Hugo von Hofmannsthal et
Richard Strauss, a donné des ailes à la cité-archevêché, qui surfe sur la vague
du triomphe post-mortem du « divin Mozart ». Ainsi se succèdent un
festival d’automne, un festival de Pâques un autre de Pentecôte...
Marc Minkowski et Matthias Schulz. Photo : (c) Bruno Serrou, DR
Pour ce qui concerne
la saison d’hiver, une manifestation concentrée sur une semaine, la Mozartwoche
(Semaine Mozart), est née en 1956, année du bicentenaire de la naissance du
plus célèbre des Salzbourgeois. Mais, à la différence des autres rendez-vous
festivaliers, celui-ci est placé sous l’égide du Mozarteum de Salzbourg créée
en 1841 sur la volonté de la veuve de Mozart, Constance. Aujourd’hui placée
sous la direction de Matthias Schulz, les missions de la fondation sont la
recherche, la collecte et la sauvegarde des archives Mozart, ainsi que la diffusion
(1), la transmission de la tradition mozartienne par son le biais de son orchestre
et, surtout, son université fréquentée aujourd’hui par cinq mille étudiants
venant du monde entier.
C’est donc sous la tutelle du Mozarteum que la Semaine Mozart a été lancée et confiée en 2013 à un chef d’orchestre français, Marc Minkowski, dont le mandat vient d’être prolongé jusqu’en 2017. « Centrée sur Mozart et son temps, dit Minkowski, notre Semaine se place dans la tradition salzbourgeoise en invitant de grands solistes, de grands chefs ainsi que l’Orchestre Philharmonique de vienne, phalange particulièrement attachée au renom de Salzbourg, éléments indispensables pour attirer le public à Salzbourg en hiver. Mais nous tenons aussi à accueillir de jeunes artistes, comme Marianne Crebassa, qui a fait l’unanimité l’an dernier dans Lucio Silla de Mozart. Le public l’a adorée, et sa prestation lui a valu un engagement au prochain festival d’été dans la création d’un opéra de Marc-André Dalbavie, Charlotte Salomon, sur un livret de Barbara Honigmann. En 2015, elle sera ici au côté d’un jeune ténor français exceptionnel, Stanislas de Barbeyrac, dans Davide Penitente de Mozart que je dirigerai entouré des chevaux de Bartabas, qui mettra l’œuvre en scène dans le Manège des rochers. »
Mozarteum de Salzbourg. Photo : (c) Bruno Serrou, DR
C’est donc sous la tutelle du Mozarteum que la Semaine Mozart a été lancée et confiée en 2013 à un chef d’orchestre français, Marc Minkowski, dont le mandat vient d’être prolongé jusqu’en 2017. « Centrée sur Mozart et son temps, dit Minkowski, notre Semaine se place dans la tradition salzbourgeoise en invitant de grands solistes, de grands chefs ainsi que l’Orchestre Philharmonique de vienne, phalange particulièrement attachée au renom de Salzbourg, éléments indispensables pour attirer le public à Salzbourg en hiver. Mais nous tenons aussi à accueillir de jeunes artistes, comme Marianne Crebassa, qui a fait l’unanimité l’an dernier dans Lucio Silla de Mozart. Le public l’a adorée, et sa prestation lui a valu un engagement au prochain festival d’été dans la création d’un opéra de Marc-André Dalbavie, Charlotte Salomon, sur un livret de Barbara Honigmann. En 2015, elle sera ici au côté d’un jeune ténor français exceptionnel, Stanislas de Barbeyrac, dans Davide Penitente de Mozart que je dirigerai entouré des chevaux de Bartabas, qui mettra l’œuvre en scène dans le Manège des rochers. »
Réputé comme chef
baroque et classique d’orchestres d’instruments anciens, Minkowski est chez
lui, à Salzbourg. Tout le monde le connaît, et il aime à discuter avec ceux qui
l’approchent, où qu’il se trouve. Au Mozarteum, il se plaît à programmer des œuvres
jouées sur les instruments de Mozart, qu’il confie à de grands interprètes. Ce
qui plaît au public huppé qui suit toutes les manifestations salzbourgeoises,
vient de Munich et de Vienne mais aussi d'Italie, d’Angleterre, de France.
Salzbourg. Photo : (c) Bruno Serrou, DR
C’est dans la superbe
salle Haus für Mozart de l’ancien palais du Festival, centre d’activité de la
Semaine Mozart, que s’est ouverte l’édition 2014, qui aura compté trente et un
concerts. Au programme, un opéra non pas de Mozart mais de son contemporain et
compatriote le chevalier Gluck, Orfeo ed
Euridice. C’est avec cette production qu’ont été lancées les festivités internationales
du tricentenaire de la naissance de Gluck (1714-1787). Minkowski a choisi la
version originelle en italien créée au Burgtheater de Vienne le 5 octobre 1762
sur un livret de Ranieri de’ Calzabigi. A la tête de ses Musiciens du
Louvre-Grenoble jouant sur instruments d’époque, enrichis de membres de l’Orchestre
du Mozarteum, il a confié le rôle d’Orphée à un contre-ténor. Et quel
contre-ténor : l’éblouissant Bejun Mehta, qui, de sa voix ensoleillée, malléable,
puissante et dramatique, a magnifié cette tragédie qui a été le cadre de la
première collaboration de Minkowski et Yvan A. Alexandre, journaliste qui
signant pour l’occasion sa quatrième mise en scène après Rodelinda en 2007, Hippolyte
et Aricie en 2009 et Le Cid en 2010.
Alexandre s’est assuré la participation du scénographe d’Olivier Py, Pierre-André Weitz, qui a réalisé pour l’occasion un décor simple et efficace, remarquablement mis en relief par les lumières de Bertrand Killy, permettant le déploiement des divers plans de l’action avec naturel : les alvéoles noires de chaque côté de la scène, la robe de bal blanche qui enserre au début les deux protagonistes amoureux avant de se déchirer pour laisser percer le sang affleurant au flanc d’Orphée, tandis qu’Euridice choit inanimée avant d’être déposée sur une longue desserte noire, Orphée arrachera Eurydice au royaume des Ombres sur une projection de silhouettes portée sur un gigantesque vélin placé sur le proscenium, le harpiste concluant seul la tragédie dans un rai de lumière cramoisie... Il résulte du tout un spectacle élégant et équilibré, qui confirme combien Minkowski a d’affinité avec Gluck, entouré d’une distribution sans faille, l’élégante et svelte Euridice de Camilla Tilling au corps de ballerine, l’Amour angélique et brûlant d’Ana Kirsch, dont la prestation a été enluminée par le somptueux Chœur Bach de Salzbourg, tous portés par la direction ardente et tranchée de Minkowski.
Christoph Willibald Ritter von Gluck (1714-1787), Orfeo ed Euridice. Bejun Mehta (Orfeo). Photo : (c) Matthias Baus, DR
Alexandre s’est assuré la participation du scénographe d’Olivier Py, Pierre-André Weitz, qui a réalisé pour l’occasion un décor simple et efficace, remarquablement mis en relief par les lumières de Bertrand Killy, permettant le déploiement des divers plans de l’action avec naturel : les alvéoles noires de chaque côté de la scène, la robe de bal blanche qui enserre au début les deux protagonistes amoureux avant de se déchirer pour laisser percer le sang affleurant au flanc d’Orphée, tandis qu’Euridice choit inanimée avant d’être déposée sur une longue desserte noire, Orphée arrachera Eurydice au royaume des Ombres sur une projection de silhouettes portée sur un gigantesque vélin placé sur le proscenium, le harpiste concluant seul la tragédie dans un rai de lumière cramoisie... Il résulte du tout un spectacle élégant et équilibré, qui confirme combien Minkowski a d’affinité avec Gluck, entouré d’une distribution sans faille, l’élégante et svelte Euridice de Camilla Tilling au corps de ballerine, l’Amour angélique et brûlant d’Ana Kirsch, dont la prestation a été enluminée par le somptueux Chœur Bach de Salzbourg, tous portés par la direction ardente et tranchée de Minkowski.
Salzbourg, Haus für Mozart. Photo : (c) Bruno Serrou, DR
Côté concerts, celui
offert dans la matinée par András Schiff dirigeant du piano la Cappella Andrea
Barca constitué d’instrumentistes des grands orchestres autrichiens, dans le Concerto n° 15 en si bémol majeur pour piano et orchestre KV. 450 de Mozart
joué avec chaleur par le pianiste chef d’orchestre hongrois sur un Bechstein
aux sonorités feutrées enjolivées par l’acoustique veloutée de la Grande Salle
de la Fondation du Mozarteum. En soirée, René Jacobs, le Freiburger
Barockorchester et le RIAS Kammerchor enchantait le nombreux public de la Haus
für Mozart avec une remarquable interprétation de l’oratorio de Carl Philipp
Emanuel Bach, le « Bach de Hambourg », Die Auferstehung und Himmelfahrt Jesu (La Résurrection et l’Ascension
de Jésus) Wq 240 - H 777 créé le dimanche de Pâques 1774, révisé en 1778 et
1780, mais donné dans l’arrangement de Mozart datant sans doute de 1788. Sous la
direction sensible et poétique de Jacobs, l’œuvre a imposé sa spiritualité et ses beautés, l’ensemble orchestral
brillant par sa précision et ses sonorités fruitées, à l’instar du Chœur de
Chambre du RIAS de Berlin, d’une homogénéité et d’une onctuosité
extraordinaire, et de solides solistes, particulièrement le remarquable baryton
hongrois Michael Nagy.
Bruno Serrou
1) Le Mozarteum de
Salzbourg lance une collection de CD de ses archives sonores avec Sándor Vegh,
Wilhelm Backhaus, Bernhard Paumgartner, le violon et le pianoforte de Mozart
(4CD Belvedere distribution Harmonia Mundi)
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