Paris, Opéra national de Paris, Opéra Bastille, vendredi 19 septembre
2014
Pour sa première production
nouvelle intra-muros de la saison 2014-2015, l’Opéra de Paris a porté son
dévolu sur un spectacle conçu pour le Grand Théâtre de Genève, où il a déjà fait un
début de saison, en 2010, avant d’être repris à l’Opéra de Saint-Etienne
en janvier 2013. Sans doute lassée de la réalisation plus ou moins usée de
Coline Serreau du Barbier de Séville
de Gioacchino Rossini inspirée des Mille et
une Nuits en 2002 puis reprise en 2003, 2004, 2008, 2009, 2010 et 2012, la
direction de l’Opéra de Paris a choisi de prendre un peu d’air frais, en optant
non pas pour une nouvelle conception de l’opéra le plus célèbre de Rossini mais
pour une « adaptation » et un « développement » d’un
spectacle préexistant.
Gioacchino Rossini (1792-1868), le Barbier de Séville. Photo : DR
Adapté aux dimensions du vaste
plateau de Bastille, ce Barbier de
Séville se déroule bel et bien dans un cadre d’une métropole méditerranéenne,
qui pourrait tout aussi bien être Naples que la cité andalouse, dans un
quartier populaire contemporain. Il est mené à un rythme infernal par une
troupe électrisée par le souffle théâtral de la mise en scène. Le cadre de
l’action conçu par Paolo Fantin, à l’instar de quantité de productions qui
usent et abusent de plus en plus de ce stratagème qui évite la conception de
trop nombreux décors, est un immeuble de quatre étages aux balcons chargés
d’antennes paraboliques et au rez-de-chaussée occupé par une loge de concierge
donnant sur une rue animée de voiture, vélos, motos, flanqué côté jardin d’un
estaminet à l’enseigne « Barracuda », et, côté cour, d’un autre bâtiment
de standing aux balcons fleuris. L’édifice central, entièrement occupé par le
docteur Bartolo qui y cloître sa pupille Rosine avec l’assistance de sa femme
de chambre, Berta, et d’Ambrogio, son serviteur devenu ici son concierge. Ce
vaste appartement aux multiples pièces surchargées de meubles sont pour Damiano
Michieletto autant de cadres pour déployer une action dynamique et pleine de
rebondissements animée par une direction d’acteur au cordeau qui a un peu trop
tendance à se développer dans des escaliers pour le moins envahissants. Ce tourbillon continuel engendre un sentiment de théâtre de boulevard soulignant
le caractère bouffe de l’opéra de Rossini aux dépends du message plus profond
de la comédie éponyme de Beaumarchais adaptée par Cesare Sterbini pour Rossini.
La multitude de petites saynètes confiées ça et là à de nombreux figurants aux costumes
bigarrés et d’un goût plus ou moins douteux dans les coloris et les tissus se
développant parallèlement à l’action principale sature et détourne l’attention
du spectateur au risque d'en oublier peu ou prou la musique et le chant. Les
courses incessantes des protagonistes les uns après les autres engendreraient
la lassitude s’il ne se trouvait des instants plus réfléchis voire d'introspection,
comme la plainte éperdue de Rosine.
Gioacchino Rossini (1792-1868), le Barbier de Séville. Photo : DR
A la différence de Genève et de
Saint-Etienne, ce n’est pas Alberto Zedda, le spécialiste incontesté de Rossini
dont il a élaboré le matériel critique de l’œuvre entier qui fait désormais
autorité, commençant en 1969 par le
Barbier de Séville, qui est dans la fosse de l’Opéra de Paris, mais son
compatriote Carlo Montanaro, actuel directeur musical du Teatr Wielki de
Varsovie. Pour ses débuts à l’Opéra de Paris, il attesté d’une probante
affinité avec l’œuvre de Rossini. Après une ouverture onirique et à la
rythmique aérée contrastant avec une gestique encombrante en
regard de la souplesse et de l’allant sans excès qui en résulte du côté de
l’orchestre à la plastique séduisante, le chef italien a déployé un
nuancier large et varié, attentif aux voix et exaltant le chant, rivalisant
ainsi judicieusement avec la mise en scène saturée pour donner à la partition un
foisonnement égal à la part théâtrale.
Gioacchino Rossini (1792-1868), le Barbier de Séville. Photo : DR
La première des deux
distributions qui se succéderont - la seconde se substituera à la première à
partir du 14 octobre - est dominée par la Rosine de Karine Deshayes, qui a déjà
tenu le rôle à Bastille lors des trois dernières reprises de la production de
Coline Serreau, en 2009, 2010 et 2012. Accoutrée d’une perruque rousse et enserrée
dans une robe trop étroite, elle campe une Rosine déterminée
mais touchante. L’émotion émane de son chant d’une belle musicalité, mais
la fluidité de ses pianissimi est parfois
contrariée par une puissance qui peut s’avérer excessive quand il s’agit de
déployer sa voix. Le ténor texan René Barbera est un Almaviva ardent et bien
chantant, la voix est ferme et liquide. Familier du rôle, le baryton slovaque Dalibor
Jenis est un Figaro sûr et audacieux. Carlo Lepore est un Bartolo mesuré, la
basse italienne excellant autant dans la comédie que dans la vocalité. Les seconds
rôles, qui n’ont de secondaire que leur part de chant pas de présence et de
jeu, sont sans faiblesse, avec la basse bulgare Orlin Anastassov qui Basilio
qui n’en fait pas des tonnes pour imposer son Basilio, le baryton portugais Tiago
Matos en Fiorello et la mezzo-soprano roumaine Cornelia Oncioiu en Berta.
Bruno Serrou
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