Paris. Athénée Théâtre Louis Jouvet. Grande salle. Samedi 6 mai 2023
Le Théâtre de l’Athénée Louis Jouvet a accueilli l’Académie de l’Opéra
national de Paris dans une production inédite de La scala di
seta (L’échelle de
soie) de Gioacchino Rossini.
Sixième ouvrage lyrique d’un compositeur de vingt ans, La scala di seta est aux côtés de La cambiale di matrimonio (Le contrat de mariage), L’occasione fa il ladro (L’occasion fait le larron), L’inganno felice (L’heureux stratagème) et Il signor Bruschino, ossia il figlio per azzardo (Monsieur Bruschino, ou le fils du hasard) est l’une des cinq farsa comica (farces comiques) que Gioacchino a écrites pour le Teatro San Moisè de Venise, où elle a été créée le 9 mai 1812.
Ecrit sur un livret en un acte de Giuseppe Maria Foppa, qui avait précédemment signé celui de L’inganno felice et qui sera l’auteur de celui de Il signor Bruschino, l’œuvre pour six chanteurs et un petit orchestre avec bois par deux (avec cors), pianoforte et cordes demeure célèbre par sa seule ouverture, qui fait le bonheur des programmateurs en mal d’inspiration. L’action de ce vaudeville a pour cadre une demeure bourgeoise du Paris du XVIIIe siècle. Giulia, pupille du vieux Dormont, aime le séduisant Dorvil qu’elle a épousé en secret avec le concours d’une vieille tante. Dormont ne se doute de rien, bien évidemment, les amants se rencontrant à son insu, Dorvil accédant à la chambre de Giulia avec une échelle de soie… Mais leur intimité est contrariée par Germano, un domestique fouineur et maladroit amoureux de Giulia, et par Lucille, cousine de cette dernière particulièrement curieuse, tandis que s’immisce dans l’histoire le riche Blansac, amoureux de Giulia qui a les faveurs de Dormont que sa pupille fait tout ce qu’elle peut pour le jeter dans les bras de Lucille…
Cette partition virevoltante d’essence belcantiste n’a rien de facile pour le sextuor de chanteurs, particulièrement lorsqu’ils sont encore en formation. Il est donc délicat de juger sereinement sur cette seule œuvre des musiciens en train de se former à un métier pour le moins difficile et exigeant. Car, malgré leur enthousiasme et une présence communicative, d’incontestables capacités vocales, souvent trop criantes voire criardes, la troupe de l’Académie de l’Opéra national de Paris manque ici de liant et de sens du beau chant, de la mélodie, du contrôle de soi. Chacun s’est montré comme pris au piège de la mise en scène énergique et par trop remuante façon théâtre de boulevard de Pascal Neyron qui se déploie au sein d’une scénographie pragmatique de Caroline Ginet de chambre à coucher-courant d’air emplie de trappes, de penderies, de tiroirs et de portes qui forcément ne cessent de claquer toujours plus fort, au diapason des lignes de chant des protagonistes qui se prennent au jeu de cette farce entraînante au point de perdre la notion de contrôle tant tout paraît excessif, aux limites de la vulgarité. A l’instar de la soprano hongroise Boglárka Brindás est une Giulia trop triviale et peu avenante, accoutrée d’un volumineux tutu jaune canari, qui donne le change à ses comparses, Kiup Lee (Dorvil), Seray Pinar (Lucille), Thomas Ricart (Dormont), Yiorgo Ioannou (Gemano), Andriy Gnatiuk (Blansac), qui ont d’indéniables aptitudes mais qui ne se donnent pas à la finesse, par la seule responsabilité d’une direction d’acteur qui ne leur en offre pas la possibilité.
Dans la fosse, Elizabeth Askren dirige avec vivacité mais un nuancier resserré un orchestre (sans cors) constitué de musiciens en formation au sein de l’Académie de l’Opéra et de l’Orchestre-atelier Ostinato d’où émerge un excellent pianofortiste malheureusement anonyme.
Bruno Serrou
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire