Gerd Albrecht (1935-2014).Photo : DR
Le chef d’orchestre allemand Gerd
Albrecht est mort à Berlin dimanche 2 février à l’âge de 78 ans des suites d’une
longue maladie. Célébré par les discophiles pour ses enregistrements d’œuvres rares, ce fin connaisseur du
répertoire tchèque et ardent défenseur de la musique contemporaine a commencé sa
carrière dans la fosse des théâtres lyriques allemands. A 27 ans, il devient à
Lübeck le plus jeune Generaldirektor d’Allemagne. Suivront
la Deutsche Oper de Berlin (1972-1976), l’Orchestre de la Tonhalle de Zürich
(1975-1980). De 1988 à 1997, il cumule les fonctions de chef d’orchestre et de
directeur de l’Opéra à Hambourg.
Né le 19 juillet 1935 à Essen, fils du musicologue Hans Albrecht, Gerd
Albrecht remporte en 1957 le Premier Prix du Concours de Chefs d’orchestre de
Besançon, ville où il sera nommé en 2012 directeur musical du Festival
international de Musique
et président du jury du Concours de chefs d’orchestre organisé en 2013.
En 1991, Gerd Albrecht devient directeur musical de la prestigieuse
Philharmonie tchèque dont il devient est le premier chef titulaire étranger. Après
deux ans de crises et de polémiques au sein de la phalange centenaire, et de
cabales politiques et nationalistes à Prague sur fond de tension dans les
relations tchéco-allemandes, à propos notamment des Sudètes, Albrecht
démissionne en février 1996, un mois après le concert du centenaire de l’orchestre.
Il faut dire que le chef n’a pas cherché à arranger les relations avec le gouvernement tchèque en
refusant de participer à un concert au Vatican lors de l’établissement
des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et l’Etat d’Israël, ce qui froissa
profondément le président Vaclav Havel. Albrecht envenima les choses en déclarant
dans la presse allemande qu’il était le « bouc-émissaire de trois siècles
de domination des Habsbourg en Bohême, de l’occupation nazie et de la
participation de la RDA à la répression du printemps de Prague en 1968 ».
Pourtant, en 2004, il retrouvait la Philharmonie tchèque dans le cadre du
Festival de Salzbourg, avant de l’emmener en tournée en Amérique du Sud en
2006. De 1997 à 2007, il est premier chef d’orchestre du Yomiuri Nippon
Symphony Orchestra et, de 2000 à 2004, de l’Orchestre Symphonique de la Radio
danoise à Copenhague.
Gerd
Albrecht était un fervent défenseur de la musique contemporaine, dirigeant de
nombreuses créations, parmi lesquelles des œuvres de Harrison Birtwistle à
Alfred Schnittke en passant par Sofia Gubaïdulina, Hans Werner Henze, Helmut
Lachenmann, Aribert Reimann, Wolfgang Rihm, et, surtout, Krzysztof Penderecki
et György Ligeti. Il a
notamment créé plusieurs opéras majeurs du dernier demi-siècle, comme Lear de
Reimann, La conquête du Mexique de Rihm et La petite fille
aux allumettes de Lachenmann. Il s’est également attaché aux oubliés
de l’histoire, comme Viktor Ullmann, disparu à Auschwitz, Louis Spohr, Zdeněk Fibich, Ferruccio
Busoni, Franz Schreker, Alexandre Zemlinsky, Erwin Schulhoff, Ernst Krenek, Paul Hindemith.
Il a
également été un fervent et fin vulgarisateur de la musique classique auprès des
jeunes, ouvrant un musée du son à Hambourg, écrivant plusieurs livres pour les enfants, participant à plus d’une
cinquantaine de films pour la télévision et initiant divers supports sonores destinés
aux jeunes auditoires. Il avait aussi lancé un bus musical pour diffuser la
musique dans les écoles allemandes. En 1989, il a créé la Fondation pour les
jeunesses musicales de Hambourg (Hamburger Jugendmusikstiftung) dont le but était
la promotion de jeunes musiciens.
Parmi sa riche
discographie, retenons les Concertos pour
piano et pour violoncelle de Schumann
avec Bruno Leonardo Gelber et Jacqueline Du Pré (Audite), Karl V de Krenek (Orfeo), les Symphonies
n° 1 et n° 2 d’Ullmann (Glossa), Gogo No Eiko de Henze (Orfeo), Meurtre, espoir des femmes, Cardillac, Sancta Susanna et Mathis le Peintre de Hindemith (Wergo),
la Symphonie n° 3 de Fibich (Orfeo), Lear (DG) et le Requiem (EMI) de Reimann, Armida,
le Diable et Catherine et Svata Ludmilla de Dvorak (Orfeo), le Triptyque de Puccini (Orfeo), Jessonda de Spohr (Orfeo), Olympia de Spontini (Orfeo), Inns Offene de Rihm (Col legno), Turandot et Arlecchino de Busoni (Capriccio), la Symphonie n° 7 de Pettersson (Cpo), Massimilla Doni et Panthelisea
de Schoeck (Koch-Schwann), Le Corregidor
de Wolf (Koch-Schwann), le Roi Candaule, la Symphonische Gesang et Der
Traumgorge de Zemlinsky (Capriccio), Der
ferne Klang, Der Schatzgraber et Die Gezeichneten de Schreker (Capriccio), les Concertos pour violon de Mendelssohn-Bartholdy avec Frank Peter
Zimmermann (EMI), Wozzeck et Die Soldaten de Gurlitt (Capriccio)…
Bruno Serrou
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