Paris,
Salle Pleyel, mercredi 12 février 2014
Tabea Zimmermann. Photo : DR
Pour un unique programme de la saison, l’Orchestre
de Paris aura retrouvé cette semaine celui qui fut son directeur musical durant
la décennie 2000-2010, dans un programme alliant l’Allemand Johannes Brahms et
son disciple tchèque Antonin Dvořák, au
hongrois Béla Bartók, dont le seul rapport avec le premier est le recueil de Danses hongroises tandis qu’avec le second
l’inspiration plus ou moins puisée dans les musiques traditionnelles de leurs
pays respectifs.
Christoph Eschenbach. Photo : DR
Sous la direction de Christoph Eschenbach, Carnaval op. 92, deuxième volet du triptyque d’ouvertures qu’Antonin Dvořák a consacré à la nature, la vie et l’amour sur
lequel s’est ouvert le concert n’a rien eu de pragois, tirant plutôt vers la
Prusse, le chef allemand négligeant de faire chanter l’orchestre et perdant le
sens de la nuance pour se focaliser sur la rythmique, qu’il a rendue pour le
moins pesante, et le vertige sonore auquel les musiciens se sont laissés
emporter d’enthousiasme joutant en puissance, pour ne jamais aller en deçà du forte.
Béla Bartók (1883-1945), page autographe du Concerto pour alto et orchestre Sz. 120 (1945). Photo : DR
En revanche, dans le Concerto pour alto et orchestre Sz. 120 de Béla Bartók, Christoph
Eschenbach a confirmé combien il sait accompagner, soutenir et dialoguer avec
les solistes, qu’ils soient chanteurs ou instrumentistes. Ainsi les pupitres de
l’Orchestre de Paris ont-ils pu rivaliser de virtuosité, d’onctuosité, de
chatoiement. Certes, l’orchestration de cette partition restée inachevée à la
mort de son auteur est assez rudimentaire, et c’est à l’instrument soliste que
revient l’essentiel de l’œuvre, sa partie étant d’une intense expressivité et le
lyrisme rhapsodique d’une beauté suprême. La musicalité naturelle de Tabea
Zimmermann, l’ardente beauté de sa palette de timbres qui exalte des sonorités
de braise allant s’épanouissant sous l’archet d’airain de cette magnifique
artiste qui glisse avec une légèreté proprement aérienne sur le magnifique alto
du luthier français Etienne Vatelot qu’elle joue depuis 1983. En bis, l’altiste
allemande a donné un époustouflant mouvement initial de la Suite n° 1 pour alto en sol mineur op. 131d de Max Reger, première œuvre
directement écrite pour cet instrument seul de l’histoire de la musique,
quelques années avant les Sonates de
Paul Hindemith. Le jeu vif-argent de Tabea Zimmermann a instillé à cette page
un tour enchanteur, la musicienne se jouant des passages en doubles cordes et
des grands traits d’archet avec une aisance confondante.
Johannes Brahms (1833-1897). Photo : Bettmann/Corbis, DR
L’on a pu craindre un long moment pour la Symphonie n° 4 en mi mineur op. 98 de
Johannes Brahms, qui s’est ouverte sur un mouvement initial d’une lenteur
suffocante, d’une opacité asphyxiante, d’une noirceur funèbre. Défaite de sa lumière
et de sa sensualité, l’œuvre a risqué s’éterniser dans l’emphase, l’Orchestre
de Paris étouffant littéralement au point que l’on ne pouvait plus distinguer
la polyphonie des voies de l’écriture fluide de Brahms, dont les longues
phrases extraordinaires de beauté s’éternisaient à l’envi, les coups d’archet
traînant de façon trop appuyée sur les cordes, sans souplesse. L’Andante moderato s’est avéré plus
chantant et moins affecté, mais sans la générosité et l’humanité que ces pages
contiennent en vérité, tout en laissant enfin filtrer quelques rais de lumière.
Ce n’est que sur l’Allegro giocoso que
l’œuvre a commencé à respirer vraiment pour s’épanouir dans le finale, vif et
emporté, mais sans l’énergie jubilatoire que savaient y instiller un Claudio
Abbado, un Herbert von Karajan, un Michael Gielen, voire un Neeme Järvi, le
père de l’actuel directeur musical de l’Orchestre de Paris.
Bruno
Serrou
Theatre d'opera et de ballet et de choregraphes, Frans
RépondreSupprimerMetier merveilleux musiciens Francais et les penetrant enterpretation d'une chanson delicieux.
Supprimer