Toulouse, Théâtre du Capitole, vendredi 19 juin 2015
Giacomo Puccini (1858-1924), Turandot. Alfred Kim (Calaf), Elisabete Matos (Turandot). Photo : (c) Patrice Nin
Ultime opéra de Giacomo Puccini
(1858-1924), qui n’a pu parvenir au terme de sa genèse la mort l’emportant avant
qu’il entreprenne le duo final entre la princesse Turandot et son soupirant
Calaf, Turandot est l’un des
chefs-d’œuvre de l’opéra du XXe siècle. Loin de l’esprit tréteaux de
l’opéra que Ferruccio Busoni (1866-1924) adapta lui aussi de Carlo Gozzi, en
1917, celui de Puccini est un drame violent qui plonge dans l’exotisme d’une Chine
médiévale réputée particulièrement sanguinaire.
Giacomo Puccini (1858-1924), Turandot. Paul Kaufmann (Pong), Alfred Kim (Calaf), Gezim Myshketa (Ping), Gregory Bonfatti (Pang). Photo : (c) Patrice Nin
La plongée trash de Calixto Bieito dans l’enfer
d’une usine chinoise jure avec la conception du chef d’orchestre Stefan Solyom
qui offre une interprétation en tout point réussie. Ce qu’en offre à voir le
metteur en scène catalan dans cette coproduction du Capitole de Toulouse et des
Opéras de Nuremberg et de Belfast annihile tout imaginaire. Bieito entend de
toute évidence décontenancer le chaland. Or, à trop vouloir rompre avec les
intentions du compositeur et de ses librettistes, il sombre plus encore dans le
poncif, et prête davantage à sourire qu’à choquer le spectateur qui en a trop
vu de semblables par ailleurs.
Giacomo Puccini (1858-1924), Turandot. Elisabete Matos (Turandot). Photo : (c) Patrice Nin
Quant aux autres, ils ne peuvent que déplorer
leur incompréhension : « Je n’avais pas vu Turandot depuis longtemps,
et je ne me souvenais plus précisément de l’action, avouait consternée une
femme à une amie à l’issue de la première. Je n’ai strictement rien compris. »
Se déroulant au milieu de racks de stockage de cartons de poupées, cette production
fait de Turandot, coiffée d’une perruque blonde façon cheffe de parti d’extrême
droite française mais que l’on découvrira chauve durant une crise de rage, une
harpie PDG d’une usine pékinoise travaillant pour l’Occident qui maltraite aussi
bien ses ouvriers que son propre père Altoum, vieillard en phase terminale
d’une maladie incurable qui rampe continuellement en couche-culotte souillée,
tandis que Calaf est un syndicaliste rebelle à la tyrannie de sa patronne dont
il tombe amoureux, que les ministres Ping, Pang, Pong sont des gardes chiourmes
sans humour et que Liù pleure sur des poupées avant de se donner la mort.
Giacomo Puccini (1858-1924), Turandot. Dong-Hwan Lee (un Mandarin), Eri Nakamura (Liu), Alfred Kim (Calaf). Photo : (c) Patrice Nin
Cette
conception inutilement iconoclaste n’a que l’avantage d’offrir une continuité
musicale, parce que sans entracte, et une seule bonne idée, le précipité d’une
minute entre le dernier tableau, de la main de Puccini, et le finale, réalisé
par Franco Alfano...
Giacomo Puccini (1858-1924), Turandot. Elisabete Matos (Turandot), Alfred Kim (Calaf). Photo : (c) Patrice Nin
Mais tout n’est pas de la même
veine, heureusement. Car, de la fosse émane sans faillir l’essence-même de Turandot. Cela grâce au jeune
compositeur chef suédois Stefan Solyom, dont l’énergie et l’engagement exaltent
avec sagacité les subtilités et les grandes envolées de la partition, suivi
avec maestria par un Orchestre du Capitole aux sonorités de braise. Abstraction
faite de la Turandot criarde de la soprano portugaise Elisabete Matos, la distribution convainc, sous
la houlette du ténor coréen Alfred Kim, Calaf sûr et ardent, de la soprano
japonaise Eri Nakamura, Liù étincelante, de la basse coréenne In Sung Sim en
Timur, et, surtout, du chœur du Théâtre du Capitole, puissant et homogène.
Bruno Serrou
D'après mon compte-rendu paru dans le quotidien La Croix daté samedi 27/dimanche 28 juin 2015
Dommage que la presse ne pousse pas les maisons d'opéra à employer de talentueuses chanteuses d'opéra telle que Olga Perrier (un peu de promotion pour les artistes de France) à découvrir ici :
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