Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Mercredi 6 décembre 2023
Programme russe cette semaine pour l’Orchestre de Paris, qui a réuni deux
compositeurs aussi célébrés en Russie qu’aux Etats-Unis, et volontiers réunis en
une même entité, comme peuvent l’être les Français Claude Debussy et Maurice Ravel,
Serge Rachmaninov, le cadet dont on célébrait en 2023 le double anniversaire de
la naissance (cent-cinquante ans) et de la mort (quatre-vingts ans), et Piotr
Ilitch Tchaïkovski, l’aîné décédé voilà cent-trente ans, ce dernier avec une œuvre
célébrant opportunément Noël.
Si au disque, les deux compositeurs sont associés par eux partitions concertantes pour piano et orchestre, avec le Concerto n° 1 de Tchaïkovski et le Concerto n° 2 de Rachmaninov, l’Orchestre de Paris les a réunis avec une œuvre concertante du second et une musique de ballet du premier.
Le Norvégien Leif Ove Andsnes compte parmi les plus grands pianistes de notre temps. Cette semaine, invité de l’Orchestre de Paris, il a offert au public parisien un magnifique Concerto n° 3 pour piano et orchestre en ré mineur op. 30 de Serge Rachmaninov. Le pianiste norvégien, élégant et sobre, en a donné une interprétation magnétique. Après un premier mouvement retenu et manquant légèrement de souffle, s’attachant néanmoins à faire chanter le matériau thématique confié au clavier, Andsnes s’est libéré complètement pour faire respirer librement l’intermède Adagio au lyrisme intense, faisant bruire des sonorités pleines rondes, pour déboucher sur un Finale : Alla breve impressionnant de tenue et d’allant, sans pathos et sans les ralentendi intempestifs que trop de ses confrères exploitent de façon erronée, dialoguant avec une connivence communicative avec un Orchestre de Paris aux effectifs fournis mais ne couvrant jamais le soliste, Klaus Mäkelä étant en parfaite osmose avec son soliste. En bis, Andsnes a donné une Mazurka op. 33/2 de Frédéric Chopin saturée de lumière.
Quoique l’on puisse penser des trois ballets mis en musique par Piotr Ilitch Tchaïkovski, il faut bel et bien convenir qu’il est le premier compositeur russe à avoir composé de grandes et foisonnantes partitions pour la danse. Très courue sous forme de ballet, cette part de la création du compositeur russe est négligée par les salles de concerts, contrairement aux partions du genre de son compatriote Igor Stravinsky. Il faut dire que sa trilogie est particulièrement longue, et nombre de passages peuvent paraître indigestes sans chorégraphie. Composé après Le Lac des Cygnes (1875-1876) pour le Théâtre du Bolchoï à Moscou et La Belle au bois dormant (1888-1889) pour le Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg, Casse-Noisette a été créé dans ce dernier théâtre le 10 décembre 1892 dans une chorégraphie de Lev Ivanov. Période de l’Avent oblige, de ce ballet en trois actes de quatre vingt dix minutes qui a pour cadre les fêtes de Noël, l’Orchestre de Paris a choisi de ne donner que l’ouverture et les deux tableaux du premier acte, le tout dépassant déjà allègrement les trois-quarts d’heure de musique. Un premier acte dont la partition contient des mélodies parmi les plus populaires du répertoire classique (notamment l’harmonisation pour orchestre seul de la chanson Bon voyage Monsieur Dumollet) et des références à Mozart, à l’instar de l’opéra La Dame de Pique conçu en 1890, en particulier dans l’Ouverture miniature, la Marche, le Petit galop des enfants et la Danse du grand-père. Sans ballet, cette musique n’est pas dénuée de longueurs, et l’écoute attentive révèle quelque prosaïsme qui suscite une certaine monotonie, malgré les indéniables et pérennes qualités de l’Orchestre de Paris et la conviction de son directeur musical, Klaus Mäkelä.
Bruno Serrou
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